Principal vecteur du développement, la route, la bonne route reste encore un luxe pour les Guinéens. Puisque la plupart des routes nationales, urbaines et pistes rurales, sont impraticables. Pourtant, le défunt régime CONDÉ y a consacré des investissements colossaux. Plus de trois milliards de dollars US injectés dans le secteur pour un résultat mitigé avec à la clé, des controverses autour de certains contrats. Pour parler de cette lancinante question, votre quotidien économique a reçu M. Balla Moussa Konaté, ingénieur ponts et chaussées, spécialiste des questions routières.
Lisez plutôt !
Émergence : M. Konaté, quel constat faites-vous du réseau routier guinéen ?
Balla Moussa Konaté : Mieux vaut dire le patrimoine routier guinéen car celui-ci englobe le réseau routier lui même et les routes urbaines. Ainsi, pour me prononcer, je dirai que nos routes ne se portent pas toujours bien au regard de l’attente des populations et de la taille des sommes allouées à leur service depuis plusieurs décennies et surtout pendant ces dernières années.
Émergence : Prenons le cas spécifique de la capitale Conakry. Chaque année, les voiries font objet de réparation à travers les travaux d’urgence. Comment cela peut-il s’expliquer ?
Balla Moussa Konaté : Tout comme les autres routes de notre pays, la voirie urbaine de Conakry souffre des mêmes démarches depuis longtemps. En effet, les travaux routiers sont quasi permanents depuis plusieurs années en Guinée avec des supports financiers toujours importants. Dans beaucoup de cas, le mouvement cyclique qui consiste à exécuter des travaux puis les reprendre aussitôt est l’une des plus grandes faiblesses de ce secteur ces derniers temps, aussi bien à Conakry qu’à l’intérieur du pays. Des diagnostics biaisés dans des conceptions, des mauvaises exécutions de travaux, des réparations de routes en lieu et place d’une véritable politique d’entretien routier, des usagers et des populations qui contribuent à la dégradation précoce des infrastructures routières sont parmi les principales causes de l’état peu reluisant de nos routes depuis longtemps. Il faut aussi pointer du doigt des insuffisances dans la qualité de l’urbanisation de Conakry, avec notamment la mauvaise gestion des eaux pluviales dont les effets sur nos routes sont constamment visibles.
Émergence : Plusieurs projets de réhabilitations de routes sont en souffrance, c’est le cas de la nationale Conakry-Coyah-Dabola. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Balla Moussa Konaté : Le Président Colonel Mamadi Doumbouya avait dit au nom du CNRD, lors de ses premiers messages à la nation, que tous les accords internationaux seront respectés. Le chantier de route Coyah-Kindia-Mamou-Dabola en exécution par les chinois fait partie à mon avis de ce lot. Globalement, les infrastructures et les transports sont une mission régalienne de l’État, donc des nouvelles autorités. Les choses doivent marcher en fonction de ce qui est faisable.
Émergence : Aujourd’hui, la question est de savoir qui des sociétés adjutatrices des marchés, les missions de contrôle ou le ministère des infrastructures et des transport, ne joue pas son rôle dans la construction de bonnes routes en Guinée ?
Balla Moussa Konaté: Je ne saurai attribuer des responsabilités individuelles dans ce genre de jugement. Pour moi, notre réussite dans le secteur routier doit procéder des efforts conjugués de tous les acteurs impliqués, chacun en ce qui le concerne. Dans cette synergie d’action, tous les maillons de la chaîne des valeurs sont incontournables.
Émergence : Avec la transition en cours, est-il possible d’engager des travaux d’envergure dans le domaine routier ?
Balla Moussa Konaté : Cette question ne relève pas de ma compétence. À mon avis, en plus de l’achèvement des chantiers d’utilité avérée en cours, à tout moment notre préoccupation doit consister en la consolidation du bon état de nos infrastrures routières et le freinage de la dégradation de celles qui ne sont pas encore beaucoup touchées.
Dans l’ordre prioritaire, les routes nationales doivent être la priorité de nos autorités, ensuite la voirie urbaine dans le grand Conakry, puis les routes rurales et enfin la voirie urbaine de certaines de nos villes. Suivant les possibilités
Émergence : Quel rôle doivent jouer des techniciens de votre trempe, à l’occasion de cette transition pour repenser cette situation sur nos routes ?
Balla Moussa Konaté : À mon humble avis, pendant cette transition, les nouvelles autorités doivent promouvoir l’excellence dans tous les domaines. Non seulement le résultat sera concluant, mais également cela paraitra comme une boussole pour la jeunesse, en vue du développement intégral de notre pays. La contribution de tous les bons techniciens pourrait faciliter à la Guinée de mieux rationaliser ses investissements dans le domaine des routes.
Émergence : Le dossier EBOMAF cristallise le débat ces derniers temps en Guinée. Que vous inspire ce dossier ?
Balla Moussa Konaté : Le dossier dit EBOMAF est une affaire à examiner avec beaucoup d’attention. La récente sortie médiatique du patron de cette l’entreprise n’a fait mettre le feu aux poudres dans une affaire qui sommeillait. À mon avis le PDG d’EBOMAF s’est rendu coupable d’une grosse maladresse dans sa manière de communiquer pendant que sur le terrain, le constat est amer en terme de volume et de qualité des travaux réalisés sur le cas particulier du tronçon Kankan-Kissidougou. Ce dossier si rocambolesque soit-il, n’est pour le moment débattu que dans les médias de notre pays.
Émergence : Votre mot de la fin ?
Balla Moussa Konaté : Pour moi, le bonheur se construit comme un édifice. Ensemble, œuvrons inlassablement pour la grandeur de la Guinée.
Interview réalisée par Boubacar Diallo