Pourtant, le 29 septembre dernier, tout laissait penser que le fils du président équato-guinéen avait bien été dépossédé de ses voitures au profit d’un projet social dans son pays.
La justice suisse s’est montrée nettement plus clémente que les magistrats français pour Teodoro Nguema Obiang Mangue, surnommé Teodorin, vice-président de la République de Guinée équatoriale et fils du président de ce petit pays africain producteur de pétrole. Alors que la 32e chambre du tribunal de grande instance de Paris l’a condamné en octobre 2017 à trois ans de prison et 30 millions d’euros d’amende avec sursis, pour blanchiment de détournement de fonds publics, les procureurs genevois ont abandonné contre lui leurs poursuites pour blanchiment d’argent et gestion déloyale des intérêts publics, en février 2019. En revanche, ils ont séquestré les 25 véhicules de luxe que Teodorin Obiang utilisait sur les bords du lac Léman pour ses loisirs.
Des bolides propriétés du ministère de la Défense
Parmi ces bolides : une Lamborghini Veneno, une Bugatti Veyron, trois Rolls-Royce, plusieurs Ferrari, une Maserati, une Porsche, une McLaren. Mais, officiellement, ces bolides n’appartiennent pas au fils du président, mais à l’État de Guinée équatoriale, notamment au ministère de la Défense… L’un des procureurs genevois n’a pas manqué de s’étonner que ces voitures de grand luxe puissent être effectivement destinées à la communauté « dans un pays dont la population vit sous le seuil de pauvreté et dont les routes ne sont probablement pas adaptées aux véhicules séquestrés ». Malabo accepte que ces véhicules soient vendus aux enchères et que le produit de la vente soit versé à un « programme à caractère social » en Guinée équatoriale.
La famille Obiang derrière cette vente ?
La vente a finalement eu lieu le 29 septembre dernier, malgré l’opposition de la Guinée équatoriale qui exigeait que toutes les automobiles soient vendues en un seul lot. La justice genevoise a rejeté cette exigence. Finalement, cette « braderie » a rapporté 23,4 millions de francs (21 millions d’euros). La Lamborghini Veneno partant pour 7,5 millions, une Koenigsegg pour 3,6 millions, une Ferrari jaune pour 2,4 millions d’euros. La Tribune de Genève, qui a couvert cette vente aux enchères, qui s’est déroulée à Chéserex, dans le canton de Vaud, « 23,4 millions pour les voitures d’Obiang », revient quelques jours plus tard avec un titre, cette fois interrogatif : « La famille Obiang aurait-elle racheté ses bolides ? ».
L’arrivée surprise du président
En effet, même si Benjamin de Rothschild a pu mettre la main sur une Bugatti bleue, en revanche, presque la moitié des bolides ont été acquis par un Allemand âgé d’une trentaine d’années, barbu et aux cheveux gominés, portant une oreillette. Il a notamment mis la main sur la Lamborghini Veneno. « Jamais une voiture de cette marque n’a été vendue aux enchères à un tel prix », écrit le quotidien, qui laisse entendre que ce mystérieux acheteur ne serait vraisemblablement que le faux nez de la famille Obiang. « Qui d’autre serait prêt à mettre autant d’argent ? » Des soupçons étayés par l’arrivée à Genève le lendemain de la vente aux enchères d’un avion de la compagnie de Guinée équatoriale, Ceiba Intercontinental, avec à son bord le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et son épouse. Une coïncidence d’autant plus curieuse que, depuis les ennuis judiciaires de Teodorin Obiang, remontant en 2016, la famille présidentielle préférait éviter les bords du lac Léman.
Il reste à savoir comment la Suisse compte s’y prendre pour contrôler que le fruit de cette vente aux enchères aille bien à un projet social en Guinée équatoriale. Et non dans les poches du clan au pouvoir. Lorsque la Suisse avait séquestré l’un des yachts de luxe de Teodorin Obiang, le fils du président avait prétendu qu’il s’agissait d’un navire de guerre…
Lepoint.fr