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Îles de Loos : Un potentiel touristique à valoriser

La Guinée demeure l’un des pays les plus admirables de l’Afrique de l’Ouest de par la richesse de son potentiel touristique dont la valorisation pourrait permettre d’engranger des revenus importants pour l’économie nationale.

Surtout que le pays offre des conditions touristiques intéressantes, aussi bien par la variété et la diversité de ses paysages, mais aussi de ses microclimats, de ses îles, de sa faune et de sa flore.

Malgré les énormes potentialités dont il regorge, le sous-secteur du tourisme reste confronté à des difficultés liées à la faiblesse des ressources financières qui lui sont allouées, à la faible promotion des activités et produits touristiques, au non aménagement des infrastructures touristiques, à la faible capacité de ressources humaines, etc. Selon le programme national de développement économique et social (PNDES 2016-2020), la part du tourisme et l’hôtellerie dans le PIB en 2013 était de 1,2%. Les prévisions quant à elles, pour 2018 de 2,0% et 3% en 2020.

Pour ce numéro spécial, Emergence MAG vous fait découvrir les îles de Loos, dans la sous-préfecture de Kassa. Rattachée au gouvernorat de Conakry, cette sous-préfecture est un archipel composé de sept (7) îles et îlots, dont trois sont habités (Kassa, Fotoba et Room). Sa population est de 18 000 habitants. L’archipel des Iles de Loos est situé à 7 km de la capitale Conakry, dans l’océan Atlantique. Il couvre environ 6O Km² sur un cercle de 18 à 19 Km de diamètre.

A la découverte des îles de Loos !

Pour se rendre à Kassa, la principale voie est la mer. Les moyens de transports sont des pirogues motorisées ou non, et un bateau offert par le chef de l’Etat pour faciliter la traversée en toute sécurité. Il est 7h25 minutes en ce samedi 9 novembre 2019. Nous sommes au port de Dougoufoulou à Boulbinet, derrière le palais Mohamed V. Dix pirogues sont accostées au quai d’embarquement. Les piroguiers s’activent. Certains entretiennent leur moteur hors-bord, d’autres évacuent l’eau de leur pirogue. C’est le weekend. Ça grouille de monde. De nombreux touristes et des visiteurs patientent à côté. Les piroguiers mesurent l’ampleur de la tâche qui les attend. Avec toute cette clientèle qui afflue, pour rallier les îles, en quête de sable fin et d’une mer bleue turquoise.

Il est 7H 48 minutes quand la première pirogue prend le départ du port pour l’île de Room. Avec à son bord, quinze (15) touristes blancs et deux membres d’équipage.

Puis c’est le tour de la seconde barque de se pointer au quai. A bord cette fois, il y a 25 passagers, plus deux membres d’équipage.

« Quels sont ceux qui ne savent pas nager ? » lance le commandant de bord aux passagers. Tous répondent presqu’à l’unisson « moi ».

Il distribue alors les gilets de sauvetage à ceux qui ne savent pas nager d’abord, qui étaient les plus nombreux, ensuite aux autres. Puis, il invite les passagers à s’inscrire sur une feuille blanche.

A 8h 02 mn, la pirogue motorisée de 15 CV hors- bord, quitte le quai, avec pour destination Kassa. A l’intérieur de la barque, les passagers sont installés sur des sortes de tranchées qui font office de bancs.

Au fur et à mesure que la pirogue avance, on voit des bateaux de pêche, des pirogues en partance pour Kaloum, des épaves de bateaux, et des oiseaux pêcheurs bondir sur leurs proies.

A 8h 27 mn, la barque accoste à Kassa (Sorro). On a en vue un tout autre paysage, différent de celui de Conakry. On y voit une montagne de granite fendue d’un côté, de la verdure, des palmiers, on sent de l’air pur nous envahir, tandis que des chants d’oiseaux en rajoute à la beauté des plages et au calme de l’océan.

À la plage de Sorro, l’ambiance est festive. Les gens rient, la musique et des chants se font entendre de partout. Des jeunes enfants jouent au ballon à côté de la plage sous l’œil vigilant de leurs parents. Certains nagent, pendant que d’autres prennent un bain de soleil sur du sable fin.

Les îles de Loos, comme si vous y étiez

Pour cette randonnée, Mohamed Ben Soumah, guide touristique, point focal du ministère de l’Hôtellerie, du tourisme et de l’artisanat sur l’archipel est notre accompagnateur. La découverte commence par Kassa, la première île qu’on aperçoit depuis Conakry. Elle s’étend sur 8 km de long et abrite le centre administratif des iles de Loos. La particularité de cette île, est qu’elle regorge d’énormes sites touristiques, dont la plupart sont non aménagés.

Sur les traces de Cheick Amadou Bamba Mbaké et de la première huilerie de Guinée

KASSA- Le hameau de Sebaya dans Kassa, c’est le lieu où la bauxite avait été découverte pour la première fois en Guinée. En 1920, la « Compagnie des Bauxites du Midi », filiale française d’Alcan, s’intéresse à la bauxite de Guinée et commence son exploration puis son extraction en 1952. Alors, cette localité a abrité la première usine de bauxite de Guinée. Au centre de l’ile, il existe des carrières béantes d’extraction de la bauxite exploitées pendant cette période. Des traces du premier port minéralier, dont un hangar et quelques vestiges de l’usine créée en 1937/1939, sont visibles. Tous abandonnés dans une brousse où on ne trouve que déchets, chats, crocodiles et chiens errants.

L’autre découverte à vous couper le souffle sur cette île, est l’huilerie de Kassa qui fut la première usine d’huile d’arachides bâtie en Guinée. Construite par les Français, et aujourd’hui abandonnée dans la nature.

Le centre de Kassa abritait également l’ancienne cité des fonctionnaires de l’Afrique occidentale française (AOF). Les monuments sont en ruine, isolés dans une forêt d’arbres et d’herbes sauvages.

Au sud de l’île à Kassa, il faut traverser le village de Koromandia pour rejoindre l’ilot goulu, où Cheick Amadou Bamba Mbaké, Chef des Mourides avait posé sa natte de prière sur le rocher en 1895. Les traces blanches restent encore visibles et pour l’éternité (accessible à marée basse uniquement). Ce lieu sacré reçoit surtout la confrérie Mouride du Sénégal pour des pèlerinages. Sur place, un portrait de feu Cheik Amadou Bamba y est dressé. C’est un endroit où on ne fait pas de défécation, a expliqué Ben Soumah.

Au nord du centre administratif, se situe le secteur de Sorro. C’est un lieu où prospèrent palmiers et fleurs en tous genres. Très fréquentés par les visiteurs, Sorro a la particularité d’avoir des hôtels avec des cases rondes et des plages qui offrent une vue de Conakry d’un côté, de l’île de Fotoba (à l’ouest) et l’observation du coucher du soleil. Cet observatoire permet aussi de contempler l’île de Room à l’extrémité sud-ouest. Dans cette localité, on y découvre les deux grands rochers, transformés en lieu de culte où les insulaires faisaient des sacrifices pour exorciser les mauvais sorts.

Ce fut également une carrière d’extraction de roches dures pour la construction d’une digue de protection du port de Conakry, à l’époque coloniale.

L’Île de FOTOBA où mourut le Waliou de Gomba

S’étendant sur plus de 9 Km de long et 1Km 600 de large, Fotoba est la plus vaste des îles de Loos. Sa population est estimée à 2609 habitants, selon le chef du district, James Lucien MAKOLE. Village dont la population est majoritairement Chrétienne, jusqu’à 1850, Fotoba servait de dépôt d’esclaves aux Américains et Portugais.

Cette localité a la particularité d’abriter le Pénitencier : prison coloniale qui est composée de deux à cinq cellules en pierres taillées. Le Pénitencier datant de 1906, recevait les grands détenus de l’ex Afrique Occidentale Française (AOF) : Sénégal, Guinée, Guinée Bissau, Sierra Léone. Il fut aussi l’ancien asile pour la population à déficience mentale.

L’île garde les tombeaux des anciens, comme le waliou de Gomba, chef religieux et militaire du nord-ouest de Kindia. Ce dernier refusa de se rendre aux Français, et fut arrêté en 1911. A plus de 80 ans, il est mort dans sa cellule de Fotoba en 1912.

Nous avons pu voir aussi l’église anglicane de Fotoba, construite par des Anglais en 1862, qui fut inaugurée en 1870. Elle est la plus vieille Eglise en Guinée, après celle de Boffa à Falandjan.

Sur l’île, se trouve l’une des premières écoles du pays, construite en 1905. Elle était destinée au départ à l’éducation des enfants Chrétiens, vivants sur l’île. Et tous les enfants de l’archipel des îles de Loos venaient y étudier. Quand les Anglais ont laissé les îles à la France, l’école est devenue chrétienne et laïque. Aujourd’hui, l’école est renommée Christian Bégué de Fotoba, qui a rénové l’école en 1992. Elle dispose un effectif de 179 élèves, 86 filles. Ils sont répartis en 6 groupes pédagogiques pour 5 salles disponibles. Les élèves sont encadrés par 6 enseignants, dont deux contractuels.

À l’extrémité sud de Fotoba, se dresse le Phare de Tamara. Situé à 99 mètres de hauteur, ce phare érigé en 1911, est le plus haut sommet des îles de Loos. C’est un point mis par le département des Transports pour orienter les grands navires. Il se trouve sur une montagne où viennent les visiteurs pour voir l’image des différentes îles. Ce phare donne une vue générale sur l’archipel des îles de Loos. On y observe également les ilots inhabités: Corail, Blanche, Cabri et Poulet.

Silvéan Lecompte, coopérant français en Guinée, est venu visiter les îles de Loos. Il dresse un tableau flatteur du potentiel dont regorgent ces îles.

« C’est magnifique de venir visiter ces différents sites touristiques. C’est un bon bol d’air frais quand on quitte Conakry pour venir ici. C’est très reposant sur ces îles. On a une végétation luxuriante, des gens très accueillants. C’est un très grand contraste entre ce qu’on peut voir à Conakry et ce qu’on peut trouver ici. On découvre plein des choses. Des vestiges de toute une histoire. Ce sont des sites touristiques qui méritent d’être améliorés, pour certains, et d’autres, restaurer.  Il y a un potentiel pour faire venir des gens et faire développer ce tourisme. »

Île de ROOM

C’est la plus petite des îles habitées, qui s’étend sur 2 Km de long et moins de 500 m de large. Cette île est largement ouverte sur la mer. Elle est située entre les îles de Kassa et Fotoba (côté sud). Cette situation géographique lui confère une position idéale d’être le centre de stockage de tous les produits des actions de pirateries (pacotilles à l’argent et l’or), des Portugais avant leurs transferts vers d’autres contrées au XV siècle.

Room garde également la fameuse Plage du Gouverneur, ouverte à la mer avec une grande étendue. La plage s’appelle ainsi car elle était le lieu de repos du gouverneur de la Guinée française et des hauts fonctionnaires. Room offre une végétation très merveilleuse qui produit d’énormes effets sur les visiteurs.

Les côtes de l’archipel sont réputées pour ses eaux très poissonneuses. A partir de la pirogue même, on peut observer des poissons nager par bandes.

Un reportage réalisé par Aliou BM Diallo in Emergence Mag N°8