À l’échelle juridique, une société est une entité dotée de la personnalité morale, créée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, qui conviennent d’associer des moyens matériels et humains afin de réaliser un objectif commun ou de se partager les biens et les pertes qui pourraient en résulter.
Au cœur de cette définition se trouve l’idée de collaboration structurée pour atteindre des buts spécifiques, souvent régis par des statuts et règlements internes. Les sociétés peuvent prendre diverses formes juridiques, chacune adaptée à des besoins et des structures organisationnelles spécifiques, qu’il s’agisse de sociétés anonymes, de sociétés à responsabilité limitée ou encore de coopératives. Leur création repose sur un contrat de société, un acte juridique fondamental qui fixe les droits et obligations des associés, ainsi que les modalités de fonctionnement de l’entité. Ce cadre juridique permet de formaliser la relation entre les partenaires et d’assurer une gouvernance efficace et transparente.
La notion de « publique » renvoie à tout ce qui se rapporte à l’État ou à une collectivité territoriale, en vue de satisfaire l’intérêt général. En d’autres mots, cela englobe tout ce qui appartient, est géré ou contrôlé par l’État et ses collectivités. L’intervention de l’État dans la sphère économique par le biais de la création et de la gestion de sociétés publiques est souvent motivée par la nécessité de garantir des services essentiels à la population, de réguler des secteurs stratégiques ou de pallier les défaillances du marché. Ces interventions sont justifiées par des considérations d’intérêt général, de sécurité nationale ou de développement économique. Ainsi, les sociétés publiques, par leur nature, sont appelées à jouer un rôle important dans l’économie en prenant en charge des missions que le secteur privé ne peut ou ne veut pas toujours assumer.
De la combinaison de ces deux notions, on pourrait en déduire qu’une société publique est une entité dotée de la personnalité morale, sur laquelle l’État ou d’autres collectivités territoriales peuvent exercer une influence dominante directe ou indirecte en raison de sa propriété, de sa participation financière ou des règles qui la régissent. On peut parler d’influence dominante lorsque ces autorités publiques possèdent soit directement ou indirectement la majorité du capital souscrit par la société ou y exercent un contrôle significatif. En clair, la société publique est une catégorie particulière de société. Ce type de structure se distingue par un ensemble de caractéristiques spécifiques, telles que l’imputabilité à l’État, la soumission à des régimes juridiques particuliers et la poursuite d’objectifs qui transcendent la simple recherche de profit. Les sociétés publiques doivent souvent concilier des missions de service public avec des impératifs de rentabilité économique, un équilibre délicat qui exige une gouvernance rigoureuse et transparente.
Pour le professeur Mayatta Ndiaye Mbaye, secrétaire général actuel à la tête de l’OHADA, les entreprises publiques sont des sociétés à régime particulier, faisant de leur gouvernance un système spécifique qui, à plusieurs égards, s’éloigne des standards internationaux de gouvernance d’entreprise. Cette assertion du professeur signifie qu’en raison de la particularité des sociétés publiques, qui implique notamment la participation importante de l’État et ses collectivités, elles possèdent des structures de gouvernance et des pratiques de gestion qui ne s’accordent pas toujours avec le mode de fonctionnement et les normes internationales habituellement appliquées aux entreprises privées. La gouvernance des sociétés publiques doit souvent composer avec des contraintes réglementaires, des impératifs politiques et des attentes sociales qui influencent leur fonctionnement et leur performance. Cette singularité impose la mise en place de mécanismes de contrôle et de supervision adaptés, visant à garantir la transparence, l’efficacité et la reddition des comptes. Les défis en matière de gouvernance sont souvent liés à des questions de responsabilité, de transparence et de gestion des conflits d’intérêts, qui peuvent être intensifiés par la proximité avec les autorités publiques.
Les sociétés publiques jouent un rôle des plus importants dans le développement économique et social de nombreux pays africains, y compris la Guinée, car elles opèrent généralement dans des secteurs à fort impact pour le pays tels que le secteur de l’énergie, le secteur des transports, le secteur des télécommunications, où leur objectif dépasse le simple profit et inclut des missions de service public et de développement national. Ces secteurs sont souvent considérés comme des piliers de l’économie nationale, leur bon fonctionnement étant essentiel pour soutenir la croissance économique, améliorer les infrastructures et garantir l’accès aux services de base pour la population. Les sociétés publiques, en raison de leur mission, sont souvent chargées de réaliser des investissements lourds et de long terme, nécessitant une planification rigoureuse et une gestion efficace des ressources. Elles participent à la modernisation des infrastructures, le soutien à l’industrialisation et la promotion de l’innovation technologique. Leur contribution au développement économique se manifeste également par leur capacité à générer des emplois, à stimuler l’activité économique locale et à favoriser le développement régional.
Cependant, à l’instar de nombreux pays en développement, les sociétés publiques de la Guinée rencontrent des défis en matière de gestion, de gouvernance, de transparence et d’efficacité. Ces défis se manifestent par des problèmes récurrents de mauvaise gestion, de corruption, de gaspillage des ressources et de faible performance opérationnelle. La gouvernance des sociétés publiques est souvent entravée par des interférences politiques, une supervision inadéquate et un manque de compétence au sein des conseils d’administration et des équipes de direction. La transparence dans les opérations et la reddition de comptes restent des enjeux majeurs, avec des mécanismes de contrôle interne souvent insuffisants pour détecter et prévenir les abus. Ces défis nécessitent des réformes structurelles et institutionnelles pour renforcer les capacités de gestion et améliorer la performance globale des sociétés publiques. Des initiatives telles que la formation continue des cadres, l’implémentation de systèmes de gestion modernes et l’adoption de normes de transparence internationales peuvent contribuer à surmonter ces obstacles.
Dans nos prochaines publications, nous retracerons l’histoire des sociétés publiques en Guinée, les classifierons et les comparerons à celles des pays voisins. Pour mener à bien ce travail de réflexion, nous examinerons également la gouvernance de ces entités en mettant en avant les mécanismes de gestion et de contrôle financier en place, en les comparant avec les pratiques observées au Bénin et au Burkina Faso et nous achèverons en explorant le cadre légal de ces sociétés publiques guinéennes par rapport aux législations existantes en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Cette analyse comparative permettra de mettre en lumière les spécificités et les lacunes du système guinéen, et d’identifier les bonnes pratiques susceptibles d’améliorer la performance et la gouvernance des sociétés publiques dans le pays. Cette étude visera également à formuler des recommandations pour la réforme et l’amélioration des sociétés publiques, en s’appuyant sur les leçons tirées des expériences des pays voisins. Ne manquez aucun de nos prochains articles.
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Par Lancine Doumbouya
Consultant – Auteur
Fondateur – Associé-Gérant de BALIMANA CONSULTING & INVESTMENT SARL
+212623569895
lancinebalimanadoumbouya.lbd@gmail.com
Référencements
LOIS ET ARRETES GUINEENS
Loi L/2015/N° 008/An du 25 mai 2015 portant Code des investissements en République de Guinée.
Loi L/2017/056/AN du 08 décembre 2017, modifiant certaines dispositions de la Loi L/2016/075/AN du 30 décembre 2016, portant Gouvernance Financière des Sociétés et Etablissements Publics en République de Guinée.
Arrêté A/2021/860/MEF/CAB/SGG du 29 avril 2021 portant qualification et catégorisation des entreprises
Loi n°2001-18 du 23 octobre 2001 sur la réforme des entreprises publiques en guinée
LOI SENEGALAISE
Loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur para public au Sénégal, au suivi du portefeuille de l’Etat et au control des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique
LOI IVOIRIENNE
Loi ivoirienne n° 2020-626 du 14 août 2020 portant définition et organisation des sociétés d’Etat
LOI BURKINABE
Code de bonnes pratiques de gouvernance des sociétés d’Etat au Burkina Faso
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Article de Mohamed CAMARA, économiste consultant, associé gérant du Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING et membre du réseau KILLY, portant « gouvernance des sociétés publiques en Guinée » et « la notion d’organismes publics »
Document portant Gouvernance des entreprises publiques et privées au Burkina Faso : Etat des lieux et perspectives.
Termes de références de la revue annuelle des établissements publics administratifs. Rapport sur l’état de la gouvernance et la reddition des comptes, édition juin 2023.