Emergence – La Guinée, souvent reconnue pour ses ressources naturelles abondantes, se distingue aujourd’hui par une dynamique économique impressionnante. Au deuxième trimestre de 2024, le pays a enregistré une croissance du PIB réel de 7,4 %, démontrant ainsi sa résilience face à un environnement international en constante évolution.
Cet article explore le dernier rapport du Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque Centrale de la République de Guinée, qui offre une analyse approfondie de cette performance économique remarquable.
Dans un contexte mondial où les économies avancées affichent des signes de robustesse, la Guinée tire sa force d’un secteur minier en plein essor. Les exportations de bauxite et d’or propulsent son développement, tandis que la demande intérieure, soutenue par des investissements publics et privés, contribue également à cette croissance. Cependant, cette performance s’accompagne de défis notables, tels que la dépréciation du franc guinéen et une inflation qui, bien qu’en baisse, reste préoccupante.
À travers cet article, nous examinerons les éléments clés du rapport du CPM, mettant en lumière non seulement les succès économiques du pays mais aussi les risques potentiels qui pourraient entraver cette dynamique. En abordant les perspectives d’avenir pour la Guinée, nous discuterons des questions cruciales sur la gestion des ressources naturelles et la nécessité d’une diversification économique pour assurer une croissance durable et inclusive.
Contexte International
L’économie mondiale a maintenu une dynamique positive au cours du deuxième trimestre 2024, avec une croissance robuste dans la plupart des économies avancées. Les États-Unis ont affiché une croissance annuelle de 3,1 %, tirée par la consommation des ménages et les investissements. La zone euro a connu une légère augmentation de sa croissance, atteignant 0,6 %, grâce à une dynamique accrue dans les services et les exportations nettes.
Les économies émergentes et en développement ont présenté des performances contrastées. La Chine a connu un ralentissement à 4,7 %, tandis que le Nigéria a accéléré sa croissance à 3,1 %. L’indice global des matières premières a augmenté de 1,1 % au deuxième trimestre, soutenu par une hausse des indices énergétique (+9,0 %) et non énergétique (+5,6 %). Le prix du pétrole (Brent) a diminué tandis que le prix du gaz naturel a fortement rebondi en raison des tensions géopolitiques et de la forte demande asiatique.
Performance Économique de la Guinée
Croissance Économique Soutenue
La Guinée a enregistré une croissance du PIB réel de 7,4 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2024, après 7,9 % au premier trimestre. Cette performance est attribuée à la fois à la demande intérieure et extérieure, démontrant la résilience de l’économie malgré les défis.
La demande intérieure a progressé de 7,0 %, tirée par l’augmentation des investissements publics et privés, ainsi que de la consommation finale. L’investissement public a été stimulé par les travaux d’infrastructure et la construction, tandis que l’investissement privé a bénéficié de l’essor du secteur minier.
Les exportations nettes ont également contribué à la croissance économique, augmentant de 22,7 % au deuxième trimestre 2024. Cette hausse est due à la forte progression des exportations, notamment de bauxite et d’or, malgré une augmentation significative des importations.
Secteur Minier Dynamique
Le secteur minier a joué un rôle crucial dans la performance économique de la Guinée. La production de bauxite a augmenté de 10,1 % par rapport au premier trimestre, atteignant 38,5 millions de tonnes au deuxième trimestre 2024. Cette croissance est attribuable à l’opérationnalisation d’un bureau d’évaluation de la qualité, à l’entrée en production d’une nouvelle société et à la valorisation du prix de la bauxite guinéenne.
La production d’alumine a également progressé de 21,8 % pour atteindre 108,1 tonnes au deuxième trimestre. Les expéditions d’or ont augmenté de 24,2 % pour atteindre 20,8 tonnes, stimulées par un cours favorable sur le marché international. Les expéditions de diamant ont plus que doublé par rapport au trimestre précédent, atteignant 48 669 carats.
Cependant, la contribution du secteur minier aux recettes fiscales a toutefois diminué au deuxième trimestre 2024, passant de 18,9 % au premier trimestre à 15,9 %. Cette baisse peut être attribuée à des ajustements fiscaux et à des fluctuations dans les prix des matières premières.
Autres Secteurs
La production d’eau et d’électricité a diminué au cours du deuxième trimestre, en partie à cause d’un incendie dans un dépôt de la Société d’Electricité de Guinée (EDG). Cette baisse a eu un impact négatif sur la disponibilité de l’électricité, affectant les activités économiques dépendantes de l’énergie.
La production de ciment a augmenté de 2,2 %, soutenue par la demande liée aux travaux d’infrastructure et de construction. Cette augmentation est un indicateur positif de la reprise des activités de construction dans le pays.
La production de peinture a légèrement augmenté de 2,8 % par rapport au trimestre précédent, reflétant une demande accrue dans le secteur de la construction et de la rénovation.
Politique Monétaire Prudente
Le CPM a décidé de maintenir inchangées les conditions monétaires lors de sa réunion de septembre 2024, conservant le taux directeur à 11 % et le coefficient des réserves obligatoires à 13 %. Cette décision a été prise à l’unanimité moins une voix, un membre préconisant un assouplissement monétaire.
La masse monétaire a augmenté de 26 % en glissement annuel, atteignant 64 080,7 milliards de GNF à fin juin 2024. Cette progression est principalement due à l’augmentation des avoirs intérieurs nets (+51,9 %), compensée en partie par une baisse des avoirs extérieurs nets (-20,2 %). La liquidité bancaire s’est améliorée de 73,5 % en glissement annuel, atteignant 11 557,4 milliards de GNF à fin juin 2024, en raison de l’augmentation des réserves excédentaires résultant de la hausse des dépôts.
Dépréciation du Franc Guinéen
Le franc guinéen s’est légèrement déprécié par rapport au dollar américain sur le marché officiel (-0,2 %), mais s’est apprécié dans les bureaux de change agréés (+0,3 %) à fin juin 2024. La dépréciation est attribuée à l’interdiction temporaire de l’exploitation artisanale de l’or et du diamant. Cette mesure a eu un impact sur les flux de devises étrangères, affectant la stabilité du taux de change.
Baisse des Réserves de Change
Les réserves de change ont poursuivi leur tendance baissière, s’établissant à 1 922,1 millions de dollars américains à fin juin 2024, soit une contraction de 6,1 % en glissement annuel. Cette baisse est principalement due aux transferts effectués par la Banque Centrale pour le compte des banques résidentes, aux règlements des dépenses courantes de l’État, aux entreprises publiques et au paiement de la dette extérieure.
Finances Publiques Saines
Les finances publiques ont continué de s’améliorer, avec un excédent budgétaire (dons inclus) de 815,6 milliards de GNF (1,4 % du PIB). Cet excédent est attribuable à une augmentation significative des recettes, notamment des recettes fiscales et des dons. Les dépenses publiques ont également augmenté, tirées par les charges et les investissements publics.
Inflation en Baisse
L’inflation nationale a ralenti, passant de 5,8 % en mars à 5,2 % en juin 2024. À Conakry, l’inflation a atteint 8,0 % en juin 2024, contre 8,8 % en mars 2024. L’inflation sous-jacente a également reculé, atteignant 2,6 % au niveau national et 2,9 % à Conakry. Cette tendance à la baisse est observée dans plusieurs composantes de l’indice des prix à la consommation, notamment les produits alimentaires et les services.
Perspectives et Risques
Perspectives Positives
Les perspectives de croissance économique de la Guinée s’annoncent favorables, portées par le projet minier Simandou, dont le bouclage financier a été finalisé en avril 2024. La croissance économique est projetée à 7,8 % en 2024 et devrait s’accélérer à un taux moyen de 11,1 % par an entre 2025 et 2028. Ce projet, qui vise à exploiter l’un des plus grands gisements de fer au monde, devrait stimuler l’économie guinéenne en créant des emplois, en augmentant les recettes fiscales et en attirant des investissements étrangers.
Risques Inflationnistes
Des risques inflationnistes subsistent, notamment une suspension prolongée de l’exploitation artisanale de l’or et du diamant, des catastrophes naturelles potentielles et des tensions sociopolitiques. La suspension de l’exploitation artisanale pourrait réduire les revenus des ménages et affecter la demande intérieure, tandis que les catastrophes naturelles pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement et augmenter les coûts de production. Les tensions sociopolitiques pourraient également entraver les réformes économiques et affecter la confiance des investisseurs.
Facteurs d’Atténuation
Les risques inflationnistes pourraient être atténués par la baisse attendue des prix mondiaux des produits alimentaires importés, les mesures gouvernementales pour améliorer l’approvisionnement en électricité et le succès de la campagne agricole 2024-2025. La baisse des prix des produits alimentaires importés pourrait réduire la pression inflationniste sur les ménages, tandis que l’amélioration de l’approvisionnement en électricité pourrait stimuler la production industrielle et réduire les coûts de production. Le succès de la campagne agricole pourrait également augmenter l’offre de produits alimentaires locaux, réduisant ainsi les importations et la pression inflationniste.
Conclusion
La Guinée a démontré sa résilience économique au deuxième trimestre 2024, enregistrant une croissance solide malgré un contexte international complexe. Le dynamisme du secteur minier, la politique monétaire prudente et l’amélioration des finances publiques ont contribué à cette performance. Des risques persistent, notamment en ce qui concerne l’inflation et les tensions sociopolitiques, mais les perspectives économiques à moyen terme restent positives, soutenues par le projet Simandou et les efforts continus pour renforcer la stabilité macroéconomique.
Le secteur minier, en particulier, continue de jouer un rôle crucial dans l’économie guinéenne. La production de bauxite, d’alumine, d’or et de diamant a connu une croissance significative, stimulée par des prix favorables sur le marché international et des investissements dans l’infrastructure minière. Cependant, la contribution du secteur minier aux recettes fiscales a diminué, soulignant la nécessité de diversifier les sources de revenus et de renforcer la gestion des ressources naturelles.
La politique monétaire prudente de la Banque Centrale a permis de maintenir la stabilité des prix et de soutenir la croissance économique. La masse monétaire et la liquidité bancaire ont augmenté, reflétant une amélioration des conditions financières dans le pays. Cependant, la dépréciation du franc guinéen et la baisse des réserves de change soulignent la nécessité de renforcer la gestion des devises étrangères et de diversifier les sources de revenus en devises.
Les finances publiques ont continué de s’améliorer, avec un excédent budgétaire attribuable à une augmentation des recettes fiscales et des dons. Cependant, la hausse des dépenses publiques, tirées par les charges et les investissements publics, souligne la nécessité de maintenir une gestion budgétaire prudente et de renforcer la transparence et l’efficacité des dépenses publiques.
Enfin, les perspectives économiques à moyen terme restent positives, soutenues par le projet Simandou et les efforts continus pour renforcer la stabilité macroéconomique. Cependant, des risques subsistent, notamment en ce qui concerne l’inflation et les tensions sociopolitiques. La Guinée devra continuer à mettre en œuvre des réformes économiques et à renforcer la gestion des ressources naturelles pour soutenir une croissance économique durable et inclusive.
Mohamed Camara du cabinet MOCAM
chroniqueur à Emergence