Trois ans après la mise en place de la police verte, en vue d’assurer la protection de l’environnement, les résultats sur le terrain sont en deçà des attentes. Pour la simple raison que cette police s’est éloignée de sa vocation première pour se transformer en régulatrice du trafic routier, une sorte de police routière bis.
Les zones de prédilection de cette police verte se situent dans le pourtour du marché de Madina où des conducteurs de motos taxis et autres engins de transport en commun sont régulièrement interpellés par des agents vêtus de tenues aux couleurs vert Kaki. Ils se muent ainsi en agents de la police routière pour « rançonner » des usagers de la route en « infraction ».
Ces agents n’hésitent pas à confisquer les clés des engins en infraction, avant d’exiger ensuite des contraventions. Contravention dont les montants varient de 300 à 500 mille francs guinéens.
Mais de petits arrangements peuvent s’opérer parfois entre agents de la police verte et propriétaires d’engins saisis. Quand c’est le cas, la victime peut se tirer d’affaire avec un montant dérisoire, tels que 10 ou 20 mille francs guinéens. C’est du moins ce qui ressort d’un constat de terrain fait par notre reporter.
Crée à l’initiative du gouverneur de la ville de Conakry, le général Mathurin Bangoura, en 2016, le corps de la police verte a pour mission, la lutte contre l’insalubrité et la préservation des espaces verts à Conakry.
Contrairement à sa vocation première, elle veille désormais à dénicher les mauvais stationnements des engins roulant dans la circulation en vue de garantir la fluidité du trafic routier.
Elle s’occupe également de la lutte contre l’occupation anarchique de la chaussée par des vendeurs et vendeuses à la sauvette, au niveau de certains marchés de la capitale, dont celui de Madina, le plus grand marché du pays.
Les raisons du revirement
Pour mieux comprendre les raisons qui expliquent le changement de mission de la police verte, notre reporter a tenté de comprendre cette mutation.
Sous le sceau de l’anonymat, un des deux agents de la police verte a confié à Émergence que le changement de la mission de leur corporation fait suite au retrait de l’assainissement de la ville, du portefeuille du gouvernorat de Conakry.
« En principe, notre mission fondamentale est de lutter contre l’insalubrité dans la ville de Conakry. Notre mission fondamentale c’était ça. Le général Mathurin Bangoura a créé ce corps pour lutter contre les citoyens qui jettent les ordures sur la chaussée. C’est ce pour quoi la police verte a été créée. Mais depuis que l’assainissement de Conakry a été retiré au gouverneur Mathurin, nous aussi, notre mission a changé. Notre mission maintenant, c’est de libérer la route pour garantir la fluidité de la circulation », explique cet agent.
A sa création, la police verte était composé de près de 250 agents visibles à travers la capitale.
Trois ans après la mise en place de ce corps, ces agents se comptent maintenant sur les doigts d’une main.
Ce qui fait que la police verte est de moins en moins visible sur le terrain.
Rencontré au gouvernorat de Conakry, un des responsables de cette corporation parle d’un « ralentissement des activités de la police verte » et explique cette situation par les incessantes manifestations du front national pour la défense de la constitution (FNDC). Il attribue également cette situation au fait que la police routière ait récupéré à son profit la traque des véhicules pour « mauvais stationnement » dans la circulation, qui, dit-il, a été initiée pour la première fois en Guinée, par sa structure (la police verte).
Un autre agent de la police verte rencontré sur la route Niger, indique pour sa part, que bon nombre d’entre eux ont rendu le tablier à cause du maigre traitement salarial et des conditions de travail qui seraient précaires.
« Les matins, on postait des agents le long de la route pour veiller à ce que la chaussée ne soit pas envahie par certains passants. Mais vous savez, nous les guinéens, nous ne pouvons pas être à un endroit où nous ne pouvons rien gagner. Si tu ne gagnes rien là où tu es, tu seras obligé d’abandonner ça pour aller ailleurs. Surtout que nous sommes constamment victimes d’agressions venant des personnes en infraction », dit-il. Et d’ajouter : « c’est pourquoi nous faisons payer des amendes pour les infractions pour gagner un peu au moins. »
Relevant du gouvernorat de Conakry, les agents de la police verte sont rémunérés par leur structure de tutelle, à 440.000 GNF par mois.
Malgré ce maigre montant qu’il dit percevoir du gouvernorat, cet agent dit tenir bon parce que selon lui, l’actuel gouverneur de Conakry aurait promis de les incorporer dans l’armée dès qu’il y aura un recrutement général.
« Ce que nous percevons est petit. Nous souffrons beaucoup ici. Mais nous sommes là parce que le général de brigade, le général Mathurin Bangoura nous a promis de nous aider à intégrer l’armée dès qu’il y aura un recrutement général. Nous savons que c’est un homme capable, donc nous lui faisons confiance » déclare-t-il.
Bien que confiant, notre interlocuteur invite toutefois l’Etat, à penser à leur situation afin de les sortir de cette vie précaire dans laquelle ils baignent depuis trop longtemps.
Raoul Thierry Soumahoro