Emergence – En Guinée, face au tollé général provoqué par la restriction sur l’internet, le gouvernement est sorti de son silence pour donner des explications sur ce qu’une partie de la société qualifie désormais d’atteinte à la liberté d’expression.
S’exprimant jeudi 11 janvier, dans une interview accordée à la RTG, la télévision d’Etat, le ministre des Postes, Télécommunications et de l’Economie numérique a indiqué que les perturbations sont liées aux raisons sécuritaires et économiques.
Sur le plan économique, Ousmane Gaoual Diallo a révélé que l’Etat guinéen a déboursé 235 millions USD dans le Backbone. Et que pendant ce temps, 80% de la capacité sur ces réseaux qui sont absorbés par des applications de réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, X, Instagram…) avec un chiffre d’affaires généré de plus de 1,2 milliard de dollars annuellement sur lequel l’Etat guinéen ne gagne que moins de 10%. « L’Etat guinéen touche moins de 100 millions de dollars chaque année alors que la seule infrastructure permet de générer 1,2 milliard USD. C’est très peu pour l’Etat. Il faut donc avoir une bonne maîtrise de l’utilisation de la capacité des données », a-t-il dit.
Pour remédier à cette situation, l’Etat guinéen travaillerait dans le sens d’imposer des taxes sur les géants du numérique. « Nous allons dans une solution où quelqu’un devra apporter une aide financière conséquente pour l’utilisation de ces applications dans nos infrastructures. On a besoin de ces ressources pour faire face au développement de la connectivité », a indiqué le ministre.
Parlant de l’aspect sécuritaire, Ousmane Gaoual Diallo qui est aussi le Porte-parole du gouvernement a soutenu qu’aucun Etat ne saurait laisser l’ensemble de son système informatique sans pouvoir le contrôler. « C’est quelque chose qui est vital comme contrôler nos frontières, nos territoires, nos eaux territoriales, contrôler tout le pays. Nous avons besoin des applications que nous contrôlons, que nous gérons. Non pas pour limiter ou empêcher l’expression de quelque liberté que ça soit, mais l’Etat doit pouvoir contrôler l’ensemble des applications. D’autres pays prennent des mesures radicales. Les Etats ont pris la décision d’interdire l’utilisation de TikTok. En France, le gouvernement a pris la décision d’interdire l’utilisation de WhatsApp par les ministres et les hauts cadres de l’Etat pour des questions sécuritaires ».
Se disant conscient des désagréments causés par la politique actuelle du gouvernement, il s’est voulu toutefois optimiste « Les dommages touchent tout le monde, la société, l’Etat guinéen qui perd beaucoup parce que les applications d’échanges interbancaires, celles de confection de passeports et cartes d’identité sont aussi perturbées. Les ambassades, les entreprises qui ne vivent que de ça et le système d’enseignement à distance, tout est perturbés. Nous faisons essentiellement le travail, avec beaucoup d’effort pour que tout ceci soit derrière nous », a-t-il promis.
Sortie des diplomatiques
Cette mise au point du ministre des Télécoms n’est pas fortuite. Elle fait suite à la réaction des diplomates accrédités en Guinée. Dans la journée du 10 janvier, les ambassadeurs avaient attiré l’attention du ministre des Affaires étrangères sur les conséquences des perturbations enregistrées dans l’accès à l’internet en Guinée depuis novembre.
« Nous avons parlé des questions de privation suite à l’interruption de l’accès à internet et comment cela affectait le fonctionnement des ambassades, des missions diplomatiques et des agences multilatérales’’, a dit leur Porte-parole Felix Ackebo.
Daouda Yansané