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Vivendi dans le rouge, Vincent Bolloré prend plus de recul.

Pour Editis et Hachette, le groupe va proposer à la mi-mars des remèdes à la Commission européenne. Il discute avec trois repreneurs potentiels d’Editis.

Dans le rouge . En 2022, Vivendi a accusé une perte nette du groupe de 1 milliard d’euros, en raison surtout de la déconsolidation de Telecom Italia après le profit record de 24 milliards d’euros en 2021 lié à la sortie du périmètre d’activité d’Universal Music Group. Le bénéfice opérationnel ajusté (Ebita) augmente de 35 %, à 868 millions d’euros, en raison des bonnes performances de Havas et Canal+ ainsi qu’aux contributions d’Universal Music Group (UMG) et Lagardère.

« Nous avons maintenant une totale liberté pour défendre la juste valorisation » de Telecom Italia, dont Vivendi est le premier actionnaire avec 24 % du capital, a estimé le président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, lors d’une conférence avec des analystes financiers et des journalistes. « Les offres, telles qu’elles sont aujourd’hui, sont bien en deçà de la valeur réelle de cette belle entreprise. » Telecom Italia fait l’objet de propositions de rachat d’actifs par la Caisse des dépôts italienne (CDP) et le fonds d’investissement américain KKR.

Par ailleurs, l’ancien patron du groupe, Vincent Bolloré, prend encore plus de recul : le conseiller du président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, n’a pas demandé le renouvellement en avril 2023 de son mandat de censeur au conseil de surveillance du géant des médias. Signe que Yannick Bolloré, son fils à la tête du conseil de surveillance, va prendre encore plus la lumière

Trois offres « solides » pour Editis

Quand aux salariés d’Editis, basé avenue de France, dans le 13e arrondissement de Paris, ils devront encore patienter au moins une semaine pour être fixés sur leur sort. Voilà déjà sept mois qu’ils attendent de connaître leur avenir. Fin juillet, la maison mère Vivendi, propriétaire d’Editis depuis 2019, avait prévenu qu’elle céderait la société qui héberge une cinquantaine de maisons, dont Plon, Robert Laffont, Julliard, Les Presses de la cité, Le Cherche-Midi, XO, les formats poche Pocket et 10/18, ou encore Nathan et Bordas dans le scolaire, afin de s’emparer de Hachette Livre (Grasset, Fayard, Calmann-Lévy, Stock, Le Livre de poche, Lattès, Hatier). La situation est encore loin d’être réglée alors que Bruxelles a ouvert, en novembre 2022, une « enquête approfondie » sur ce projet d’acquisition, qui court jusqu’au 23 mai prochain. Lors d’une conférence de présentation des résultats annuels de Vivendi, le président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, a reconnu poursuivre « des échanges constructifs » avec la Commission européenne et des « discussions avec les potentiels repreneurs d’Editis dans l’optique d’un dépôt d’une proposition de remèdes aux alentours de la mi-mars ». « Nous travaillons sur différentes alternatives, notre objectif étant d’obtenir le feu vert de Bruxelles d’ici à fin mai », a confié le dirigeant, qui refuse d’« envisager un échec » et dit avoir reçu « trois solides offres ».

Selon nos informations, les trois offres reçues sont celles du trio formé par Stéphane Courbit , fondateur du producteur Banijay, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (Elle, Marianne…) et l’investisseur Pierre-Édouard Stérin (Smartbox), de Reworld Media, éditeur de magazines spécialisés (Closer, Maison et Travaux, Biba, Top Santé, Science et Vie, Auto Plus, Télé Star ou Le Chasseur français) et du canadien Québecor.

L’œil sourcilleux de Bruxelles

Cette cession d’Editis doit permettre à Vivendi d’obtenir auprès de la Commission européenne l’autorisation de prendre officiellement le contrôle du groupe Lagardère , propriétaire du premier éditeur français et troisième éditeur mondial, Hachette Livre, et de médias (Europe 1, le JDD, Paris Match). La Commission européenne scrute d’un œil très sourcilleux l’opération, car elle estime que l’opération risque de réduire la concurrence dans l’édition de livres et de magazines.

Les libraires et les sociétés d’auteurs craignent notamment qu’Editis n’ait pas les moyens de peser sur le marché français face à Hachette. Selon LaLettre A, les services de l’autorité de la concurrence de l’Union européenne ont émis à titre préliminaire de sérieuses réserves sur l’OPA du milliardaire breton. Dans un document confidentiel transmis à Vivendi le 22 février 2023, la Commission européenne « conclut à titre préliminaire que l’opération n’est pas compatible avec le marché intérieur et le bon fonctionnement de l’accord sur l’espace économique européen ». Contactée par Le Point, une porte-parole de Bruxelles refuse de s’exprimer à ce stade. Mais il semble que les conditions de cession d’Editis ne satisfont pas la Commission, qui pousse pour une vente de 100 % d’Editis.

Pour l’heure , le projet de vente envisagé par Vivendi consiste à distribuer les actions d’Editis aux actionnaires du groupe présidé par Arnaud de Puyfontaine en introduisant dans le même temps la société en Bourse à Paris, sur le marché Euronext Growth. Ce marché boursier, destiné aux petites et moyennes entreprises, doit permettre au futur repreneur d’augmenter sa participation de jusqu’à 50 % du capital sans déclencher d’offre publique, contre un seuil de 30 % sur le marché réglementé. Pour le groupe Bolloré, actionnaire de référence de Vivendi avec 29,5 % des parts, cette méthode de cotation-distribution a surtout l’avantage de mieux valoriser sa part d’Editis (acquis par Vivendi en 2019 pour 829 millions d’euros) et d’en capter directement le profit, sur le modèle de l’introduction en Bourse d’Universal Music Group en 2021.

Lepoint