Cette note synthétique est rédigée à l’attention des autorités politiques et sanitaires pour une réponse rapide et adaptée à la résurgence du virus d’Ebola, confirmée par l’ANSS. L’idée est de proposer des axes d’intervention simples et efficaces pour juguler la propagation du virus, surtout en pleine période de pandémie du Covid-19.
Les dernières nouvelles relayées par la presse, notamment le très sérieux journal français Le Monde, confortées par une note de l’ANSS confirment la résurgence du virus Ebola dans la région forestière à Gouéké (N’Zérékoré). On note déjà quatre décès, tous dans la région, dont l’infirmière contaminée et trois autres personnes ayant assisté à son enterrement. Ce retour d’Ebola en Guinée cinq ans après la fin de l’épidémie dans un contexte de gestion, certes maitrisée de la pandémie du Covid-19, ravive les vieux fantômes de la maladie ayant fait 2 500 morts et impacté durablement l’économie de notre pays.
Dans ce contexte empreint d’inquiétudes légitimes des populations, il urge pour les pouvoirs publics de prendre les premières mesures afin de juguler la propagation du virus. Cette note structurée autour de cinq points principaux s’inscrit dans cette logique d’aide à la décision.
- Capitaliser tout de suite sur les acquis de l’expérience de gestion de l’épidémie dans notre pays. Sur le plan pratique, circonscrire la zone de contamination et isoler toutes les personnes contaminées et les cas contacts. Appeler l’attention des populations sur la nécessité de l’hygiène, des gestes de protection et des mesures strictes de prévention contre Ebola.
- Réinvestir sans délai la piste de la vaccination. Celle-ci avait laissé de grands espoirs à la communauté scientifique internationale. Deux vaccins expérimentaux contre le virus Ebola existent déjà. Aussi, deux médicaments ont été mis au point en 2020 augmentant le taux de survie de patients. Toutes ces pistes doivent être amplifiées. Sur ce point, la question est éminemment politique car la priorité de nos partenaires occidentaux étant portée sur le vaccin sur le Covid-19 et ses nombreux variants (anglais, sud-africain, brésilien), il va falloir que nos gouvernants sachent imposer en parallèle cette autre priorité pour une pathologie nettement plus mortelle. Le soft power doit conduire à une réévaluation des priorités sanitaires en Guinée.
- Renforcer la stratégie de lutte et de surveillance des épidémies en Guinée. Cette stratégie dite de prévention et de riposte avait déjà donné des résultats probants dont entre autres la mise en place opérationnelle de trois laboratoires de test de dépistage (c’est le labo installé à Guéckedou qui a analysé et confirmé ce premier cas de résurgence d’Ebola), la dotation des équipes soignantes de matériels de protection individuel, l’équipement des laboratoires et un appui logistique. S’ajoutent à cela, la mise en place du projet REDISSE (Renforcement des systèmes régionaux de surveillance des maladies) financé par la Banque Mondiale et le financement des campagnes de sensibilisation et de communication à l’échelle nationale en direction des populations-cibles.
- En parlant de sensibilisation et de communication, l’idée est d’élaborer des stratégies de couverture médiatique à grande échelle pour expliquer aux populations, sans stigmatisation et sans heurt, la nécessité des mesures de protection. La variété des canaux de communication et des médiateurs (institutionnels, associatifs…) s’adressant aux cibles en français et des langues nationales accroît les chances d’efficacité de ce type de campagne. Pour peu que les mesures soient expliquées avec pédagogie et méthode, les populations les comprennent et adoptent des comportements sanitaires adaptés.
- Dans la même logique de prévention d’Ebola, ne pas perdre de vue le Covid-19 et la nécessité du respect des gestes barrières en particulier le port du masque. On a l’impression que le Covid-19 est derrière nous en Guinée tant le relâchement de la vigilance semblent s’installer. Durablement. Or, l’une des raisons de la relative maîtrise du Coronavirus en Guinée tient des acquis d’Ebola notamment des réflexes de lavage des mains et d’autres gestes de protection. Il faut allier sensibilisation et mesures de coercition en durcissant la politique de contraventionnalisation pour le non port des masques.
Sayon Dambélé, Sociologue, spécialiste des politiques sociales et sanitaires