Comme un cancer, le mauvais stationnement des véhicules dans la circulation est l’un des nombreux maux qui gangrènent la ville de Conakry. Pour y remédier, le gouverneur de la ville, général Mathurin Bangoura, se lance à l’assaut de cette pratique qui semble ternir la réputation de la capitale guinéenne. Il n’est donc pas question pour lui, de laisser libre cours à cette plaie.
Le 22 mars 2017, l’opération ‘’ traque des véhicules pour mauvais stationnement ’’ est lancée à Conakry, sous la coupole, bien évidemment, du Général Mathurin Bangoura.
La police verte créée un peu plus tôt par le gouverneur, est l’entité chargée de cette nouvelle opération, avec à sa tête, Mohamed Gonzilé, directeur des services décentralisés de la ville de Conakry.
Rencontré le 2 mai par Emergence, Mohamed Gonzilé explique :
« Quand les véhicules sont mal stationnés, ils bloquent la route. C’est ainsi que la grue passe pour les traquer, pour les envoyer à la fourrière. Et là, le code des collectivités demande à ce qu’on leur fasse payer des amendes. L’amende est fixée à 300 mille francs guinéens. Ca ce n’est pas le code qui le dit, mais, c’est l’ordonnateur qui a fixé le prix. Pourquoi ? Parce que la société qui traque les véhicules est entretenue, la grue qui sert à la traque est carburée et entretenue, y compris le personnel. Avant de remorquer un véhicule, la position initiale de celui-ci est filmée par les agents de la police verte. C’est ce qui a fait que ça n’a pas crié durant tout ce temps. Parce que quand tu viens, on te montre la position que tu avais prise sur la route. Une fois le véhicule à la fourrière, pour le libérer, il faut qu’on se rassure que le véhicule t’appartient. Tu présentes toutes les pièces le prouvant. Après toute investigation, on te délivre un reçu. », dit-il, d’un air relaxe.
Outre les agents de la police verte, des sociétés privées possédant des grues sont recrutées par Mathurin Bangoura, pour la cause. D’où l’implication des sociétés VAFI SANO et SOGUICI à travers un contrat avec la ville de Conakry. En tant que collectivité locale, la ville de Conakry bénéficie de 30% du montant prélevé sur chaque véhicule, comme amende, contre 70% de ce montant pour ces sociétés. Soit un montant de 100.000GNF sur chaque véhicule pour la ville de Conakry, à en croire le directeur des services décentralisés, Mohamed Gonzilé.
Pour une ville comme Conakry où l’indiscipline des conducteurs de véhicules de tout genre est monnaie courante dans la circulation, cette activité s’annonce bien comme une mine d’Or pour les parties impliquées dans ce business.
Cette opération qui ne concernait que la commune de Kaloum, centre-ville de la capitale, va progressivement s’étendre sur les autres communes de Conakry et dans les périphéries. Avec à la clé, l’arrivée sur la scène d’un nouvel acteur, la police routière, qui vient de jeter son dévolu sur cette mine d’Or découverte par le général Mathurin Bangoura.
Les appétits de la lionne de la route semblent avoir été aiguisés par cette activité juteuse qui sanctionne à 300 mille francs guinéens, le mauvais stationnement des véhicules dans la circulation. Contrairement à la police verte, la police routière se dote de nombreuses grues et de fourrières dans chaque commune de la capitale. Une façon pour elle, d’imposer son autorité dans la règlementation de la circulation routière urbaine.
Au niveau de l’entité gérée par Mohamed Gonzilé, la montée de la police routière sur le ring de ce business est très mal perçue.
« La police nationale doit encadrer dans ses activités, la garde communale. Puisque nous travaillons pour le même objectif, ce n’est pas une rivalité qui est là, mais plutôt l’atteinte des objectifs qu’il faut voir » explique le directeur des services propres de Conakry. Et d’ajouter « ils ont plus de grues que nous aujourd’hui » regrette –t-il apparemment.
Par jour, c’est plus d’une dizaine de véhicules arraisonnés par les agents de la police routière qui sont remorqués par des grues, en direction des différentes fourrières de ce service de sécurité, au grand dam de la police verte du gouverneur Mathurin Bangoura.
Bien équipée pour mener à bien cette opération sans avoir à partager la manne financière issue de cette affaire, la police routière se met au quotidien, plein les poches, au préjudice du trésor public,-a-t-on appris de sources dignes de foi.
Du côté du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile, l’existence d’une opération de ce genre semble être inconnue de certains responsables de ce département. Et pas des moindres.
Au cours d’un entretien en off, le mardi 30 avril, un responsables de ce ministère affirme sous anonymat ne pas s’être informé de cette opération, avant de nous lancer à la figure : « Nous, on ne parle pas ici. Pour parler, il faut l’autorisation du ministre. Et ça aussi, c’est seulement le ministre et notre porte-parole qui sont habilités à communiquer à la presse », dit-il.
Avec environ dix véhicules remorqués au minimum par jour, la police routière engrange une manne financière de 3 millions de francs guinéens au quotidien. Soit, un montant estimé à 90 millions de francs guinéens par mois. Pendant ce temps, c’est un flou artistique qui entoure l’utilisation de ce montant, censé renflouer les caisses publiques.
Du côté de l’entité gérée par M. Mohamed Gonzilé, le constat est le même. Maniant la langue de bois, ce dernier s’abstient de communiquer ses chiffres. « Je ne peux pas dire ça. Parce que, si tu le dis, les gens vont se faire une idée du profit que tu en tire », dit-il avec insistance.
Cependant, le directeur des services décentralisés de Conakry se réjouit du résultat obtenu par cette opération, depuis son lancement.
« Notre constat est que même les hommes en uniforme respectent le stationnement sur la route. Parce qu’au départ, ils intimidaient les agents de la police verte, prétextant qu’ils sont des officiers. Pourtant, avec la police verte, il n’est pas question de grade », dit-il, puis de marteler « Qui que tu sois, tu te soumets à la loi ».
Il faut signaler que cette activité est pratiquement prisée de nos jours, par la police routière qui semble imposer son diktat.
Par Raoul Thierry Soumahoro (In Emergence Mag N°03 de Mai 2019)