La pandémie de COVID-19 s’est propagée depuis décembre 2019 à une vitesse supersonique à travers tous les continents. La Guinée n’est pas épargnée par cette maladie qui, au-delà du nombre de cas de contamination et de décès, a vu ses forces vives et son tissu socio-économique fragilisés. À la date du 18 août 2020, le pays compte un cumul de cas confirmés de 8.715 pour un taux de guérison de 86,42% et un taux de décès hospitaliers de 0,59%.

La pandémie de COVID-19 devrait affecter l’ensemble du tissu socio-économique à travers la baisse des échanges commerciaux internes et externes, la baisse des flux financiers externes (aide publique au développement, investissements directs étrangers et transferts des migrants) dont les conséquences seraient le ralentissement de l’activité économique nationale et la dégradation des finances publiques.

La présente contribution se limite aux risques commerciaux dus à la pandémie de COVID-19. En effet, le ralentissement des économies des principaux partenaires commerciaux de la Guinée devrait entrainer un fléchissement des commandes et donc une réduction du volume des exportations du pays préjudiciable aux secteurs exposés et donc à la performance de l’économie nationale.

Au-delà de son impact sur les secteurs sociaux (fragilisation du système sanitaire, nombre de pertes en vies humaines, fermeture des établissements d’enseignement, etc.), la pandémie de COVID-19 a d’ores et déjà réussi à mettre à mal l’ensemble de la chaîne de production, de distribution et de commercialisation des biens et services ce, à travers le monde entier.

Ainsi, la pandémie de COVID-19 devrait peser inéluctablement sur l’économie guinéenne à cause entre autres de son degré d’intégration dans le commerce mondial. En effet, les principaux partenaires d’échanges des produits locaux ont été ou sont épicentres ou des foyers importants de la crise sanitaire. Il s’agit de la Chine (premier client) et de l’Union européenne (premier fournisseur).

Structure du commerce extérieur de la Guinée

En 2018, la valeur totale du commerce extérieur guinéen a dépassé $7 milliards selon l’INS, soit 70% du PIB. Sur la période 2014-2018, le solde du compte courant n’a été négatif qu’en 2014 et 2016 respectivement à cause de la riposte contre Ébola et les importations massives de machines et biens d’équipements pour le développement des grands projets miniers. La Guinée importe pour l’essentiel les machines, les appareils électriques et électroménagers, les produits d’industries chimiques et pharmaceutiques, les matériels de transport, les produits alimentaires. Elle exporte particulièrement les produits miniers.

Le commerce international de la Guinée se repose sur les échanges avec l’Union européenne, l’Asie, le Moyen Orient et la zone CEDEAO. Si l’Union européenne est le principal fournisseur (46% de la valeur des importations de 2018, cf. Figure 1) de la Guinée, l’Asie, quant à elle, se présente comme la première destination des produits guinéens (50% de la valeur des exportations de 2018, cf. Figure 2) avec une prépondérance du marché chinois à cause de son appétence pour les matières premières notamment la bauxite.

L’économie guinéenne est donc caractérisée par son ouverture aux échanges avec le reste du monde par le canal des importations et des exportations de biens et services. Les biens les plus généralement échangés sont les produits miniers, les métaux précieux, les produits alimentaires, les biens d’équipements et de transport, les machines et appareils électriques, les produits d’industries chimiques et connexes.

La structure du commerce extérieur montre que la performance de l’économie nationale guinéenne dépend de la bonne dynamique des économies des principaux partenaires, notamment la Chine et l’Union européenne. Aujourd’hui, à cause de la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19, les appareils de production de la Chine et de l’essentiel des autres partenaires commerciaux de la Guinée sont au ralenti car subissant un contrecoup historique qui risquerait d’entrainer une demande moindre des matières premières ou intrants. Le Gouvernement français prévoit un recul du PIB du pays d’environ 11% du PIB en 2020. Selon le FMI, le taux de croissance de la Chine sur cette année ne serait que 1,6% loin des 6% de 2019. Pour le FMI, l’Italie, qui est aussi un grand partenaire commercial de la Guinée, verrait son économie affectée par une chute de son PIB de 9,1%. Cette spirale négative, en plus des mesures barrières, risque fort probablement de provoquer une pression moindre sur la demande de matières premières dont la Guinée est l’un des fournisseurs majeurs notamment les produits miniers.

Parallèlement à la baisse de la production, la crise sanitaire entrainerait, à cause entre autres des mesures de confinement, la baisse des revenus et donc du pouvoir d’achat qui pourrait ainsi conduire à court et moyen terme une baisse de la demande totale de biens et services produits localement et importés. Cette contraction de la demande étrangère des produits made in Guinée compromettrait la dynamique de l’économie nationale en mettant dans une mauvaise posture les entreprises et les industriels spécialisés dans la production des biens destinés en totalité ou en partie à l’export.

Si les exportations sont une source importante de ressources en devises pour soutenir les besoins en demande de produits étrangers et la valeur de la monnaie nationale (taux de change), en revanche, les importations sont une fuite pour l’économie car elles serviraient à enrichir l’étranger par l’acquisition des biens et services.

Impact des flux commerciaux sur la production nationale

L’analyse de la matrice de corrélation (cf. Tableau 1) montre clairement que le PIB et les exportations du pays covarient de manière significative sur les deux dernières décennies. L’étude de la corrélation montre ci-dessous que les exportations et la production sont fortement corrélées. Toutefois, ce résultat ne justifie en aucun cas un quelconque lien de causalité entre les exportations et la production.

Tableau 1. Matrice de corrélation.

	PIB	Import	Export
PIB	1.000	–	–
Import	0.553(.00)	1.000	–
Export	0.409(.02)	-0.020(.91)	1.000

L’estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires de l’impact des exportations sur la production (PIB) montre clairement que toute variation des premières entrainerait une variation de la seconde. En effet, toute hausse du volume d’exportations (en taux de croissance) d’une unité provoquerait une hausse moins que proportionnelle du PIB de 0,060 (cf. Tableau 2).

Tableau 2. Résultats de l’estimation.

Variables	Coefficients
Constante	3.957***(.00)
Import	0.063***(.00)
Export	0.065***(.00)
R-carré	0.48
R-carré ajusté	0.44
F-statistique	12.15(.00)
# Obs.	29 (1992-2020)

Par contre, compte tenu du comportement historique des données guinéennes, toute baisse de la demande d’exportation du fait de la contraction économique chez nos partenaires dans un contexte de crise sanitaire entrainerait une baisse significative de la production nationale. Autrement, toutes choses étant égales par ailleurs, une baisse d’une unité du taux de croissance des exportations conduirait à une baisse moins que proportionnelle (0,065) du PIB de la Guinée.

Mesures à préconiser pour atténuer les effets de la pandémie de COVID-19

Selon l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les échanges commerciaux dans le monde devraient chuter de 13% à 32% dû à la crise sanitaire et aux incertitudes qui pèsent sur les économies. Dans ce contexte difficile associé aux perspectives sombres, l’économie guinéenne ne pourrait se prévaloir être à l’abri à cause de son intégration dans l’économie mondiale. À court terme, il faudrait envisager soutenir les secteurs les plus exposés aux risques commerciaux. À moyen terme, il faudrait poursuivre la diversification de l’économie nationale et intensifier les flux d’échanges intra-guinéens.

Une analyse de Dr Mamoudou TOURE, parue dans Emergence Mag N°11 de Septembre 2020