Le gouvernement guinéen et Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) sont parvenus courant février à un accord, mettant ainsi un terme à une dispute qui les opposait sur l’un des plus grands gisements de fer encore non exploité au monde. Comment les deux ennemis déclarés sont-ils arrivés à surmonter leurs différends ? Retour sur l’épilogue d’une saga qui aura duré sept ans.
Tout commence en 2012. Un vent de renouveau souffle sur la Guinée depuis l’accession du Président Alpha Condé au pouvoir moins de deux ans plutôt. Dans l’industrie minière, un Comité technique de revue des titres et conventions miniers passe au peigne fin, toutes les conventions minières.
Composée de fonctionnaires et ingénieurs guinéens mieux imprégnés des dossiers miniers, cette task force appuyée par des cabinets internationaux adossés à des réseaux puissants d’amis au président de la République. Revenue Watch du milliardaire américain George Soros, Scott Horton, avocat au cabinet d’avocats américain DLA Piper sont dans le coup.
Sur le cas BSGR, la sentence de la commission est sans équivoque : Il faut annuler les conventions des Blocs 1 et 2 de Simandou, de même que celle de Zogota.
Le gouvernement fait sienne de cette recommandation. En 2014, les titres sont retirés. Raison évoquée dans les bureaux feutrés à Conakry, l’existence de « preuves évidentes de pratiques de corruption » dans le processus d’acquisition en 2008 de ces riches gisements de fer situés en Guinée forestière.
La compagnie clame son innocence et estime avoir acquis ses sites dans le strict respect des procédures. « BSGR réitère avoir acquis ses droits d’exploration et d’exploitation minière en Guinée à l’issue d’un processus juridique totalement transparent », dit-elle à qui veut l’entendre.
La compagnie du milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz fustige à tout bout de champs, des accusations infondées visant à lui retirer ses droits miniers. Elle évoque « une expropriation illégale », orchestrée par le clan Soros.
La tension est à son paroxisme lorsque dans le premier trimestre 2013, la Guinée refuse l’entrée sur son territoire à M. Steinmetz pour des raisons de « sécurité intérieure ». La compagnie dégaine à son tour. « C’est le dernier exemple d’un gouvernement illégitime ayant recours au harcèlement pour empêcher BSGR et son entreprise commune VBG d’exploiter leurs droits contractuels légitimement acquis en Guinée », fulmine-t-elle dans un communiqué de presse. « BSGR n’est pas étonné que tous les autres projets miniers en cours dans le pays aient été gelés en raison du comportement et des actes du gouvernement. »
A l’échelle internationale, l’onde de choc est forte. Des enquêteurs sont mis sur la piste. Israël, en Suisse et à New-York, les juges veulent comprendre les dessous du dossier. Les accusations de corruptions collent à la peau du milliardaire Steinmetz.
A Conakry, des enquêteurs suisses séjournent temporairement. Le FBI dépêche des agents à l’effet de mieux cerner les contours de l’arrivée sur les plateaux de Simandou, l’une des plus grandes réserves mondiales de fer, du géant BSGR qui, habituellement, est dans le diamant.
New-York, un Grand Jury engage des enquêtes sur de possibles violations de Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), la loi fédérale américaine qui lutte contre la corruption d’agents publics à l’étranger. L’enquête porte principalement sur le Simandou. Frederic Cilins, un homme d’affaires français proche du conglomérat de Beny Steinmetz, Asher Avidan, chef des opérations de BSGR à Conakry et Mahmoud Thiam, ministre guinéen des Mines entre 2009 et 2010 sont condamnés dans ce dossiers au fil des mois.
Même le très discret Beny Steinmetz séjournera en prison avant d’être placé sous résidence surveillée en Israël.
Procédures judiciaires tous azimuts
Les enquêtes sur les soupçons de corruption donnent lieu à l’ouverture de diverses procédures devant plusieurs juridictions.
En avril 2017, BSGR, en première, porte plainte contre George Soros qu’elle accuse de diffamation visant à nuire à sa réputation et à ses intérêts.
En juillet de la même année, à Genèse, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice rejette de son côté, un recours de Beny Steinmetz et deux de ses collaborateurs. La justice suisse estime de son côté que l’Etat guinéen peut se constituer partie civile et exiger qu’il soit rétabli dans ses droits.
A la Cour de Justice de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), l’Etat guinéen perd en 2017 son procès contre Issiaga Bangoura et Ibrahima Sory Touré, deux employés de BSGR et condamné au paiement de 3 millions de francs CFA à chacun des deux plaignants. La Guinée est reconnue coupable de détention arbitraire de ses deux citoyens pendant l’enquête sur la compagnie.
Le dossier était pendant devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements depuis 2017.
Satisfaction partagée
Les procédures judiciaires avaient provoqué, inévitablement, des dommages collatéraux. Pour la Guinée, ses riches gisements de fer enfouis dans le sol étaient gelés. Pour BSGR, l’étiquette de compagnie corrompue ne faisait pas forcément bon ménage avec les affaires.
Pour sauver les meubles, chacun devait faire preuve de concession. C’est ce qui fut fait le 24 février 2019, par l’entremise de l’ancien Président français Nicolas Sarkozy.
En signant l’accord qui met un terme à une dispute vielle de sept ans, BSG Resources abandonne ses prétentions sur Simandou 1 et 2. Elle garde toutefois le droit de faire venir un investisseur pour exploiter Zogota. Niron Metals est sur la piste dans ce cadre.
La Guinée garde dans son escarcelle, l’autre moitié de Simandou et décroche l’option de remettre le site sur le marché. Elle renonce à son tour aux accusations de corruptions portées à l’encontre de la compagnie.
Selon le ministre des Mines de Guinée, Abdoulaye Magassouba, il s’agit d’un accord en parfaite conformité avec le Code minier du pays. Et qui permettra au gouvernement de nouer des partenariats « gagnant-gagnant » avec les investisseurs.
BSG Resources de son côté peinait à dissimuler sa satisfaction au lendemain de la signature du deal. « Les parties sont ravies que cet accord ouvre un nouveau chapitre de leurs relations qui permette le développement d’un projet minier de classe mondiale au profit de la population guinéenne ».
Par Samuel Camara
Source : Magazine Emergence