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Mines/Rapport ITIE  2017 : la SMB produit plus mais paye moins, comparée à la CBG

La  Guinée  a  adhéré  à  l’ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives)  en  avril  2005. Depuis 2012, elle publie ses rapports annuels qui contiennent d’importantes  données  sur les industries extractives. D’année en année, ces documents mis à la disposition du public sont améliorés. Leurs contenus, qui constituent des informations brutes doivent faire l’objet d’analyse pour étayer le public sur l’apport réel des ressources naturelles à l’économie nationale. Le dernier rapport ITIE sur la Guinée qui porte sur l’année 2017 a été publié au mois de juin 2019. Son Objectif  est  de  renforcer  la  compréhension  du  niveau  de  contribution  du  secteur  extractif  au  développement  économique  et  social    en  vue  d’améliorer  la  transparence et la bonne gouvernance dans toutes les composantes de la chaîne des valeurs.

2017 : les revenus du secteur extractif en hausse de plus de 46%

Les revenus du secteur  extractif  ont  augmenté  de  1 440,0  milliards GNF (soit une  hausse  de  46,33%)  passant  de 3 108,3 milliards GNF en  2016  à  4  548,3  milliards GNF (505 millions d’USD),   en  2017.  Cette  augmentation est due essentiellement à la hausse de la production et de l’exportation minière notamment la bauxite.  Selon la Banque mondiale la Guinée est le troisième producteur mondial de bauxite depuis 2017 avec 53,145 millions

de tonnes par an. Cette croissance exponentielle est due essentiellement à l’augmentation de la production de la Société Minière de Boké (SMB), active sur un projet dans la région de Boké. A côté d’elle, il faudra ajouter la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), qui opère sur la mine de Sangaredi, la Compagnie de bauxite de Kindia (CBK) qui évolue dans la zone de Kindia et la Compagnie du Développement des Mines Internationale

HENAN Chine SA qui  opère dans la zone de Boké.

Des revenus portés par la CBG et la SMB 

Ce sont la Société Minière de Boké (SMB) et la Compagnie de Bauxite de Guinée (CBG) qui ont apporté beaucoup plus de revenus à l’Etat en 2017. Avec une production annuelle déclarée de 29 765 359 de tonnes, la SMB a apporté à l’Etat 841 297 548 099 GNF. La CBG elle, qui en 2017 n’a produit que

17 504 168 de tonnes de bauxite a fait bénéficier à l’Etat  1 100 276 686 750 GNF, selon les données du rapport ITIE 2017. Ce qui ressort de ces chiffres, ce que la contribution de la CBG en termes de payement est beaucoup plus important que la SMB en faveur de la Guinée. Cependant, la CBG a enregistré une production qui est inférieure à celle de la SMB de plus de 12 millions de tonnes, la CBG a apporté aux caisses de l’Etat plus de mille milliards de Franc-guinéen.

Côté contribution au développement local également c’est la CBG qui vient en première position en triplant le montant versé par la SMB, avec 26 523 798 926 GNF, contre 8 968 242 665 GNF pour la SMB.

Au niveau de l’emploi, le constat révèle le même schéma, avec la CBG qui emploie beaucoup plus que la SMB. Ils sont 2 382 dont 2 341 Nationaux à évoluer à la CBG d’après le rapport ITIE, soit le double des 1 164 dont 1 045 Nationaux, travailleurs de la SMB.

Comment cette différence peut-elle s’expliquer ?

Pour tenter d’apporter la réponse à cette question, nous avons mené des recherches sur les contrats qui lient ces deux entreprises à l’État guinéen.

Pour la Société minière de Boké qui est présente en Guinée depuis seulement 2014 l’année, aucune convention ne la lie avec l’État guinéen, donc c’est le code minier qui lui est applicable à la lettre. Et la part de l’État dans cette entreprise est de 10%, alors qu’elle pouvait atteindre 15%. Seuls ceux qui ont facilité l’installation de la SMB en Guinée et ceux qui ont négocié au compte de l’État peuvent justifier cette renonce aux 5%.   Il faudra juste rappeler au passage que le processus d’installation, le début de l’exploitation et de l’importation des productions de cette firme a été rapide.

Quant à la Compagnie de Bauxite de Guinée, CBG,  sa convention avec l’État date d’octobre 1963. Après la signature de cette convention, il a fallu attendre dix ans pour assister au début de la première exploitation qui a eu lieu en 1973. Durant ces dix années, l’État guinéen grâce à un appui financier de la banque mondiale a effectué des grands investissements pour pouvoir amasser le maximum de recettes. C’est dans ce cadre que de nombreuses infrastructures avaient été réalisées. Parmi lesquelles, nous pouvons citer le chemin de fer Sangaredji-Kamsar, le port de Kamsar, la cité pour logement de Kamsar qui appartiennent toutes à l’Etat guinéen qui les a louées à la CBG en application de leur convention. Ces infrastructures  permettent à l’Etat de percevoir de nombreuses taxes à la fin de chaque année.   A titre d’exemple, en application du code minier, toutes les entreprises évoluant en Guinéen payent des taxes à l’extraction, à l’exportation qui sont chacune de 0,75 dollar par tonne de bauxite. Mais pour la CBG à côté de ces taxes, elle paye une autre liée au transport qui elle aussi est de 0,75 dollar la tonne de bauxite. Ce, sans oublier les frais de loyer pour ses travailleurs logés dans les cités appartenant à l’Etat, comme c’est le cas à Kamsar. A cela, il faudra ajouter la grosse part de l’Etat guinéen dans la CBG qui est de 49% alors que dans la SMB Il n’a que 10%. Au niveau des bénéfices nets de l’entreprise, ce qui revient à la Guinée est de 65%.

Donc la convention qui  lie l’Etat guinéen à la CBG est beaucoup plus bénéfique car l’entreprise s’est installée après que la Guinée a réalisé la quasi-totalité des infrastructures contrairement à la SMB.

L’abandon de cette politique qui consiste à réaliser les infrastructures  avant l’arrivée des entreprises a pour conséquence la perte de nombreuses taxes qui reviennent de facto aux investisseurs. C’est pourquoi en dépit de la forte augmentation de la production bauxitique de la Guinée depuis 2015, le pays peine à faire répercuter cette croissance sur le quotidien des populations.

Evolution de la production et de revenus de la bauxite sur la période 2014-2017

    Production :

2014      21,204  millions de tonnes

2015      21,049  millions de tonnes       -0,73%

2016      33,209  millions de tonnes       57,77%

2017      53,145  millions de tonnes       60,03%

Tableau 16 du rapport itie 2017

Revenus

En 2014 pour une production de 21,204  millions de tonnes, l’État  de  la  République  de  Guinée  a déclaré  avoir  collecté  près  de 2 001 MDS GNF auprès du secteur minier, peut-on lire dans  le rapport ITIE, montant qui représentait plus de 23% des revenus du pays.

En 2015, l’État guinéen a déclaré avoir reçu,  près de 2 192 MDS GNF (près de 293 MUSD) des 45 entreprises identifiées par le Comité de Pilotage de l’ITIE-Guinée comme étant les entreprises extractives les plus contributrices au budget de l’État. Ce montant représentait plus de 24% des revenus totaux (hors dons).

Pour l’année 2016, les revenus générés par le secteur extractif totalisaient un montant de 3 108,3 milliards GNF dont 99,97% provenaient du secteur minier et 0,03% du secteur des hydrocarbures. Ces revenus proviennent des paiements des sociétés extractives et des autres revenus provenant du secteur.

Enfin pour l’année 2017, les revenus générés par le secteur extractif totalisaient un montant de 4 548,2 milliards GNF, dont 99,96% proviennent du secteur minier et 0,04% proviennent du secteur des hydrocarbures. Ces revenus proviennent des paiements des sociétés extractives et des autres revenus provenant du secteur.

En 2014, la production de la bauxite tournait autour 21,204  millions de tonnes pour des revenus avoisinant les 2 001 MDS GNF. En trois ans, cette production a presque triplé. Mais du côté du revenu c’est tout autre chose. En 2017, pour une production bauxitique de 53,145  millions de tonnes, les revenus générés par le secteur extractif dans son ensemble totalisaient un montant de

4 548,2 milliards GNF. En conclusion, la croissance exponentielle de la production n’a pas été suivie par celle des recettes qui n’ont que doublé.

La Guinée vise la 2ème place des producteurs mondiaux de bauxite d’ici 2023

Si en 2017  la production bauxitique de la Guinée était de 53,145  millions de tonnes, elle a augmenté de plus de 6 millions de tonnes en 2018 passant à

59 573 707 tonnes, fournissant ainsi 17% de la production mondiale, dernière la Chine 38% et l’Australie 25%. Et la Guinée ne compte pas s’arrêter là. Les autorités actuelles ambitionnent une production de 123 millions de tonnes à l’horizon 2023 dans l’espoir de devenir deuxième productrice mondiale derrière l’Australie avec 32%.

Cette politique d’exportation massive de la bauxite guinéenne est décriée par certains économistes et acteurs politiques qui  militent plutôt  pour la transformation au niveau local.

Si la Guinée parvenait à transformer même si c’est en alumine la moitié des 123 millions de tonnes ambitionnées en 2023, quelle serait la part des revenus miniers dans le budget national (32% actuellement), sa contribution à l’emploi direct et indirect ?

 

Source : guineedecalee.com