On assiste depuis plusieurs années à une ruée vers la bauxite guinéenne, le plus souvent en provenance de la Chine. Le pays est le premier fournisseur de l’empire du Milieu, représentant 40% des importations chinoises. La bauxite guinéenne a une haute teneur en alumine. Selon plusieurs sources, la Guinée hébergerait le tiers des réserves mondiales de bauxite (environ 25 milliards de tonnes). Avec les récentes découvertes, d’autres sources estiment à plus de 40 milliards de tonnes les réserves guinéennes. De ce total, plus de la moitié se situerait dans la région de Boké en Basse-Guinée. Le reste est réparti entre la Moyenne-Guinée dans le massif du Fouta-Djalon et la Haute-Guinée.
La demande chinoise booste la bauxite de Guinée.
La production de bauxite de la Guinée est sur une pente ascendante depuis plusieurs années. En 2017, elle a augmenté de près de 40% à 42 716 000 tonnes, selon la Banque mondiale. Le pays a ipso facto ravi au Brésil sa place de 3e producteur mondial et conforté son leadership en Afrique.
Projets, compagnies, investissements
La richesse du sous-sol guinéen en bauxite ne laisse pas les compagnies minières étrangères indifférentes. Ainsi, plusieurs projets sont en cours de développement, certains en phase d’exploration et d’autres en phase d’exploitation.
La première est la Compagnie de bauxite de Guinée (CBG). Opérant depuis 1973 sur la mine Sangaredi, elle est majoritairement détenue (59%) par un consortium formé par Alcoa, Rio Tinto et Dadco Investments. Depuis 1973, la CBG indique avoir expédié plus de 500 millions de tonnes de bauxite et généré plus de 5 milliards $ de revenus pour l’Etat guinéen. Elle exploite aujourd’hui trois mines dans le voisinage de Sangaredi, qui se trouve à 138 kilomètres du port de Kamsar. La société travaille actuellement pour étendre la durée de vie de la mine et augmenter le rendement de son usine de traitement à 28,5 millions de tonnes d’ici 2027. Le projet d’extension financé par la Société Financière Internationale (SFI) devrait générer 150 millions $ de revenus au gouvernement guinéen, préserver 2300 emplois direct et 2900 indirects.
En dehors de la CBG, les compagnies produisant de la bauxite en Guinée comprennent la Société Minière de Boké (SMB), active dans la région de Boké, la Compagnie de bauxite de Kindia, gérée par RUSAL, ou encore Alliance Minière Responsable.
Fin 2017, la SMB a conclu un accord de coentreprise avec Alliance Minière Responsable. La coentreprise est détenue par l’entreprise française de logistique UMS International, l’armateur singapourien Winning Group et la société productrice d’aluminium chinoise Shandong Weiqiao.
Citons également Alufer Mining, qui a démarré en août 2018 la production de bauxite qu’elle expédie vers la Chine. Située dans la région de Boffa, la mine Bel Air a été financée à hauteur de 205 millions $ par un consortium composé de Africa Finance Corporation, Orion Mine Finance et Resource Capital Funds.
Sur le plan de l’exploration, on retrouve dans la région de Boké, la Guinea Alumina Corporation (GAC), une filiale d’Emirates Global Aluminium. Elle opère sur un projet de bauxite, qui a déjà passé l’étape d’étude de faisabilité, et héberge environ 1 milliard de tonnes de bauxite. La mine devrait livrer durant les premières années 12 millions de tonnes de bauxite par an.
Il existe également un partenariat entre la Guinée (49%) et l’Iran (51%) sur le projet Dabola-Tougué dont le début de la construction était prévu pour fin 2016. L’Iran financera à hauteur de 505 millions d’euros le développement du projet qui héberge des réserves de plus de 600 millions de tonnes selon la Société des bauxites de Dabola-Tougué (SBDT).
En outre, la société basée à Dubaï, Gajah Investment, recherche un financement de 8 milliards $ pour développer son projet Boffa Sud. La mine, qui était détenue par la plus grande compagnie minière au monde, BHP Billiton, héberge 9 milliards de tonnes de ressources de bauxite.
En avril 2018, l’Etat guinéen a approuvé le développement par la Société des bauxites de Guinée (SBG) d’un projet de bauxite dans le nord de la Guinée.
La filiale de MetalCorp Group prévoit de développer une nouvelle concession hébergeant des réserves prouvées de plus de 300 millions de tonnes. La mine devrait produire annuellement 3 millions de tonnes de bauxite à exporter et 5 millions de tonnes à raffiner en alumine dans une usine voisine. SBG prévoit de commencer la production, d’ici fin 2022.
Quelles perspectives ?
En février 2017, le ministre des Mines de la Guinée Abdoulaye Magassouba a annoncé comme objectif de production pour 2020, 60 millions de tonnes de bauxite. Alors que les données de production de 2018 n’ont pas encore été publiées, la Guinée voit plus grand, et notamment la place de 2e plus grand producteur mondial du minerai d’aluminium.
Abdoulaye Magassouba vise une production de 60 millions de tonnes de bauxite en 2020.
Vu de plus près, l’objectif n’est pas loin d’être irréalisable. Alors que l’Australie reste le premier producteur mondial avec 87,8 millions de tonnes, la Chine produit pratiquement les mêmes volumes (un peu moins de 61 millions de tonnes) depuis 2015.
L’intérêt renouvelé que suscite la bauxite auprès des investisseurs s’explique par la hausse de la demande en Chine, plus grand producteur d’aluminium. L’empire du milieu est actuellement confronté aux difficultés de ses fournisseurs traditionnels qui n’arrivent plus à satisfaire la demande. Cette situation, additionnée à la suspension des livraisons de l’Indonésie et un repli des ventes de l’Australie, est opportune pour la Guinée.
Investir dans la transformation ?
Dans une interview accordée à RFI, Yves Jégourel, directeur adjoint de Cyclope, a indiqué que, «dans l’absolu», la Guinée a intérêt à transformer la bauxite en alumine pour augmenter la valeur ajoutée et développer son économie.
Certaines sociétés évaluent déjà la faisabilité de projets de transformation. A titre d’exemple, le consortium SMB-Winning projette la construction d’une raffinerie d’alumine ainsi que d’une ligne de chemin de fer destinée à désenclaver le corridor de Boffa et à acheminer la bauxite vers la raffinerie et le port de Dapilon. Ce double projet nécessiterait un investissement de 3 milliards $. La phase d’études de faisabilité et d’impact social et environnemental a démarré en 2018 pour un début des travaux prévu en 2019. La phase de construction devrait créer 10 000 emplois et mobiliser les entreprises locales expertes en génie civil, carrière, constructions et services.
S’il a reconnu la légitimité pour le pays d’envisager la piste de la transformation pour plus de valeur ajoutée, M. Jégourel a néanmoins mis en garde contre «l’instabilité d’une telle valeur ajoutée». «Plus de transformation locale, bien évidemment pourquoi pas. Mais je pense qu’il faut considérer d’autres stratégies de diversification des économies», a-t-il déclaré à RFI.
Sur ce point, les chiffres donnent raison à l’expert de Cyclope. L’économie guinéenne a tiré 98,97% de ses revenus d’exportation des produits miniers en 2016. Cette quasi-dépendance, couplée à la volatilité des prix des matières premières, rend urgente la diversification de l’économie, si le pays ne veut pas subir le même sort que le Nigéria. Ce dernier a vu son économie s’effondrer avec la chute des prix du pétrole.
Source: agenceecofin