La démocratie, c’est aussi le contrôle des citoyens sur l’action de leurs élus. Et pour exercer ce contrôle, il faut des informations fiables. La Loi de règlement, c’est un peu comme la boîte noire d’un avion : elle enregistre tout ce qui s’est passé au cours de l’année. En analysant ces données, les députés peuvent vérifier si le gouvernement a respecté les engagements qu’il avait pris et s’il a utilisé l’argent des contribuables de manière judicieuse.
La Loi de règlement, c’est le bilan annuel de l’État. C’est l’occasion de vérifier si l’argent public a été dépensé de manière efficace et équitable. C’est aussi un outil essentiel pour améliorer la gestion des finances publiques et renforcer la confiance des citoyens en leurs institutions
La loi de règlement est une obligation faite au gouvernement :
<<Article 52: La loi de règlement et de compte rendu budgétaire :
1) arrête les résultats de la comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale de l’exercice considéré et en donne quitus au Gouvernement, après avis de la Cour des Comptes ;
2) procède aux modifications de crédits qui s’avéreraient, le cas échéant, nécessaires,
notamment en : – ratifiant les mouvements de crédit intervenus postérieurement à la dernière loi de finances afférente à cette année ; ouvrant les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés sur les crédits évaluatifs ;
– procédant à l’annulation des crédits n’ayant pas été consommés.
Article 53: Sont joints au projet de loi de règlement et de compte-rendu budgétaire :
1) les résultats de la comptabilité budgétaire ;2) le développement détaillé des recettes effectives du budget général accompagné d’une justification des écarts par rapport aux prévisions initiales ;3) un état récapitulant et justifiant tous les mouvements de crédit intervenus en cours d’année ; 4) des annexes explicatives, développant, par ministère, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées ;5) les rapports annuels de performances qui présentent, sous le même format que les projets annuels de performance, pour chaque programme les résultats obtenus comparés aux objectifs fixés, les actions développées et les moyens utilisés, accompagnés d’indicateurs d’activité et de résultats ainsi que d’une estimation des couts des activités ou des services rendus …>> LORF
Analyse de l’exécution de quelques dépenses courantes de l’État entre 2021 et 2024
1- Des Dépenses de Personnel en Berne
Les données relatives aux dépenses de personnel révèlent une situation contrastée. Si en 2022, le taux d’exécution des crédits ouverts pour les traitements et salaires était relativement élevé (94,57%), il a connu une baisse significative en 2023 (73,14%). Cette régression de 15% soulève plusieurs interrogations :
Difficultés de trésorerie : L’État a-t-il rencontré des difficultés de trésorerie pour honorer l’intégralité de la masse salariale ? Une analyse des flux de trésorerie pourrait révéler des problèmes de liquidité qui ont affecté la capacité de l’État à payer ses employés.
Mesures d’austérité : Des mesures d’austérité ont-elles été mises en œuvre pour contenir les dépenses publiques ? Il est possible que des politiques de réduction des coûts aient été adoptées pour équilibrer le budget, ce qui aurait pu affecter les dépenses de personnel.
Problèmes de gestion des ressources humaines : Des dysfonctionnements au niveau de la gestion des ressources humaines pourraient-ils expliquer ces écarts ? Une mauvaise planification des besoins en personnel ou des retards dans le recrutement pourraient avoir contribué à cette baisse.
Il est essentiel de mener une analyse approfondie pour identifier les causes de cette baisse et envisager des solutions durables. Une meilleure gestion des ressources humaines et une planification budgétaire plus rigoureuse pourraient aider à stabiliser les dépenses de personnel.
2- Des Dépenses de Biens et Services en Croissance
À l’inverse des dépenses de personnel, les dépenses de biens et services ont connu une hausse significative de 31,63% entre 2022 et 2023. Cette augmentation peut s’expliquer par :
Relance de l’activité économique : Un contexte économique plus favorable pourrait avoir stimulé la demande en biens et services publics. Une reprise économique peut entraîner une augmentation des besoins en infrastructures et en services publics, nécessitant des dépenses supplémentaires.
Investissements dans les infrastructures : Des projets d’investissement dans les infrastructures ont pu nécessiter des dépenses supplémentaires en matière de biens et services. La mise en œuvre de grands projets d’infrastructure, tels que la construction de routes, d’écoles ou d’hôpitaux, peut entraîner une augmentation des dépenses de biens et services.
Il convient toutefois de s’assurer que cette hausse des dépenses de biens et services est justifiée par des besoins réels et qu’elle n’est pas le fruit d’une gestion peu rigoureuse. Une évaluation des projets d’investissement et une analyse des besoins réels en biens et services sont nécessaires pour garantir une utilisation efficace des fonds publics.
3- Des Transferts en Progression Constante
Les dépenses de transfert, qui comprennent notamment les subventions et les aides aux collectivités locales, ont également connu une augmentation de 23,50% entre 2022 et 2023. Cette évolution reflète la volonté des autorités de soutenir les populations les plus vulnérables et de développer les régions. Les transferts peuvent inclure des subventions pour les services de santé, l’éducation, et les infrastructures locales, ainsi que des aides directes aux ménages vulnérables.
Enjeux et Perspectives
L’analyse de ces données met en évidence la nécessité de renforcer le contrôle de l’exécution du budget et d’améliorer la qualité des informations fournies dans la LRCRB. Plusieurs pistes peuvent être explorées :
Renforcer les capacités des administrations financières : Il est indispensable de doter les administrations financières des moyens nécessaires pour assurer un suivi rigoureux de l’exécution du budget et produire des données fiables. Cela peut inclure la formation du personnel, l’amélioration des systèmes d’information financière, et l’adoption de meilleures pratiques de gestion budgétaire.
Améliorer la transparence : La publication régulière et détaillée de la LRCRB est essentielle pour permettre aux citoyens et aux acteurs de la société civile de suivre l’utilisation des deniers publics. Une plus grande transparence peut renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et encourager une meilleure gouvernance.
Renforcer le contrôle parlementaire : Le Parlement doit jouer un rôle plus actif dans le contrôle de l’exécution du budget et dans l’évaluation des politiques publiques. Un contrôle parlementaire renforcé peut aider à identifier les écarts dans l’exécution du budget et à formuler des recommandations pour améliorer la gestion des finances publiques.
LRCRB est un outil précieux pour améliorer la gouvernance financière en Guinée. En analysant les données qu’elle contient, il est possible d’identifier les forces et les faiblesses de la gestion des finances publiques et de mettre en place les actions correctives nécessaires. Une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques est essentielle pour assurer le développement économique et social du pays. En renforçant les capacités des administrations financières, en améliorant la transparence, et en renforçant le contrôle parlementaire, la Guinée peut améliorer la qualité de sa gestion budgétaire et poser les bases d’un développement durable et inclusif.
Emergence Mag