Une victoire des partis extrémistes NFP et RN aux élections législatives nous plongerait dans une crise de dette et placerait la France sous la menace d’une mise sous tutelle de la troïka.
C’est au printemps 2010 qu’avait été mise en place, lors de la crise grecque , une « troïka » réunissant des experts de la Commission européenne , de la Banque centrale européenne et du FMI afin d’auditer la situation économique et financière du pays et de mettre en place des mesures de redressement. Elle était intervenue dans la foulée en Irlande, au Portugal et à Chypre, confrontés eux aussi, en raison de l’envolée de leurs taux d’intérêt, à de graves difficultés de financement.
Les « hommes en noirs » de la troïka ont vite acquis une réputation de personnages détestables, travaillant de façon antidémocratique dans l’opacité et le secret, sans cœur, indifférents au malheur de peuples auxquels ils imposaient des remèdes d’une grande brutalité sociale.
Panique générale sur les marchés financiers
Une sage précaution serait qu’ils emportent avec eux des habits de couleur s’ils devaient venir à Paris dans les prochains mois pour superviser un plan de sauvetage financier pour la France. Le pire n’est pas toujours certain, mais il est utile de s’y préparer au vu des projets économiques follement dépensiers du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire.
Avec la victoire de l’un ou de l’autre aux élections législatives, l’extrême nervosité des marchés financiers constatée depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, et illustrée par l’élargissement spectaculaire du spread de taux OAT-Bund, risque de basculer en panique générale. Et de pousser nos créanciers étrangers, qui détiennent un peu plus de la moitié de notre dette, à vendre massivement leurs obligations assimilables du Trésor, propulsant nos taux d’intérêt à des niveaux si élevés que la France se trouverait rapidement confrontée à une tempête financière d’une ampleur inédite. Les Français auraient tort de penser que les crises de dette, ça n’arrive qu’aux autres.
Bardella et Mélenchon, idolâtres de la dépense publique
Un tel scénario catastrophe est d’autant moins à exclure que nos finances publiques se trouvent déjà dans un état d’extrême fragilité qui a conduit fin mai Standard & Poor’s à dégrader la note de la France . En cela, d’ailleurs, le risque actuel de crise de dette apparaît bien plus grand qu’en 1981, époque à laquelle celle-ci ne représentait que 21 % du PIB (110 % fin 2023), et où il existait des marges de manœuvre budgétaires pour faire de grosses bêtises de politique économique sans risquer le défaut de paiement. Elles ont aujourd’hui entièrement disparu.
Avec la nomination à Matignon de Jordan Bardella ou de Jean-Luc Mélenchon, qui ont au moins en commun l’idolâtrie de la dépense publique, ce n’est pas cette fois d’un cran, mais de plusieurs, que la note de la France pourrait se trouver brutalement abaissée. Pour justifier sa décision, S&P avait reproché au gouvernement de Gabriel Attal de manquer d’ambition pour réduire les déficits, que l’application des projets du RN ou du NFP ne manquerait pas de creuser de façon mécanique et démesurée.
Alors que le dérapage incontrôlé des comptes publics nécessiterait, de l’aveu même d’économistes keynésiens, de prendre des mesures d’économies d’urgence, les deux camps de l’extrémisme économique proposent au contraire d’augmenter massivement les dépenses, au risque d’achever le malade.
Les Français, habitués à croire aux mirages
Il est au fond assez cohérent que les Français votent à une très large majorité pour des partis qui leur promettent d’abroger une réforme des retraites à laquelle ils étaient eux-mêmes aux trois quarts farouchement opposés, hostilité dont l’agence Fitch avait déjà noté qu’elle témoignait du poids considérable et inquiétant « des forces radicales et anti-establishment » en France.
Il n’est guère étonnant non plus que le manque total de sérieux budgétaire et financier des programmes du RN et du NFP n’effraie pas grand monde dans un pays habitué à vivre depuis cinquante ans au-dessus de ses moyens et qui n’a connu depuis 1974 que le régime du déficit. Guère étonnant enfin que la plupart des Français se contrefichent éperdument des problèmes de déficits et de dette, refusent toute forme de rigueur budgétaire après plusieurs années de politique du « quoi qu’il en coûte » leur ayant donné le sentiment que l’État disposait de moyens financiers illimités.
L’humiliante dégradation de notre dette
Le camp macroniste en paie aujourd’hui électoralement très cher la facture. En conduisant, à deux semaines du scrutin européen, à l’humiliante dégradation de la dette de la France, les excès du « quoi qu’il en coûte » ont non seulement fait perdre au président sa réputation de gestionnaire compétent, mais aussi relativisé le coût délirant des mesures proposées par le RN et le NFP pour les législatives.
Ils nous ont collectivement projetés dans un monde économique parallèle et une réalité financière imaginaire, ils ont définitivement chassé tout bon sens et toute rationalité, permettant aux énormes bobards racontés par les partis d’opposition sur leur capacité à doper le pouvoir d’achat d’être gobés aussi facilement.
Le retour sur terre promet d’être brutal en cas d’envolée des taux d’intérêt, aux effets immédiatement dévastateurs sur des secteurs économiques majeurs comme l’automobile, le bâtiment et l’immobilier et, in fine, sur la croissance et l’emploi. Devant ce mur de l’argent qui se dresse à l’horizon, certains dénoncent d’ores et déjà la dictature des marchés et leur ingérence inacceptable dans la vie démocratique, passant sous silence le fait que sans ces abominables créanciers étrangers nos professeurs de collège et nos aides-soignantes hospitalières ne seraient plus payés depuis des lustres.
Le risque de contagion en Europe
D’autres, à l’inverse, expliquent qu’une crise de dette serait un électrochoc salutaire, et éloignerait les bonimenteurs et les marchands de rêves. C’est oublier que les crises de dette ont un terrible coût économique et social. Pour surmonter la sienne, la Grèce avait dû, entre autres, baisser de 22 % le salaire minimum, réduire d’un quart le nombre de fonctionnaires, reporter de cinq ans l’âge de départ à la retraite. Mais, malgré le redressement économique spectaculaire qu’elle connaît depuis plusieurs années, son PIB reste aujourd’hui encore inférieur de plus de 10 % à son niveau de 2009.
C’est oublier, surtout, qu’une flambée des taux d’intérêt en France déstabiliserait dangereusement par contagion tous les pays d’Europe du Sud, jusqu’à menacer l’existence même de la monnaie unique. Un futur Premier ministre issu du RN ou du NFP subira, à peine installé, une énorme pression non seulement des marchés, mais aussi de la BCE et de nos partenaires européens exaspérés par le laxisme budgétaire français, afin qu’il renonce à appliquer son programme économique.
La France, mauvaise élève
La France faisait déjà partie des pays les plus mal gérés de la zone euro. L’application du programme du RN ou du NFP, tous deux très dépensiers, creuserait un peu plus le déficit budgétaire et gonflerait notre dette.
Lepoint.fr