Émergence – Tout est parti vite. Très vite d’ailleurs. Le mercredi 19 juillet, l’Etat guinéen agacé par le fait de ne pas être très audible dans une organisation dont il pense pouvoir prendre le lead de plein droit, a claqué la porte. La présidence guinéenne a annoncé dans un communiqué officiel, empreint d’une solennité qui en dit long sur son engagement, le retrait de son pays de l’OMVS.
Le lendemain, le conseil des ministres a entériné cette décision inattendue. Par la même occasion, ou dans la foulée de cette euphorie, il a déclaré le projet de construction du barrage hydro électrique, projet d’utilité publique. En d’autres termes, le Président de la transition, colonel Mamadi Doumbouya et son gouvernement voudraient dire toute leur détermination, quoiqu’il en coûte, à réaliser ce projet à la base de la discorde entre la Guinée et ses pairs de l’organisation. Dans la foulée, il a été demandé au ministre concerné, celui de l’énergie, de redimensionner le projet à la hauteur des possibilités financières du pays.
En marquant une pause à sa participation à l’OMVS, la Guinée rappelle à l’esprit la situation atrabilaire qui a anticipé, dans les années 70, l’extinction de l’ancêtre de l’organisation, OERS, né à Labé. A cette époque, dans les conditions moins identiques que maintenant, la Guinée a annoncé, non pas sa suspension, mais plutôt son retrait définitif de cette jeune organisation. Ce fut plus tard son éclatement. Par la suite, l’OMVS verra jour sur les centres de cette organisation en 1972 et la Guinée y adhèrera le 17 mars 2006.
Koukoutamba, la pomme de discorde
Après son adhésion à la suite d’un traité signé avec les trois pays fondateurs, à savoir le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, la Guinée va mettre sur la table le projet de construction du barrage de koukoutoumba avec une puissance électrique de 294 MW, pour un coût estimé à 222 millions de dollars . Le contrat commercial du projet a été signé le 26 fevrier 2019, à Conakry. Le projet devrait être réalisé en EPC par la société Sinohydro sur financement d’Exim-Bank, une banque chinoise d’investissement. Dans ledit contrat, le partenaire chinois s’est engagé à mobiliser 80% du montant. Les pays membres de l’OMVS , à leur tour, devraient mobiliser, à part égale, les 20% du montant qui reste. Ce qui n’a jamais été fait, jusqu’à date. Laissant croire à un manque de volonté de la part de ces pays partenaires. Une réticence qui serait dictée, selon les observateurs au fait de la situation, par la découverte par le Sénégal et la Mauritanie, des pays qui ont découvert le gaz sur leur territoire, une source d’énergie alternative à l’énergie hydroélectrique. Le 12 juillet 2022, le Haut Commissaire de l’OMVS mettra fin à tout espoir de voir l’organisation réaliser le rêve guinéen qui consiste à mettre en œuvre le projet. Dans son courrier le malien Hamed Diane Semega notifie à Sinohydro, l’entreprise chinoise l’annulation du contrat commercial du projet d’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba dont elle s’était engagée à réaliser. Ce sera la peccadille qui mettra le feu au brasier. L’Etat Guinéen va greffer à cette frustration la quasi-absence de ses compatriotes dans les instances de prise de décisions de l’organisation. Ainsi, la suspension sera prononcée. Par la suite, au nom d’un orgueil dicté par le chauvinisme, les autorités de Conakry vont décider de consacrer, dorénavant, toutes les attentions et toutes les ressources nécessaires à la réalisation du projet classé parmi les projets d’utilité publique.
Une volonté qui se heurte à une réalité rédhibitoire
L’annonce de cette décision qui a consisté à faire de ce projet de construction du barrage, un projet d’utilité publique a été accueilli avec beaucoup de circonspection. Si les Guinéens comprennent le bien-fondé de la décision de suspension de la participation de leur pays au sein de l’OMVS, il n’en demeure pas moins, qu’ils soient circonspects quant à la réalisation de ce projet indépendamment des autres pays membres. Le doute est réaliste. Le fleuve sur quel le barrage sera construit n’est pas un fleuve continental. Il est international. Il faut à cet effet rappeler que l’exploitation des fleuves internationaux obéit à un principe d’adhésion des pays riverains. Mieux, dans le cadre de l’OMVS, il est consigné que tous les ouvrages qui seront réalisés doivent être des ouvrages communs. Koukoutamba s’inscrit dans cet ordre. Dans ce contexte de désaccord entre la Guinée et les pays traversés par le fleuve, il est quasiment impossible de trouver un bailleur de fonds qui va s’engager à financer le projet. L’autre handicap non négligeable, c’est la question de la rentabilité du projet. Elle se pose avec acuité quand la consommation sera exclusivement locale et qu’il ne soit pas prévu de vendre de l’énergie afin de se procurer les devises indispensables à l’amortissement de l’investissement.
Il s’agit alors de comprendre que la seule volonté ne suffit pas, il faut en revanche apprendre à s’adapter avec justesse au contexte. Mais force est de reconnaitre que ce n’est pas le cas avec la fameuse décision empreinte de trop grande émotion.
Mognouma Cissé