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Impôt: notion de dégrèvement, pouvoirs et limites du DG . (dossier de la rédaction)

Dans un contexte fiscal en constante évolution, les notions de dégrèvements et de transactions se révèlent être des outils indispensables pour équilibrer les intérêts des contribuables et ceux de l’État. Le Code Général des Impôts (CGI) de Guinée encadre ces mécanismes avec précision, offrant à l’administration fiscale et aux contribuables des moyens de corriger les erreurs, de résoudre les litiges et de favoriser un recouvrement efficace des impôts. Mais comment ces dispositifs fonctionnent-ils concrètement ? Quelles sont les conditions et les limites de leur application ? Et quel rôle joue le Directeur Général des Impôts (DGI) dans leur mise en œuvre ? Cette analyse approfondie explore les fondements juridiques, les procédures administratives et les enjeux pratiques des dégrèvements et des transactions, tout en mettant en lumière leur importance dans la construction d’un système fiscal équitable et transparent en Guinée.

     Dégrèvements :

  1. a) Définition et typologie
    Le dégrèvement est une mesure fiscale qui permet à l’administration de réduire ou d’annuler une imposition, une pénalité ou des intérêts de retard. Il s’agit d’un mécanisme de correction des erreurs ou d’ajustement des impositions, qui peut être initié soit par l’administration, soit par le contribuable.

Les dégrèvements se classent en trois catégories principales :

  1. Dégrèvement d’office : Ce type de dégrèvement est initié par l’administration fiscale lorsqu’elle constate une erreur dans l’assiette ou le calcul de l’impôt. Il reflète la volonté de l’administration de rectifier les erreurs sans nécessiter une intervention du contribuable.
  2. Dégrèvement sur demande : Sollicité par le contribuable, ce dégrèvement intervient lorsque ce dernier estime que l’imposition est injuste, erronée ou excessive. Le contribuable doit fournir des justificatifs pour appuyer sa demande.
  3. Dégrèvement pour cause de difficultés économiques : Accordé dans des circonstances exceptionnelles, ce dégrèvement vise à soulager les contribuables confrontés à des difficultés financières graves, telles qu’une crise économique, une catastrophe naturelle ou une situation sociale précaire.
  1. b) Conditions et procédures
    Le dégrèvement est soumis à des conditions strictes, qui garantissent son application équitable et légale. Parmi ces conditions, on retrouve :
  • Erreur matérielle : Une erreur dans l’application du tarif, dans la déclaration des revenus ou dans le calcul de l’impôt peut justifier un dégrèvement.
  • Double imposition : Lorsqu’un même fait générateur est taxé deux fois, le contribuable peut demander un dégrèvement pour corriger cette injustice.
  • Non-conformité à la loi : Si l’imposition est contraire aux dispositions légales, le dégrèvement permet de rétablir la légalité.
  • Justification économique ou sociale : Dans des cas exceptionnels, comme une crise économique ou une catastrophe naturelle, le dégrèvement peut être accordé pour des raisons humanitaires ou sociales.

La procédure de dégrèvement suit plusieurs étapes :

  1. Demande du contribuable : Le contribuable doit déposer une réclamation écrite auprès de l’administration fiscale, en fournissant les justificatifs nécessaires pour appuyer sa demande.
  2. Instruction par l’administration : La Direction Générale des Impôts (DGI) examine la demande, vérifie les éléments fournis et procède à une analyse approfondie de la situation.
  3. Décision du DGI : Après instruction, le DGI rend une décision motivée, qui peut être soit favorable, soit défavorable au contribuable. Cette décision peut être contestée devant les juridictions compétentes en cas de désaccord.
  1. c) Limites du dégrèvement
    Le dégrèvement est encadré par des limites strictes pour éviter les abus et garantir l’équilibre des intérêts entre les contribuables et l’État :
  • Respect de la légalité : Le dégrèvement ne peut pas être accordé pour des motifs non prévus par la loi. Il doit s’appuyer sur des justifications légales et factuelles.
  • Intérêt général : L’administration doit veiller à ce que le dégrèvement ne porte pas préjudice aux recettes publiques. Il ne peut pas être utilisé pour accorder des avantages indus aux contribuables.
  • Contrôle juridictionnel : Les décisions de dégrèvement peuvent être contestées devant les tribunaux, ce qui garantit un contrôle externe et une application équitable de la loi.

Références légales dans le Code Général des Impôts (CGI) de Guinée : ( à titre d’illustration)

  • Article 236 : “ La base de calcul de l’acompte est diminuée des dégrèvements accordés sur l’impôt dû au titre de l’exercice de référence.” Cet article traite des acomptes provisionnels de l’Impôt sur les Sociétés. Il précise que la base de calcul de l’acompte est diminuée des dégrèvements accordés sur l’impôt dû au titre de l’exercice de référence. Cela montre que les dégrèvements peuvent influencer le calcul des acomptes provisionnels.
  • Article 1232 : “I. L’Administration fiscale a la possibilité de rectifier par voie de dégrèvement d’office les erreurs commises au préjudice des contribuables. II. Cette faculté de dégrèvement d’office peut être exercée jusqu’au 31 décembre de la deuxième (2’) année suivant : 1. celle de l’expiration du délai de réclamation ; 2. ou, en cas d’instance devant les tribunaux, celle de la notification de la décision juridictionnelle. III. La décision de dégrèvement d’office appartient : 1. au Directeur National des Impôts dans la limite maximum de cent millions (100 000 000) de francs guinéens ; 2. au Ministre chargé des Finances au- delà de cent millions (100 000 000) de francs guinéens.”

         Transactions  :

  1. a) Définition et objectifs
    La transaction est un accord négocié entre l’administration fiscale et le contribuable pour résoudre un litige fiscal. Elle permet d’éviter une procédure contentieuse longue et coûteuse, tout en favorisant le recouvrement des impôts contestés.

Les objectifs de la transaction sont multiples :

  • Résoudre les litiges : La transaction permet de mettre fin aux différends sur l’assiette, le montant ou le recouvrement de l’impôt.
  • Favoriser le recouvrement : Elle permet à l’administration de recouvrer une partie des impôts contestés, tout en offrant au contribuable une solution alternative à une procédure judiciaire.
  • Éviter les procédures judiciaires : La transaction réduit l’engorgement des tribunaux et les coûts associés aux litiges fiscaux.
  1. b) Conditions et procédures
    La transaction est encadrée par des conditions strictes pour garantir son équité et sa légalité :
  • Accord des deux parties : Le contribuable et l’administration doivent être d’accord sur les termes de la transaction.
  • Conformité à la loi : La transaction ne peut pas contourner les dispositions légales. Elle doit respecter les principes du droit fiscal.
  • Intérêt général : La transaction doit respecter les intérêts financiers de l’État et ne pas porter préjudice aux recettes publiques.

La procédure de transaction comprend plusieurs étapes :

  1. Négociation : Le contribuable et l’administration discutent des termes de l’accord, notamment le montant de l’impôt à payer et les éventuelles réductions de pénalités.
  2. Validation : La transaction doit être approuvée par le DGI et, dans certains cas, par le Ministère des Finances.
  3. Exécution : Une fois signée, la transaction est exécutoire et met fin au litige.
  1. c) Limites de la transaction
    La transaction est soumise à des limites strictes pour éviter les abus et garantir l’équité :
  • Respect de la légalité : La transaction ne peut pas être utilisée pour accorder des avantages indus aux contribuables.
  • Contrôle hiérarchique : Les transactions importantes doivent être validées par les autorités supérieures, notamment le Ministère des Finances.
  • Transparence : Les termes de la transaction doivent être clairs et documentés pour garantir la transparence et la légalité de l’accord.

Références légales dans le CGI de Guinée :

  • Article 1231 :

“I. La transaction est une convention écrite portant atténuation des pénalités, qui peut intervenir entre l’Administration fiscale et le contribuable lorsque ces pénalités ne sont pas définitives, c’est-à-dire lorsque le contribuable dispose encore du moyen de les contester suivant la procédure contentieuse.

  1. La transaction n’est pas possible lorsque l’Administration fiscale envisage de déposer une plainte pour infraction pénale.

III. Si l’Administration fiscale décide de proposer au contribuable une transaction, cette dernière doit être notifiée par l’Administration fiscale au contribuable par lettre remise contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception.

  1. Cette lettre doit mentionner le montant de l’impôt et des pénalités encourues ainsi que le montant des pénalités qui seront réclamées au contribuable s’il accepte la proposition. La transaction peut être assortie de conditions suspensives tenant notamment à la régularisation des obligations déclaratives du contribuable ou au respect de délais de paiement. Le contribuable dispose d’un délai de trente (30) jours à partir de la réception de la lettre pour présenter son acceptation ou son refus par lettre remise contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception. L’absence de réponse du contribuable vaut refus.
  2. La transaction approuvée par les deux parties et exécutée comme telle par le contribuable est définitive tant en ce qui concerne les droits que les pénalités et fait obstacle à toute introduction ou reprise d’une procédure contentieuse. VI. Si la transaction n’est pas exécutée par le contribuable, elle est réputée n’avoir jamais existé et ce dernier est redevable de l’ensemble des pénalités ayant fait l’objet de cette dernière.

3. pouvoirs du directeur général des impôts (dgi)

  1. a) En matière de dégrèvement
    Le DGI dispose de pouvoirs étendus mais encadrés en matière de dégrèvement :
  • Pouvoirs discrétionnaires : Le DGI peut accorder des dégrèvements d’office ou sur demande, en fonction des circonstances et des justifications fournies.
  • Limites légales : Le dégrèvement doit être conforme aux dispositions du CGI et ne peut pas être accordé pour des motifs non prévus par la loi.
  • Contrôle juridictionnel : Les décisions du DGI peuvent être contestées devant les tribunaux, ce qui garantit un contrôle externe et une application équitable de la loi.
  1. b) En matière de transaction
    Le DGI joue un rôle central dans la conclusion des transactions :
  • Pouvoirs de négociation : Le DGI peut proposer des montants réduits ou des échelonnements de paiement pour faciliter le règlement des litiges.
  • Validation des accords : Les transactions doivent être approuvées par le DGI et, dans certains cas, par le Ministère des Finances.
  • Limites : La transaction doit respecter l’intérêt général et ne pas porter préjudice aux recettes publiques.

 jurisprudence et pratique administrative

  1. a) Jurisprudence sur les dégrèvements
    La jurisprudence guinéenne a précisé les conditions d’application des dégrèvements. Par exemple, les tribunaux ont rappelé que le dégrèvement ne peut pas être accordé sans justification légale et que les décisions doivent être motivées et conformes à la loi.
  2. b) Jurisprudence sur les transactions
    La jurisprudence a également encadré les transactions fiscales, en soulignant qu’elles doivent être équilibrées et ne pas favoriser indûment le contribuable. Les termes de la transaction doivent être clairs et documentés pour garantir la transparence et la légalité de l’accord.
  3. c) Pratique administrative
    En pratique, la DGI utilise les dégrèvements et les transactions pour résoudre les litiges, favoriser le recouvrement des impôts et maintenir de bonnes relations avec les contribuables. Ces mécanismes permettent d’éviter les procédures contentieuses longues et coûteuses, tout en garantissant une application équitable de la loi.

5. enjeux et perspectives

  1. a) Enjeux
  • Équilibre entre intérêts des contribuables et de l’État : Les dégrèvements et les transactions doivent concilier les intérêts des contribuables et ceux de l’État.
  • Transparence et légalité : Les décisions doivent être transparentes et conformes à la loi pour garantir la confiance des contribuables.
  • Efficacité du recouvrement : Ces mécanismes doivent favoriser le recouvrement des impôts tout en évitant les abus.
  1. b) Perspectives
  • Renforcement des contrôles : Mettre en place des mécanismes de contrôle pour éviter les abus et garantir l’équité des décisions.
  • Sensibilisation des contribuables : Informer les contribuables sur leurs droits et obligations pour favoriser une meilleure compréhension des mécanismes fiscaux.
  • Modernisation de l’administration fiscale : Utiliser les technologies pour améliorer l’efficacité des procédures et renforcer la transparence des décisions.

 conclusion

En somme, les dégrèvements et les transactions constituent des piliers essentiels du droit fiscal guinéen, permettant de concilier les intérêts des contribuables avec les impératifs de recouvrement de l’État. Grâce à un cadre légal bien défini par le Code Général des Impôts (CGI) et à un contrôle rigoureux exercé par la Direction Générale des Impôts (DGI), ces mécanismes offrent une alternative efficace aux litiges fiscaux tout en garantissant transparence et équité. Cependant, leur succès repose sur une application équilibrée, une sensibilisation accrue des contribuables et une modernisation continue de l’administration fiscale. En renforçant la confiance entre les parties prenantes et en optimisant les procédures, ces outils contribuent à bâtir un système fiscal plus juste et performant, au service du développement économique et social de la Guinée.

Mohamed Camara 

cabinet MOCAM