Entre Guinéens et Marocains, c’est une histoire de liens séculaires d’amitiés et de fraternité, fruit d’un brassage culturel et cultuel de deux peuples dont le socle est cet ‘héritage commun d’un islam tolérant de doctrine malékite parti des grandes contrées de la dynastie des alaouites vers les hauts plateaux des rivières du sud.
Des liens historiques renforcés à travers le rôle majeur joué par les Hommes d’État ( le Président Ahmed Sékou Toure et le Roi Mohammed V) à la tête des deux (2) nations dans le processus de décolonisation de l’Afrique et surtout dans la construction des bases solides de l’OUA, l’organisation panafricaine née au lendemain des indépendances africaines.
Ces liens qui se sont mués en coopération exemplaire, entretenue et développée par feus, le Général Lansana Conte et Sa Majesté, le Roi Hassan II, ont pris une dimension nouvelle et un caractère diversifié depuis l’intronisation de sa Majesté le Roi Mohammed VI au Maroc et l’élection du Pr Alpha CONDE en Guinée.
Une évidence, ces dernières années, l’axe Conakry-Rabat est devenu l’un des maillons forts du Partenariat stratégique que le Maroc, sous l’impulsion de sa Majesté le Roi Mohammed VI développe avec l’Afrique subsaharienne. Un partenariat fondé sur l’approche stratégique d’une « Afrique qui doit faire confiance en l’Afrique ».
Un partenariat stratégique efficace !
En effet, la démarche participe surtout de la volonté du Royaume chérifien de s’appuyer sur ses racines africaines pour bâtir un pôle de stabilité et de sécurité ainsi qu’un grand espace de développement intégré à l’abri des extrémismes et du terrorisme. La Guinée pleinement engagée dans le combat pour la renaissance du panafricanisme et de l’intégration africaine est devenue un partenaire de premier ordre du Maroc en témoigne les séries de visites d’Etats et d’Amitiés croisées effectuées depuis 2014 par le souverain chérifien en Guinée et le Pr Alpha Condé au Maroc. On le sait, la diplomatie guinéenne a joué un rôle important et stratégique pour le retour du Maroc au sein de la grande famille africaine, lors de la mandature du Président Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine.
Reflet de cette coopération se voulant exemplaire et dynamique, ce sont à date plus de 30 accords couvrant les secteurs clefs du développement économique et social (éducation, formation, mines, agriculture, pêche, transport aérien et maritime, habitat, eau et électricité, agroalimentaire, banques, assainissement, …) qui ont été conclus entre les deux pays, lors des deux visites de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en Guinée, en 2014 et 2017. Des accords qui sont venus s’ajouter aux cinquante autres déjà conclus depuis les années 60, mettant en exergue leur caractère spécifique dans la promotion d’une coopération Sud-Sud, solidaire et exemplaire. Le Maroc est en effet, le 8eme fournisseur et le 18 eme client de la Guinée.
Une réunion d’experts pour revisiter les accords passés et … lever les points de blocage.
Le 17 décembre 2018, experts guinéens et marocains avaient passé au peigne fin à Conakry, le portefeuille de projets couvert par les 42 accords, conventions, et autres memoranda. Objectif : établir une mise à jour commune pour les deux parties ; discuter des éventuels problèmes entravant leur bonne exécution ; proposer les solutions pour permettre le respect des délais d’exécution ; et relancer les rares accords qui souffrent de blocage ou qui seraient abandonnés.
Une réunion technique d’experts de haut niveau mise à profit à l’époque par le Ministre en charge des investissements et du Partenariat Public-Privé pour rappeler « l’excellence des relations qui lient les deux pays ». Gabriel CURTIS, saluera en outre, « la qualité et la nature des accords, (la plupart, des aides au développement) ainsi que le sérieux mis dans leur exécution et suivi, tout comme la volonté affichée par le Royaume Chérifien de renforcer cette coopération dans d’autres domaines d’intérêt pour la Guinée ».
Les experts et techniciens représentants les départements techniques guinéens avaient travaillé d’arrache-pied aux côtés des leurs homologues et des représentants des sociétés marocaines adjudicataires des marchés relatifs à ces projets pour déblayer le terrain à la mise en œuvre réussie des accords et conventions. La revue a porté sur les accords conclus notamment devant Sa Majesté le Roi et le Président de la République, durant les deux visites Royales de 2014 et 2017 ; ensuite, les chantiers et projets lancés par les deux Chefs d’Etat lors de ces deux Visites ; enfin, les autres accords signés entre les deux pays, public-public, public-privé et, éventuellement, privé-privé.
L’Ambassadeur du Maroc, M. Driss ISBAYENE est apparu satisfait du travail d’évaluation fait par les experts des deux parties. Constat selon lequel, « près de 30% des accords ont été réalisés dont certains prêts au lancement ; plus de 40% sont en cours normal, dont certains seront achevés en 2019 ; les accords souffrant de blocage, dû à la disparition d’une partie contractante, ont été remis sur la table pour relance par les Hautes sphères ».
Des liens forts et divers pour des échanges ‘’en deçà des attentes’’.
Le volume des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays est resté très longtemps, extrêmement faible et déséquilibré. Le Maroc est le 8 ème fournisseur et le 18 ème client de la Guinée. En 2012, 6% seulement des investissements directs étrangers (IDE) marocains étaient injectés dans l’économie guinéenne. Une balance commerciale déséquilibrée : les exportations de la Guinée vers le Maroc étaient estimées à plus de 5,9 millions de dollars alors que les importations de biens et produits en provenance du Maroc s’élèvent à 70 millions de dollars. Un volume qui s’est sans doute accru depuis 2014 au regard de l’épaisseur du portefeuille de projets et programmes renforcé et diversifié.
D’ores et déjà, on peut se réjouir de la réalisation de quelques projets phares financés par le gouvernement marocain et la Fondation Mohammed VI. Il s’agit par exemple, des Points de Débarquement pour les pêcheurs de Temenetaye à Kaloum et à Bonfi, tout comme le chantier de construction du complexe de formation professionnelle de Nongo à Ratoma. Faut-il rappeler que le point de débarquement de Temenetaye a été financé à hauteur de 13 millions de dirhams (près de 13 milliards de GNF). C’est un espace moderne de stockage et de commercialisation des produits de pêches artisanales fini qui sera très bientôt livré aux pêcheurs artisans de Guinée.
Un centre pour former des jeunes … un hôpital pour mère et enfant
C’est le cas également du Complexe de formation professionnelle de Nongo-Conakry prêt à accueillir 1.000 stagiaires (600 en BTP et 400 en tourisme, hôtellerie et restauration) dans 21 filières de formation. Un bijou d’architecture qui a été apprécié et salué pour la qualité du travail abattu par le groupe Itqane. Le Roi Mohammed VI avait tenu à offrir également, hors contrat, un internat pour les bénéficiaires du centre.
Dans le registre des chantiers en cours mais très avancés, figure l’emblématique projet de l’Hôpital Mère et Enfant de Sonfonia. La Fondation Mohammed VI a alloué 165 millions de dirhams (plus de 160 milliards GNF) à la construction de cet établissement de 80 lits qui devra contribuer à la réduction des mortalités maternelle et infantile. Il permettra, une fois livré de prendre en charge des pathologies de la mère et de l’enfant ainsi que des grossesses à risque. L’établissement assurera en outre, la formation des professionnels de la santé et le transfert de compétences.
La BPMG est un des fleurons de ce partenariat économique et financier. Depuis des décennies, la banque Populaire maroco guinéenne est efficacement insérée dans le maillage du système des banques primaires privées en Guinée. Dans son sillage, s’est engouffré le grand groupe d’assurance aux capitaux marocains SAHAM Assurances.
Sur le plan industriel et commercial, des partenaires privés marocains évoluent dans le ciment, ‘’CIMAF’’, la production et la transformation industrielle des produits de la farine et du blé, l’hôtellerie et le tourisme ainsi que la construction des logements sociaux et de grand standing avec le groupe ADDOHA. Les partenaires marocains apportent également leurs expertises dans le domaine de la cartographie des sols, de la livraison des engrais et fertilisants, de l’aménagement agricole, des conseils dans le schéma d’aménagement en urbanisme et habitat. La rénovation et la restauration du Palais des Nations rebaptisé Palais Mohammed V sont l’œuvre du Groupe marocain Itqane. Son investissement aura permis à la Guinée de disposer d’un Centre de Conférence de grand standing pour abriter les travaux de la conférence au Sommet des Ministres des Affaires étrangères de l’OCI en 2013.
Une coopération culturelle et cultuelle renforcée
Le Maroc s’investit aussi dans la formation d’imams guinéens et finance la construction avancée d’une Mosquée moderne d’une capacité de plus de 3.000 fidèles, baptisée Mohammed VI située à Enta, dans la commune de Matoto. Le souverain chérifien avait, on se le rappelle, fait don de 10.000 exemplaires du Saint Coran au Secrétariat Général des Affaires Religieuses en 2017.
Le succès de la réunion des experts du 17 décembre 2018 à Conakry avait amené d’ailleurs les participants à solliciter des hautes autorités des deux pays à instaurer sa périodicité et à créer des points focaux dans les différents départements techniques des deux pays. Il est à espérer que la mise en œuvre de ces accords booste le volume des échanges, les années à venir. L’ambassadeur Driss ISBAYENE est lui, plus que jamais « déterminé à tout mettre en œuvre pour aider à lever les blocages et apporter un maximum de chance de concrétisation des accords et conventions signés sous les auspices du Président Conde et de Sa Majesté, le Roi Mohammed VI ».
Au-delà des aspects techniques et économiques, une frange importante de la population guinéenne, très fière de cette coopération, garde encore en mémoire, ce témoignage vibrant de solidarité dans les dures épreuves, lorsque la Guinée, frappée de plein fouet par l’épidémie d’Ébola et mise en quarantaine par bons nombres de ses voisins immédiats, « cette franche main tendue du Maroc qui lui a offert d’une part, l’un des rares couloirs aériens vers le monde et de l’autre, ce terrain de jeu pour son onze national, le Syli engagé dans les éliminatoires des compétitions de la CAF et de la FIFA ». Aujourd’hui encore, les sélections nationales de football, toutes catégories confondues et les grands clubs comme le Horoya et le Hafia peaufinent et affinent tous leurs préparations dans des grands centres sportifs marocains en toute convivialité et confraternité.
Cerise sur le gâteau de cette coopération à tous égards, bénéfique, solidaire et exemplaire, ces milliers de cadres, experts et techniciens évoluant aujourd’hui dans tous les domaines socio-économiques et professionnels, sortis des écoles, instituts et universités marocains auxquels s’ajoutent ces milliers d’étudiants guinéens parti eux, chercher le savoir dans les établissements d’enseignement technique, professionnel et universitaire au Royaume chérifien. Des liens forts et des brassages inextricables jusque dans les familles … Autant dire que le meilleur est à venir, si jamais, ces deux nations valorisent davantage leurs atouts et leurs potentiels pour le bien de leurs populations respectives. Une vision stratégique à prendre sérieusement en compte pour travailler dans l’optique d’avantages comparatifs à développer tout en sachant que le Maroc frappe déjà à la porte de la CEDEAO.
Ibrahima Ahmed Barry, journaliste Consultant (In Mag Emergence N003)