Émergence – La Guinée, comme tous les pays ayant passé des accords avec Chine pour la réalisation d’infrastructures contre des ressources naturelles, doit être prudente dans l’acceptation du prêt compte compte tenu des expériences largement négatives. C’est en substance la conclusion d’un rapport que vient d’éditer le Natural Resource Governance Institute (NRGI).
Le magazine Émergence s’est procuré une copie de ce rapport publié fin février. Il est basé sur des recherches ayant impliqué 52 prêts adossés à des ressources naturelles ou « Resource-backed loan » passés dans 14 pays d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine, pour un total de 164 milliards de dollars US.
Ce rapport intitulé « Prêts adossés à des ressources naturelles : pièges et potentiel » souligne que peu d’informations sont disponibles sur l’accord de 20 milliards USD conclu en 2017 entre la République de Guinée et des prêteurs chinois. « La production de bauxite destinée à rembourser le prêt a déjà commencé, bien que peu d’informations sont accessibles au public concernant les modalités d’un financement aussi énorme et la façon dont le pays le remboursera », relève NRGI.
Selon l’ONG qui sensibilise le public aux bénéfices procurés par les richesses pétrolières, gazières et minières, la Guinée et le Ghana, deux pays qui signataires d’accords « minerais contre infrastructures » avec la Chine, la production de bauxite comporte des risques environnementaux importants dans les deux pays. Mais, déplore-t-elle, les citoyens concernés et les organisations de la société civile ont été exclus de toute consultation sur les différents emprunts.
Faut-il rappeler que le deal passé il y a trois ans entre le gouvernement guinéen et la Chine prévoit la réalisation d’infrastructures multisectorielles par un consortium de sociétés chinoises à savoir China Henan International Cooperation Group, Chalco, China Power Investment Corp. L’accord prévoit un investissement global de 20 milliards USD dans des infrastructures routières, énergétiques et la construction d’un bâtiment universitaire de Conakry.
Selon Conakry, l’échéance de remboursement s’étale sur 20 ans, assortie d’une période de grâce de 3 ans.
L’Etat guinéen se charge d’octroyer des gisements de bauxite à des compagnies minières de l’Empire du milieu.
Le président guinéen Alpha Condé a assuré que l’accord n’est pas un troc.
Chalco a débuté fin décembre l’exploitation de son gisement de bauxite situé dans la région de Boffa. Environ 55 000 tonnes du minerai utilisé pour fabriquer l’alumine ont déjà été expédiées vers les sidérurgies chinoises.
Sur le continent africain, onze pays subsahariens ont souscrit aux prêts adossés à des ressources naturelles. L’Angola, le Tchad, la RDC, le Ghana, la Guinée, le Niger, la République du Congo, Sao Tomé-et Príncipe, le Soudan du Sud, le Soudan et le Zimbabwe.
Le rapport de l’ONG révèle que les accords de la Chine avec la Guinée et le Ghana suscitent de la controverse. « Le gouvernement du Ghana est tenu de rembourser un prêt de 2 milliards de dollars qu’il a conclu avec l’entreprise publique chinoise Sinohydro en 2018. Le calendrier de remboursement exige une accélération de la production et du raffinage de la bauxite, bien que le Fonds monétaire international (FMI) ait averti que ceci pourrait ne pas se réaliser, et que par conséquent une perte de garantie pourrait s’ensuivre », indique-t-il.
« Les accords ont déjà été signés au Ghana et en Guinée, mais il n’est pas trop tard pour faire la lumière sur les conditions du prêt et pour impliquer les communautés qui seront affectées par l’exploitation minière dans des discussions significatives », préconise le document. Il insiste sur le fait que « sur le continent la transparence fait défaut dans les accords avec la Chine ».
Par Samuel Camara