Les restrictions de voyage liées au Coronavirus imposées par toutes les nations dans le but de contenir, au plus vite la maladie, ont fait mal au secteur guinéen de l’hôtellerie et du Tourisme. Explications.
Dès l’apparition du premier cas de Covid-19 sur le territoire guinéen le 12 mars, les autorités guinéennes ne tardent pas à prendre des mesures drastiques.
Le Président de la République, Alpha Condé, instruit à partir du 21 mars la suspension pour 30 jours des vols commerciaux avec les pays ayant enregistré une trentaine de cas de Covid-19. Les mouvements des personnes vers ou en provenance des pays touchés par le virus sont également suspendus.
Deux jours plus tard, la Société de Gestion de l’aéroport de Conakry (SOGEAC), annonce la fermeture de l’aéroport international Conakry-Gbessia à tous les vols commerciaux. « La réouverture fera l’objet d’une note d’information », indique l’institution.
Il décrète moins d’une semaine plus tard, l’Etat d’urgence pour une durée d’un mois, reconductible. Dans les faits, les frontières terrestres sont fermées à l’entrée à la sortie pour tous les voyageurs en dehors du transport des marchandises. La décision concerne aussi les lieux publics, les bars et salles de spectacle. Les conférences internationales prévues en Guinée sont suspendues ou différées jusqu’à nouvel ordre. Sur le plan sportif, les compétitions sportives et événements culturels sont interdits mis en veilleuse.
Les agences de voyages dans la zone de turbulence
Dans un contexte marqué à l’international par l’arrêt de tous les vols, toute la chaîne de l’industrie touristique et hôtelière guinéenne se retrouve plongée dans la tourmente.
Les premières victimes de ces mesures draconiennes visant à stopper la propagation du virus sont les agences de voyages. Beaucoup d’entre elles en Guinée se sont vues dans l’obligation de mettre les employés en congés non payés.
A « Guinée Voyage », 25 ans d’existence dans le pays et Représentant officiel de nombreuses compagnies dont Ethiopian Airlines, l’impact de la crise sanitaire n’est pas évoqué du bout des lèvres. Cette agence qui emploie 78 personnes a dû mettre une partie de son personnel en congé. « Le secteur de l’aviation civile, notamment les agences de voyages et les agences de tourismes sont les plus impactées. Si les espaces aériens sont fermés, aucun avion ne décolle ou n’atterrit. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de revenu. C’est la vente des billets d’avion qui se trouve au centre de tout », explique le Directeur général Wann Abdoulaye Sele. « Les premières mesures que nous avons eues à prendre c’était de mettre le personnel en chômage technique », ajoute-a-t-il.
L’agence a versé l’intégralité des salaires de ses employés en mars et 30% le mois suivant. « A partir de Mai aucun employé ne bénéficie de salaire, parce qu’il n’y a pas eu d’entrée d’argent. Alors, la crise n’a pas qu’un impact financier pour nous les agences de voyages. Elle a aussi un impact social qui est celui du personnel », affirme Sele, non sans regret.
Les agences de voyages ne sont pas prêtes de voir le bout du tunnel. Après le Coronavirus, il faudra faire face aux multiples plaintes des clients ayant réservé avant la déclaration de la pandémie. Le remboursement intégral des billets est quasiment exclu par les compagnies aériennes. En lieu et place, certaines pensent à proposer un changement de billets. Une crise en l’air que les agences se préparent à gérer.
A Conakry, les agences de voyages espèrent que l’Etat injecte de la liquidité pour éviter une faillite généralisée. « Nous sollicitons des subventions de l’Etat. Il peut par exemple décider de prendre en charge 50% du salaire de nos employés. Cela serait un soulagement pour ceux qui sont à la maison. L’Etat peut aussi mettre en place une ligne de crédit avec des taux d’intérêts supportables », souligne Wann Abdoulaye Sele.
Urgence pour les hôteliers
Le secteur hôtelier guinéen n’est pas épargné par la crise. L’accroissement du parc hôtelier et la construction d’infrastructures de haut standing constituait un atout majeur pour le secteur du tourisme.
Mais la survenue du Covid-19 a changé le visage du secteur. Faute d’affaires, les hôtels sont vides ou presque. L’heure est à l’évaluation du manque à gagner. « Il est très difficile pour l’instant de dire exactement l’impact financier du coronavirus », affirme Elie Yacoub, Directeur de réception de l’hôtel Millenium situé à Dixinn. « Le coronavirus a affecté toutes les sociétés pas seulement les hôtels. Nous étions à une occupation stable, avec des clients pour une longue durée pour le service restauration », explique-t-il.
Comme dans bon nombre de secteurs, les hôtels n’ont pas failli à la règle. Des employés sont mis en congés techniques en attendant la reprise.
Au gouvernement, l’on se dit conscient de la crise auquel le secteur touristique fait face. Le Plan de riposte économique au Covid-19 élaboré et mis en route en avril prévoit dans sa seconde phase une panoplie de mesures visant à relancer le secteur. L’Etat a annoncé un report des charges fiscales et sociales, le paiement progressif des arriérés de l’Etat, de même que le report des échéances de remboursement des emprunts bancaires. Il décide aussi de réduire de moitié de la CFU (contribution foncière unique) et de la patente pour le secteur du tourisme et de l’hôtellerie. Mais également d’utiliser les crédits prévus pour les missions à l’étranger pour apurer la dette de l’État vis-à-vis des agences de voyages.
De sources proches du dossier nous ont révélé au cours de notre enquête que le gouvernement a procédé au paiement des arriérés estimés à 20 milliards de francs guinéens. Dans s’agissant du segment « hôtellerie », les factures d’électricité pour environ 9 milliards de francs guinéens auraient été réglées. Les charges fiscales allant de juin à septembre sont aussi reportées pour permettre aux entreprises hôtelières de souffler.
Mais à la Fédération Patronale du Tourisme et de l’Hôtellerie (FEPATOUR), on a l’impression d’être marginalisée dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan de relance du secteur. Elle craint que l’initiative ne soit déroutée par des « opportunistes » au détriment des bénéficiaires.
In Emergence Mag N°10 de Juillet 2020