De son emplacement, le Grand hôtel de l’indépendance offre une vue panoramique sur les îles de Loos qui laisse souffler une brise marine sur le continent. Anciennement appelé ‘’hôtel de France’’, puis Novotel, l’infrastructure garde encore toute sa splendeur dans son style de bâtiment colonial. L’autre visage de cette institution, c’est aussi l’ambiance qui n’est plus au rendez-vous dans cette vaste étendue de jardins fleuris. Derrière ce pittoresque espace se cache, un dysfonctionnement qui ne dit pas son nom.
Les 150 travailleurs y vivent au jour le jour. Deux mois sans salaires, c’est le triste sort qui leur est réservé. On ne se bouscule plus au portion pour remplir les restaurants. Les chambres sont quasiment vides. La piscine connait moins de fréquentation. Aujourd’hui, une nouvelle directrice y a récemment pris fonction. Mais cela n’est pas de nature à rassurer le syndicat qui estime qu’elle a fait partie de la direction sortante.
L’institution que représente le Grand hôtel de l’indépendance est sérieusement confrontée à une sorte de tour de passe passe. L’opacité dans la gestion constitue le nœud gordien du problème. Le syndicat qui ne se laisse pas faire, ébranle l’édifice qui ne tient pratiquement plus qu’à un fil. Comme par enchantement, une nouvelle direction voit le jour.
Alseny Bangoura, secrétaire syndical, ne décolère pas. Il est prêt à en découdre avec l’ancien directeur, Ibrahima Kapi Camara, qui serait responsable de tout le désordre dans la boite. Il le proclame haut et fort. D’ailleurs, Il ne cesse d’alimenter le débat autour de la situation des travailleurs à la Caisse nationale de sécurité sociale.
« Ici, le problème, c’est surtout la Caisse nationale de sécurité. Si vous faites trente ans de service sans avoir droit à votre pension, il serait mieux de ne pas travailler. C’est le directeur sortant, Ibrahima Capi Camara, qui nous a mis dans ça parce que depuis 2013, on nous prélevait des retenus mais qui n’ont jamais été versés à la Caisse nationale de sécurité sociale », soutient-il.
Les négociations n’ont jamais parmi de revenir à de meilleurs sentiments. Au plus fort de la crise, le syndicat a jugé opportun d’écrire au ministre de tutelle, « sans succès ». L’ultime recours pour le syndicat aura été de porter plainte contre Ibrahima Capi Camara afin de tirer au clair, cette affaire de non versement des retenues à la Cnss. L’ancien directeur a, à son tour, porté plainte contre le syndicaliste Alseny Bangoura pour « dénonciation calomnieuse » à travers son avocat. « J’ai été convoqué à la Gendarmerie. Je me suis présenté avec des documents. D’après les explications, sa plainte a été purement rejetée parce qu’il est resté quatre jours sans répondre à la convocation. D’ailleurs le commissaire a estimé que ce sont les mêmes affaires. Il se fait toujours occuper. Tantôt : ‘’je suis avec le Chef de l’Etat’’. On n’a pas trouvé solution. Je ne suis pas prêt à baisser les bras puisqu’un travailleur c’est sa caisse. Cela fait deux mois que nous ne sommes pas payés. Je mets tout sur son dos, quand il a été nommé à l’Office guinéen de publicité, je lui ai demandé de se débarrasser de cette affaire de Caisse. Il m’a dit qu’il attend un montant pour payer un peu à la Caisse et garantir deux mois de salaires. Malheureusement quand il a reçu l’argent, non seulement les deux mois de salaires n’ont pas été payés mais aussi on n’a pas payé à la Cnss. Le syndicat et le bureau se sont expliqués. Le ministre a demandé des comptes au bureau sortant. Mais jusqu’à présent rien », peste le syndicaliste Alseny Bangoura.
L’Etat, mauvais payeur
« Depuis le départ du Groupe Accor, nous relevons de l’Etat à travers le ministère du Tourisme et de l’hôtellerie. L’État est notre client à 80 pour cent. Il ne paye pas cash. Le budget est autonome. Nous sommes payés à partir des recettes que nous faisons. On a au moins 217 chambres. La nouvelle DGA connaît bien la boite. Je demande à la nouvelle direction de se donner la main et de faire en sorte qu’on puisse se relever. Et surtout travailler dans la transparence. En ce qui concerne les travailleurs, il n’y a pas de problèmes. Il faut que l’Etat vienne au secours, il faut qu’il nous subventionne. Sans subvention, rien ne peut marcher ici. Si nous sommes subventionnés, nous ferrons mieux que tous ces hôtels. Aucun complexe hôtelier ne peut nous égaler mais les moyens nous manquent. L’Etat peut nous aider aussi à trouver un partenaire », plaide-t-il. Le patrimoine existant, il ne reste qu’à l’Etat de jouer sa partition afin de permettre à ce géant au pied d’argile de renouer avec son passé glorieux.
Les anciens partenaires menacent
Le Groupe Accor n’arrive toujours pas à digérer son départ de l’hôtel de l’indépendance. A travers une correspondance adressée aux autorités guinéennes, il interdit l’utilisation de son label ‘’Novotel’’ et tout ce qui lui revient de droit pendant cette longue et tumultueuse collaboration. Sous réserve de traîner l’Etat guinéen devant des instances compétentes en la matière. La menace semble très prise au sérieux du côté du département du Tourisme et de l’hôtellerie, puisque le ministre de tutelle a intimé l’ordre de se débarrasser de tout ce qui est Novotel. Il reste qu’au niveau du public, la marque Novotel aura mal à se faire oublier de sitôt.
Un coin de voile sur le départ du Groupe Accor
Le Directeur général sortant de l’hôtel de l’Indépendance, Ibrahima Capi Camara, cité à tort ou à raison dans l’effondrement dudit complexe hôtelier, ne veut surtout pas se taire. Profitant de la cérémonie de passation de service, il a usé de la rhétorique pour se faire une ligne de défense, lui qui a passé six bonnes années aux affaires. Après avoir planté le décor, il fait un bref rappel de la première transition qui s’est passée dans un environnement « conflictuel ». Non sans dresser des lauriers au personnel qu’il qualifie d’hommes de valeur formés par le Groupe Accor. Tout ce qui lui fait dire de gentils mots à l’endroit des travailleurs. Cet homme « ému et comblé », reconnaît que Novotel est le fleuron de l’hôtellerie en Guinée.
À propos du départ du Groupe Accor, la « vérité » de Capi s’impose. « Ce Groupe est partit dans une ambiance conflictuelle », déclare -t-il, affirmant que l’Etat n’était actionnaire dans le GHI qu’à hauteur de 45 % et ce depuis la création de la société guinéenne d’hôtellerie et d’investissement jusqu’au départ du Groupe Accor, au mois d’octobre 2013. « Depuis la création de GHI, de mémoire de techniciens et de financiers, jamais un franc guinéen n’est arrivé comme dividende dans les caisses de l’Etat. Investi d’une mission, en ma qualité de gestionnaire, je suis venu pour appuyer l’équipe de gestionnaires locale pour que la Guinée, proportionnellement à sa participation dans le capital social, puisse avoir les dividendes nécessaires, ne serait-ce que pour la rénovation ou l’entretien de l’hôtel », rappelle-t-il.
À l’en croire, plusieurs missions à Paris et à Dakar, en conseil d’administration, ont été effectuées pour tenter de sauver les meubles. « On ne peut pas dire que jusqu’à l’avènement de nouveaux hôtels que les comptes de GHI étaient déficitaires. Lounseny Camara, ancien ministre du Tourisme et de l’hôtellerie avait souhaité qu’il ait un audit fait part des personnes extérieures, même pas des guinéens. À la réponse à cette question, il nous avait été opposé qu’il y a une équipe d’audit interne dans le Groupe Accor Afrique, et qu’il fallait se contenter du travail fait par cet audit. Finalement, le Groupe a décidé de partir plutôt que de subir les audits venant d’une autre entité.
Même si on fait venir Bill Gate au GHI, si on ne fait pas la rénovation, on va tourner en rond », raconte-t-il. Pour boucler la boule, il se vante d’avoir amené l’Etat à prendre en charge les factures d’électricité d’EDG qui se chiffreraient à 400 millions Gnf. Toutefois, il reconnaît que tout n’est pas rose. Il regrette que GHI ne soit pas à jour à la Caisse nationale de sécurité. Une tache noire, comme il le dit lui-même.
Par Mohamed JM MORGAN