La banque centrale américaine poursuit son bras de fer avec l’inflation et relève ses taux à un niveau jamais vu depuis quinze ans.
La nouvelle hausse décidée par la Fed mercredi 2 novembre place désormais ses taux au plus haut niveau depuis la crise de 2008, soit depuis 15 ans. La banque centrale américaine a relevé son taux directeur de 0,75 points ce pourcentage , qui se situe désormais entre 3,75 et 4 %. Fermement décidée à juguler l’inflation , la Fed compte bien continuer d’augmenter son taux directeur, et ce malgré la menace de récession qui plâne sur les Etats-Unis.
Les responsables de l’institution disent anticiper « que de nouvelles hausses des taux seront appropriées », selon un communiqué de presse publié à l’issue de deux jours de réunion. Ils indiquent cependant que les effets sur l’économie des relèvements déjà effectués depuis le mois de mars devront être pris en compte pour établir le rythme des hausses qui seront décidées lors des prochaines réunions. Cela pourrait signaler des hausses moins rapides dans les mois à venir. Il faut en effet des mois pour que ces décisions de la Fed aient un effet sur l’économie.
La sixième hausse d’affilée depuis mars 2022
L’inflation, ainsi, était encore en septembre de 6,2 % sur un an, proche de ses plus hauts niveaux depuis plus de 40 ans, selon l’indice PCE privilégié par la Fed, dont l’objectif est de la ramener à 2 %. Une autre mesure, l’indice CPI, qui fait référence notamment pour l’indexation des retraites, a montré une hausse des prix de 8,2 % sur un an en septembre.
La hausse du taux directeur décidée mercredi est la sixième d’affilée depuis le mois de mars, lorsqu’il se trouvait entre 0,00 et 0,25 %, au plus bas afin de stimuler la consommation économique pendant la crise du Covid-19. La Fed avait commencé par la hausse habituelle de 0,25 point, avant d’accélérer à 0,50, et enfin, à quatre reprises désormais, de 0,75 point.
A moins d’une semaine des élections de mi-mandat, lors desquelles le président Joe Biden risque de perdre sa faible majorité démocrate au Congrès, l’inflation est désormais la principale préoccupation des foyers américains.
Mais un autre danger menace, puisque ce ralentissement volontaire de l’activité risque de faire plonger l’économie américaine dans la récession en 2023.
Des « premiers signes d’un ralentissement »
Jerome Powell avait averti, à l’issue de la dernière réunion, en septembre, qu’il n’existait pas de « moyen indolore » de combattre durablement l’inflation. En attendant, les Etats-Unis ont enregistré un trimestre de croissance entre juillet et septembre, avec +2,6 % de croissance du PIB en rythme annualisé.
Quant au marché de l’emploi, il affiche toujours une santé de fer. Les chiffres officiels d’octobre seront dévoilés vendredi, mais on sait d’ores et déjà que les employeurs privés ont créé en octobre 239.000 emplois, bien plus qu’en septembre, et bien plus qu’attendu, selon des chiffres publiés mercredi.
« Alors que nous voyons les premiers signes d’un ralentissement de la demande (de main d’oeuvre) induite par la Fed, cela n’affecte que certains secteurs du marché du travail », a commenté Nela Richardson, cheffe économiste d’ADP, citée dans le communiqué.
Les démocrates, qui avaient concentré leur campagne sur le droit à l’avortement, quand les républicains jouaient la carte de la lutte contre l’inflation, tentent désormais de mettre en avant leur programme économique en faveur des classes moyennes. Le sénateur démocrate Sherrod Brown, président de la commission bancaire du Sénat, a ainsi envoyé fin octobre un courrier à Jerome Powell, soulignant que « la lutte de la Fed contre l’inflation ne doit pas faire souffrir les travailleurs ».
La crédibilité de la puissante institution est en jeu car, après avoir assuré pendant des mois que la forte inflation ne serait que temporaire, elle a jusqu’à présent échoué à la faire ralentir. Or, plus les ménages anticipent une hausse des prix durable, plus ils agissent en conséquence, et plus celle-ci s’ancre. Ce qui nécessite alors des mesures encore plus douloureuses, comme au début des années 1980, après des années d’inflation frôlant parfois les 15 %.
AFP