L’évaluation de la gestion des investissements publics en Guinée , réalisée par le FMI et la Banque Mondiale en 2018, met en lumière les défis et les avancées du pays dans la réduction de son déficit infrastructurel.
Dans un contexte où les autorités guinéennes cherchent à dynamiser leur développement économique, le rapport souligne une augmentation significative des dépenses d’investissement, atteignant 7 % du PIB entre 2012 et 2015. Cependant, malgré ces efforts, l’efficacité de la gestion des investissements demeure insuffisante, avec un écart d’efficience estimé à 50 %. Ce constat soulève des questions cruciales sur les mécanismes de financement, notamment l’importance des partenariats public-privé et le rôle des financements extérieurs, qui représentent environ 70 % (des décaissements) des dépenses d’investissement.
Cet article se propose d’explorer l’évolution des prévisions de dépenses d’investissement entre 2021 et 2024, d’analyser les facteurs ayant conduit à une réduction des prévisions en 2024, ainsi que d’examiner les taux d’exécution des dépenses d’investissement sur cette période. À travers cette analyse, nous tenterons de comprendre les obstacles à l’exécution des projets et d’évaluer l’impact des politiques publiques sur la mobilisation des ressources. En somme, nous nous pencherons sur les enjeux cruciaux qui façonnent l’avenir des investissements publics en Guinée, dans un contexte économique mondial en mutation.
POUR LA PETITE HISTOIRE
En réponse à une demande des autorités guinéennes, une mission menée par le Département des finances publiques (FAD) du Fonds Monétaire International (FMI) et comprenant les représentants de la Banque Mondiale (BM), a séjourné à Conakry du 3 au 17 mai 2018 afin de procéder à l’évaluation de la gestion des investissements publics, suivant la méthodologie révisée d’avril 2018 PIMA (Public Investment Management Assessment). Nous vous proposons un résumé de ce rapport ainsi qui suit:
“Conakry, Guinée – Les autorités guinéennes ont inscrit la réduction du déficit infrastructurel dans leur plan de développement économique et social (PNDES, 2016-2020). Pour financer ces projets, elles misent sur les partenariats public-privé (PPP) et ont sollicité l’assistance technique du Fonds Monétaire International (FMI) pour évaluer la gestion de l’investissement public (GIP).
L’investissement public en Guinée a augmenté substantiellement ces dernières années, atteignant 7 % du PIB entre 2012 et 2015, contre 4 % entre 2000 et 2010. Cependant, ce niveau reste inférieur à la moyenne des pays de l’Afrique sub-saharienne (ASS). Le taux d’exécution des dépenses d’investissement a également progressé, passant de 42 % en 2015 à 75 % en 2017, avec près de 70 % de cet effort financé par les ressources intérieures.
Malgré ces progrès, la GIP en Guinée est jugée peu efficiente par rapport à certains pays comparables. L’écart d’efficience de la Guinée est estimé à environ 50 %, soit plus que l’écart moyen de 40 % pour les pays de l’ASS et de 30 % pour l’ensemble des pays du monde.
Le cadre institutionnel de la GIP présente des forces, notamment la limite fixée sur l’encours de la dette par rapport au PIB et la qualité du PNDES. Cependant, des faiblesses significatives subsistent, notamment dans la planification, l’affectation et l’exécution des projets. Par exemple, la Guinée a signé une vingtaine de contrats PPP par entente directe sans encadrement institutionnel finalisé, et la plupart des grands projets financés sur ressources propres n’ont pas fait l’objet d’évaluations économiques et financières rigoureuses.”
Plus de 5 ans après, avons nous fait des progrès en matière de la gestion des investissements publiques sous cette transition qui – nous allons voir est très engagée à résorber le déficit infrastructurel du pays , c’est ce que nous allons découvrir dans cet article et subsidiairement nous allons tenter de répondre aux questions suivantes:
- Quelle a été l’évolution des prévisions de dépenses d’investissement entre 2021 et 2024 ?
- À quoi peut-on attribuer la réduction des prévisions en 2024 ?
- Comment ont évolué les taux d’exécution des dépenses d’investissement de 2021 à 2023 ?
- Quels sont les principaux facteurs qui peuvent expliquer les écarts entre les prévisions et les réalisations ?
- Quelle est la part des financements extérieurs dans les dépenses d’investissement ?
- Présentation des Données:
Lois de Finances Initiale et Rectificative 2021
- Loi de Finance Initiale (LFI) : 8 331 791 122 475 GNF
- Loi de Finance Rectificative (LFR) : 8 957 424 846 289 GNF
2022
- LFI : 10 180 885 549 000 GNF
- LFR : 10 393 559 647 199 GNF
2023
- LFI : 14 005 646 250 027 GNF
- LFR : 14 429 407 919 106 GNF
2024
- LFI : 14 557 845 279 309 GNF
- LFR : 13 590 291 531 686 GNF
Exécution des Dépenses d’Investissement
2021
- Exécution : 2 855,76 Mds GNF
- Prévision : 9 866,56 Mds GNF
- Taux d’exécution : 28,94%
- Dépenses sur ressources propres : 627,80 Mds GNF (21,98%)
- Dépenses sur financement extérieur : 2 227,97 Mds GNF (78,02%)
2022
- Exécution : 3 337,95 Mds GNF
- Prévision (LFR) : 7 112,34 Mds GNF
- Taux d’exécution : 46,93%
- Dépenses sur ressources propres : 1 072,19 Mds GNF (32,12%)
- Dépenses sur financement extérieur : 2 265,76 Mds GNF (67,88%)
2023
- Exécution : 4 814,03 Mds GNF
- Prévision (LFR) : 14 567,91 Mds GNF
- Taux d’exécution : 33,05%
- Dépenses sur ressources propres : 1 360,18 Mds GNF (28,25%)
- Dépenses sur financement extérieur : 3 453,85 Mds GNF (71,75%)
2024
- Projections et réalisations à venir
- Analyse de l’Évolution des Dépenses d’Investissement
Tendances Générales
Augmentation des Prévisions Les prévisions de dépenses d’investissement ont augmenté de manière significative de 2021 à 2023, passant de 8 331 791 122 475 GNF en 2021 à 14 005 646 250 027 GNF en 2023. Cette augmentation reflète l’engagement du gouvernement à investir dans des projets stratégiques pour stimuler la croissance économique et améliorer les infrastructures.
Réduction en 2024 Une réduction des prévisions est observée en 2024, avec une LFI de 14 557 845 279 309 GNF et une LFR de 13 590 291 531 686 GNF. Cette réduction peut être attribuée à divers facteurs, notamment les contraintes budgétaires et les fluctuations des financements extérieurs.
Taux d’Exécution
Comparaison des Taux d’Exécution Les taux d’exécution varient considérablement d’une année à l’autre, avec un taux de 28,94% en 2021, 46,93% en 2022 et 33,05% en 2023. Ces variations peuvent être attribuées à divers facteurs, notamment les retards dans l’exécution des projets, les contraintes budgétaires et les fluctuations des financements extérieurs.
Analyse des Écarts Les écarts entre les prévisions et les réalisations peuvent être attribués à divers facteurs, notamment les retards dans l’exécution des projets, les contraintes budgétaires et les fluctuations des financements extérieurs. Une analyse approfondie de ces écarts est essentielle pour identifier les obstacles à l’exécution des projets et pour formuler des recommandations pour améliorer l’efficacité des dépenses d’investissement.
Sources de Financement
Ressources Propres vs. Financement Extérieur Les dépenses d’investissement sont principalement financées par des ressources extérieures, représentant environ 70% des dépenses totales ( le portefeuille FINANCEMENT EXTERIEUR EST PLUS PERFORMANT QUE LE BUDGET NATIONAL DE DEVELOPPEMENT)
Impact des Financements Extérieurs Les financements extérieurs jouent un rôle crucial dans l’exécution des projets d’investissement, mais ils peuvent également être sujets à des variations et des conditions imposées par les bailleurs de fonds. Une diversification des sources de financement et une augmentation des ressources propres peuvent contribuer à une plus grande stabilité et autonomie financière.
III. Facteurs Influençant l’Évolution des Dépenses d’Investissement
Contexte Économique
Impact de la Conjoncture Économique Mondiale et Nationale Les fluctuations économiques mondiales et nationales, telles que les crises économiques, les variations des prix des matières premières et les politiques monétaires, influencent les dépenses d’investissement. Par exemple, la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont eu des répercussions significatives sur les économies mondiales, affectant les flux de financements extérieurs et les capacités budgétaires des gouvernements.
Effets des Politiques Économiques et des Réformes Structurelles Les réformes structurelles et les politiques économiques mises en place par le gouvernement peuvent avoir un impact significatif sur la mobilisation des ressources et l’exécution des projets d’investissement. Des politiques favorisant la transparence, la bonne gouvernance et l’efficacité des dépenses publiques peuvent améliorer la mobilisation des ressources et l’exécution des projets.
Politiques Publiques
Priorités Gouvernementales en Matière d’Investissement Les priorités gouvernementales, telles que le développement des infrastructures, l’amélioration des services publics et la stimulation de la croissance économique, déterminent les secteurs et les projets prioritaires pour les dépenses d’investissement. Une planification stratégique et une allocation efficace des ressources sont essentielles pour maximiser l’impact des investissements publics.
Stratégies de Mobilisation des Ressources Internes et Externes Les stratégies de mobilisation des ressources, y compris les emprunts, les subventions et les partenariats public-privé, sont essentielles pour financer les projets d’investissement. Une diversification des sources de financement et une augmentation des ressources propres peuvent contribuer à une plus grande stabilité et autonomie financière.
Projets et Programmes d’Investissement
Principaux Projets et Programmes Financés Les principaux projets et programmes financés incluent les infrastructures de transport, les projets énergétiques, les programmes de santé et d’éducation, et les initiatives de développement rural. Ces projets visent à améliorer les conditions de vie des citoyens, à stimuler la croissance économique et à renforcer les capacités productives du pays.
Secteurs Prioritaires Les secteurs prioritaires pour les dépenses d’investissement incluent les infrastructures, l’éducation, la santé, l’agriculture et le développement rural. Une allocation efficace des ressources dans ces secteurs est essentielle pour maximiser l’impact des investissements publics et pour répondre aux besoins de développement du pays.
- Recommandations:
“Les recommandations formulées par le FMI en 2018 sont encore d’actualité
Pour améliorer l’efficience de la GIP, le FMI propose plusieurs recommandations :
- Renforcer le cadre normatif et procédural des PPP: Plafonner les engagements explicites des PPP et ouvrir à la concurrence les offres spontanées.
- Mettre en place un processus d’expertise et de validation des études: Établir des critères rigoureux pour la sélection et la hiérarchisation des projets, et cesser d’inclure dans le budget des propositions de projet non accompagnées d’études de faisabilité.
- Renforcer la budgétisation de l’investissement et le financement des activités d’entretien et de maintenance: Appliquer des autorisations pluriannuelles pour les dépenses d’investissement et tenir des conférences budgétaires uniques pour les budgets de fonctionnement et d’investissement.
- Améliorer la disponibilité du financement des investissements: Harmoniser les plans de passation des marchés et de gestion de la trésorerie, et fixer des délais de paiement par la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG).
- Opérationnaliser le dispositif de suivi, de gestion et d’examen ex post des projets d’investissements: Faire le point sur tous les projets en cours depuis au moins 10 ans, préparer des rapports semestriels/annuels physico-financiers consolidés, et examiner systématiquement les rapports d’achèvement des grands projets.
- Renforcer le suivi des actifs publics: Poursuivre les travaux d’actualisation du registre des biens immobiliers de l’État et opérationnaliser les normes comptables pour la valorisation des actifs.” République de Guinée Évaluation de la gestion des investissements publics (PIMA) Rapport technique Juillet 2018
En conclusion, l’analyse de la gestion des investissements publics en Guinée révèle à la fois des avancées significatives et des défis persistants. Malgré une augmentation des dépenses d’investissement et une amélioration des taux d’exécution, l’efficacité de la gestion demeure insuffisante, avec un écart d’efficience notable par rapport à d’autres pays de la région. Les fluctuations des financements extérieurs, couplées à des contraintes budgétaires, ont conduit à une réduction des prévisions pour 2024, soulignant la nécessité d’une planification stratégique et d’une allocation efficace des ressources.
Les recommandations du FMI, axées sur le renforcement du cadre normatif des partenariats public-privé et l’amélioration des processus de planification et d’exécution, offrent une feuille de route pour optimiser l’impact des investissements publics. En outre, la diversification des sources de financement et l’augmentation des ressources propres sont essentielles pour garantir une plus grande autonomie financière et une résilience face aux chocs économiques. En somme, pour que la Guinée réalise pleinement son potentiel de développement, il est impératif de surmonter les obstacles à l’exécution des projets et d’adopter des pratiques de gouvernance transparentes et efficaces.
—————–
Par Mohamed Camara
Chroniqueur à Emergence