La crise de liquidité focalise actuellement l’attention. Cette réalité est manifeste dans les banques, qui limitent désormais les retraits effectués par leurs clients. En d’autres termes, il devient difficile, voire impossible, de retirer des montants supérieurs à quelques dizaines de millions de francs guinéens. Même la Banque centrale n’échappe pas à cette situation.
Si certains y voient une contrainte pénalisante pour l’économie nationale, d’autres, bien que moins nombreux, y perçoivent une opportunité. C’est le cas de notre interlocuteur, un banquier de grande réputation, qui affirme qu’il s’agit du signe d’une économie en cours de structuration , une transition vers une économie plus formelle.
Lisez son opinion :
« Une opportunité vers une économie formelle . En tant que banquier, je confirme l’existence d’une crise de liquidité (cash), mais je ne la considère pas comme une entrave à l’économie.
Depuis plusieurs années, le gouvernement guinéen œuvre sans relâche pour favoriser l’inclusion financière, qui reste encore faible, avec un taux de pénétration d’environ 23 %.
Ce même gouvernement a engagé une transformation digitale progressive à travers des services tels que les paiements électroniques (e-tax, GUCEG, etc.) et poursuit ses efforts en développant d’autres canaux numériques : monétique, paiements instantanés, etc. L’économie guinéenne a également vu l’émergence de nouveaux moyens de paiement électronique, comme les transferts Bank-to-Wallet et Wallet-to-Bank (Orange Money, Soutra, Kulu).
Même les jeux de loterie, très prisés par une jeunesse confrontée au chômage, ont été intégrés à cette digitalisation : les mises et les gains peuvent désormais être réalisés en ligne.
Il ne faut donc pas percevoir uniquement la situation actuelle sous un angle négatif. Ces mutations économiques ont eu un impact notable sur la disponibilité du cash sur le marché guinéen.
Certes, l’une des causes ( bien que mineure ) de cette rareté peut s’expliquer par la réticence de certains acteurs du secteur informel (notamment les commerçants) à déposer leur argent dans les banques. Cette clientèle préfère souvent utiliser des circuits informels pour ses transactions, y compris à l’international, ce qui nuit à la transparence économique. Cette attitude s’explique en partie par la crainte d’une fiscalisation accrue, liée à l’accès possible de l’administration fiscale aux relevés bancaires pour des fins de taxation.
Toutefois, il est important de souligner que cette crise de liquidité ne signifie pas que les banques manquent de ressources. Il ne s’agit pas d’une crise bancaire au sens classique du terme. Le cash se fait simplement plus rare sur le marché, ce qui, à mon avis, est l’aboutissement d’une stratégie économique de long terme.
En effet, les banques continuent de fonctionner normalement entre elles, notamment à travers le système de télécompensation. Elles échangent quotidiennement des milliards de francs guinéens et de devises sans difficulté, et respectent les exigences réglementaires en matière de liquidité.
Une économie bien structurée et formelle entraîne des effets bénéfiques : réduction de la corruption, lutte contre le blanchiment d’argent, augmentation des recettes fiscales, diminution du taux de criminalité, etc.
Le secteur bancaire, sous la direction de la BCRG, doit saisir cette opportunité pour formaliser et institutionnaliser le plafonnement durable des paiements en espèces. Cette initiative doit être soutenue, renforcée et encadrée par la Banque centrale. »