La riposte contre la pandémie de covid19 a mis à nu la défaillance du système sanitaire de notre pays, qui contrairement aux annonces officielles, n’a tiré aucun avantage de l’épidémie d’Ébola qui avait fait pourtant plus de 3 mille morts. A preuve, on en est encore à traîner les pas dans l’éradication de la pandémie, avec des cas de contamination qui vont crescendo, au fil des jours.
Une fois n’est pas coutume, dans une tribune parue le 06 mai 2020 sur le site de Financial afrik, et intitulée “La Guinée, riche des leçons tirées de l’expérience de la crise Ebola, unie et mobilisée, pour éradiquer le Covid-19“, le professeur Alpha Condé fait dans l’autosatisfaction, en vantant les prouesses de son pays en matière de santé.
C’est un président tout à son aise qui s’est évertué à écrire que si la « Covid-19 a submergé l’humanité, ébranlant profondément les économies mondiales pour des années durant, avec une incidence sociale dévastatrice… La Guinée, quant à elle, est tout particulièrement armée pour partager son expertise avérée avec d’autres nations confrontées à cette terrible pandémie. Mon pays a en effet beaucoup appris de la crise d’Ebola de 2013 à 2015, qu’il a su contenir et éradiquer », s’enorgueillit le président.
A cet argumentaire présidentiel, on peut cependant opposer les réalités du terrain. Et en la matière, qui est mieux placé pour dépeindre les réalités de notre système sanitaire que le personnel soignant lui-même, qui en cette période de Covid19, est confronté aux tares que comportent nos hôpitaux dans leur fonctionnement.
Ainsi dans une lettre adressée au Premier ministre Kassory Fofana, le personnel soignant qui se trouve en première ligne dans la lutte contre la Covid-19 tire la sonnette d’alarme sur les mauvaises conditions de travail.
Ce Collectif des travailleurs (médicaux et paramédicaux) du centre de traitement de COVID-19 a tenu à éveiller l’attention du gouvernement sur cette triste réalité, après avoir attendu en vain que leur sort soit amélioré.
« Le collectif après plusieurs remarques déplorables notifiées, a décidé après une rencontre le lundi 04 mai 2020 de vous alerter sur les faits avant la déclaration d’une manifestation pour dénoncer les conditions de travail difficile et réclamer un « plan d’urgence » le lundi 11 mai 2020. Au nombre des points essentiels de revendication du collectif sont entre autres : Améliorer l’organisation du CTE ; Changer les Superviseurs médicaux par les médecins compétents qui respectent la hiérarchie ; Limiter la prise en charge à 10 malades par médecin et infirmier afin d’un suivi correcte des malades et de leur dossier ; Trouver suffisamment les équipements de protection individuelle (EPI) ; Tuniques, bottes, gants gynécologiques, cagoules adaptées et masques N95 afin que les heures de travail et la protection du personnel soient respectées ;
Sans oublier l’amélioration des primes des travailleurs qui sont en contact permanent avec les patients. Des primes qui sont dérisoires, face aux risques encourus par le personnel soignant.
Tout ça, n’a rien avoir avec le plan décennal de santé 2015-204, décrit par le président dans sa tribune, et dont l’objectif est d’améliorer significativement l’accès à la santé aux Guinéens.
Une politique qui a conduit à augmenter la part de la santé dans le budget public qui est ainsi passé de 1, 65 % du PIB en 2009 à 4,11 % en 2015.
Une autre enquête menée par le Centre d’Excellence Africain de Prévention et Contrôle des Maladies Transmissibles en Guinée (CEA-PCMT), dans le cadre de la mise œuvre du Plan national de riposte contre le Coronavirus en Guinée, en partenariat avec l’Agence Belge de Développement (ENABEL), à travers l’appui du Royaume de Belgique et de l’Union Européenne, intitulée « la Guinée n’était pas préparée », contredit les annonces du gouvernement guinéen.
Delphine PERREMANS, chargée d’affaires à l’Ambassade du Royaume de la Belgique en Guinée, qui a pris part à la publication des résultats de cette étude, le 7 mai 2020, à Conakry décrit sans langue de bois les lacunes du système de santé guinéen, au micro de nos confrères de guineematin.com.
« Quand on parle de gestion d’une crise, on parle aussi de préparation d’une crise. Et donc, cette étude réalisée à travers des enquêtes aussi bien à Conakry qu’à l’intérieur du pays a permis de faire un peu un état des lieux de la préparation par rapport à la crise Covid-19, donc sur l’éventualité d’une propagation plus massive en dehors de Conakry. Force a été de constater qu’ici, aussi bien niveau des connaissances que des pratiques du personnel de santé, mais également du matériel disponible au niveau des structures sanitaires, qu’il existe énormément de lacunes. Donc, même si on a essayé de bâtir sur les acquis de l’apprentissage de la période d’Ebola, malheureusement il y a encore beaucoup de travail à faire, notamment parce que l’épidémie actuelle est différente de l’épidémie d’Ebola. Donc, avec le ministère de la Santé et l’ANSS qui étaient représentés aujourd’hui, l’idée est de faire une diffusion très large des conclusions et des recommandations de ce rapport afin d’orienter les partenaires technique et financier dans leur appui pour riposte au Covid-19 », a-t-elle indiqué.
Une vérité à prendre en compte par nos dirigeants, au lieu de jouer à l’autruche.
Un plan de riposte de plus de 3 mille milliards de francs guinéens qui tarde à prendre forme
Sur le plan économique, la Guinée à l’instar des autres États frappés par la Covid19 a entrepris de limiter la casse, en termes de baisse de la croissance dans les activités économiques, entrainée par le confinement, bien que celui-ci soit partiel.
Mais hélas, ce « plan de riposte économique susceptible de soutenir notre économie et aider le secteur privé à absorber les chocs induits par le ralentissement prévisible de l’activité économique », a du mal à être mis en œuvre.
Pour les scories qu’il comportait aux yeux de la Banque Mondiale. Il a fallu donc une nouvelle retouche, afin qu’il soit accepté par nos partenaires financiers, qui suspectait une fourberie de la part du gouvernement, notamment pour ce qui concerne le secteur énergétique, dont le fond de soutien a été surévalué.
Le coût global de ce plan de riposte économique est de plus de 3 000 milliards de francs guinéens.
Ce « plan de riposte est adossé à trente (30) mesures spécifiques. Il s’articule autour de trois axes : une composante sanitaire, destinée à contenir et juguler l’épidémie ; une composante sociale, qui a pour but d’atténuer les conséquences de la crise sanitaire pour les ménages, notamment ceux en situation de précarité ; et une composante appui au secteur privé, pour mitiger les effets de l’épidémie sur les entreprises, en particulier les secteurs les plus affectés», selon le Premier ministre Dr Kassory Fofana, qui en est le concepteur.
Dans ce plan, « la composante sanitaire du plan concerne l’amélioration de la prévention ainsi que des conditions dans lesquelles les personnes atteintes par le virus sont prises en charge de façon décente.
À ce titre, pour un coût total de 1 125 milliards de nos francs, la composante sanitaire du plan de riposte économique vise les objectifs suivants : le renforcement du dispositif de surveillance et de prise en charge, tant à Conakry qu’aux trente-quatre (34) postes frontières identifiés et jugés comme étant les plus sensibles ; le renforcement des infrastructures et du système national de santé. »
« La composante sociale du plan, quant à elle, vise à apporter une aide appropriée aux populations, en particulier les plus démunies. Elle comporte le plan de l’ANIES et des mesures sociales complémentaires. À cet effet : Mis en place de deux fonds pour renflouer les entreprises ».
Des fonds qui ont été finalement créés le vendredi 29 mai 2020, par le président de la République.
Il s’agit du Fonds des Garanties aux Prêts pour des Entreprises en République de Guinée (FGPESA).
Placé directement placé sous la tutelle technique de la Primature et sous la tutelle financière du ministère de l’Economie et des Finances.
Le second Fonds est un Fonds d’Appui au Groupement d’Intérêt Economique et aux Entreprise (FAGIE), mis sous la tutelle technique du ministère de l’Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et sous la tutelle financière du ministère de l’Economie et des Finances.
Vivement qu’on sorte enfin des discours populistes et de la gestion au coup pour coup, pour doter notre pays d’un système sanitaire adéquat.
In Emergence Mag N°10 de Juillet