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Coronavirus /le cours du pétrole s’effondre : Du jamais-vu depuis 1991

Le baril de Brent de la mer du Nord qui sert de référence a littéralement plongé en Asie de près de 25 % pour s’afficher à 33,29, soit une perte de près 50 % depuis le 1er janvier.

Vent de panique sur le pétrole. Les cours ont chuté lourdement en Asie. Le baril de Brent de la mer du Nord qui sert de référence a littéralement plongé en Asie de près de 25 % pour s’afficher à 33,29, soit une perte de près 50 % depuis le 1er janvier.

Pour les automobilistes, faire le plein à la pompe est une bonne affaire. En une semaine, le prix du Super 95 enregistre une baisse de 1,6 centime d’euro pour s’afficher en moyenne, selon le site Carbu.com, 1,46 euro le litre.

Même chose pour le gazole avec une perte de 1,8 centime d’euro par litre pour s’établir à 1,35 euro le litre. Et ce mouvement à la baisse pourrait durer encore pendant plusieurs semaines et pourrait atteindre son niveau historiquement bas de 2016, autour de 30 dollars.

Effet détonateur

L’épidémie de Covid-19 fait craindre des conséquences économiques et sociales d’ampleur dans le monde. À commencer par la Chine qui est le principal moteur de la demande pétrolière dans le monde (14 % de la consommation mondiale) et qui est le premier importateur d’or noir dans le monde. Or, ce coup d’arrêt de la Chine va forcément avoir un impact négatif sur les autres économies du monde.

Mais au-delà de cette crise du coronavirus que l’on peut croire conjoncturelle, se joue une véritable bataille géopolitique entre les plus grands producteurs de pétrole. Et la crise du coronavirus a eu une sorte d’effet détonateur.

Désormais, les Etats-Unis grâce au pétrole de schiste sont devenus les premiers producteurs au monde devant la Russie et les pays du Golfe. Depuis plusieurs années, la Russie et les pays exportateurs de pétrole (OPEP) font en quelque sorte cause commune pour soutenir les cours en cas de besoin en jouant sur les niveaux de production. Le principe est simple : un prix trop cher du pétrole risque à terme de gripper l’économie mondiale et donc la demande de pétrole. Dans le même temps, cela favorise la production hors Opep et notamment aux Etats-Unis. Mais un pétrole trop bas met à mal les économies dont les revenus proviennent essentiellement de l’or noir. L’objectif est d’arriver à un prix proche de 60 dollars.

« La Russie a déclenché ce qui pourrait bien devenir la plus dévastatrice des guerres du prix du pétrole »

Or cette alliance entre la Russie et l’Opep a pris un sérieux coup, vendredi dernier, à Vienne. Alors que les observateurs avaient anticipé une nouvelle baisse de la production, Alexander Novak, le ministre de l’Énergie russe a affiché un fin de non-recevoir à cette baisse. « La Russie a déclenché ce qui pourrait bien devenir la plus dévastatrice des guerres du prix du pétrole de l’histoire récente », lance le site professionnel Oilprice.com.

Dès vendredi, l’Arabie Saoudite a tiré les premières salves d’une guerre des prix. Ryad a décidé de réduire unilatéralement les prix de livraison en avril entre 6 et 8 dollars par baril par rapport à mars dans la majorité des régions du monde.

Du jamais-vu depuis 1991

Dimanche, les indices des Bourses de Riyad et de Dubaï ont atteint leurs plus bas niveaux depuis des années. Le cours d’Aramco, la compagnie pétrolière saoudienne est tombé pour la première fois depuis l’entrée en Bourse en décembre sous son cours d’introduction. Il faut remonter à la première guerre du Golfe en 1991 pour voir un tel effondrement des prix en moins de 24 heures.

Pourquoi les Russes n’ont pas accepté cette baisse de production ? Pour Moscou, l’effet aurait été de favoriser le pétrole de schiste américain à des prix rentables. « Notre production serait tout simplement remplacée par celle de nos concurrents. C’est du masochisme », avait prévenu Mikhail Leontiev, porte-parole du géant russe de l’énergie Rosneft à l’agence de presse Ria Novosti.

Pour autant, les prix bas ne font pas non plus les affaires des Etats-Unis. Les coûts de production sont supérieurs à ceux de l’extraction classique de pétrole. Il faut donc un certain niveau de prix pour que l’industrie pétrolière américaine soit rentable. En 2016, lorsque les cours avaient chuté, de nombreux producteurs au Texas avaient été contraints d’arrêter l’exploitation de certains gisements.

Ces prix bas du pétrole, s’ils se prolongent, pourraient aussi rebattre les cartes du combat contre le changement climatique en redonnant aux énergies fossiles un avantage compétitif important par rapport aux énergies renouvelables.

Leparisien.fr