Pour investir en Afrique subsaharienne, l’un des plus grands problèmes qui se posent aux compagnies minières est l’accès à l’électricité. Dans cette région, la plupart des pays n’arrivent déjà pas à satisfaire les besoins des ménages. Cette situation a souvent contraint les sociétés minières à choisir l’option la moins risquée mais la plus coûteuse : installer leurs propres sources d’approvisionnement. Dans ce contexte, la Banque mondiale préconise, pour certains pays, une intégration des compagnies minières dans la mise en œuvre des politiques nationales de développement énergétique. Arguments.
Des besoins gigantesques
En Afrique du Sud, deuxième économie du continent derrière le Nigeria, l’un des secteurs les plus affectés par la crise que traverse depuis plusieurs mois la compagnie nationale d’électricité, l’Eskom, est l’industrie minière. Pour cause, les mines consomment près du tiers de l’énergie distribuée dans le pays par la société nationale qui figure pourtant dans le top 7 mondial des compagnies électriques en matière de production.
Ainsi, lorsque l’Eskom a proposé en début d’année d’augmenter les prix de l’électricité, les acteurs miniers sont montés au créneau pour montrer à quel point cela compromettrait l’avenir du secteur, déjà incertain. Baisse de production et perte de 150 000 emplois étaient les principaux arguments avancés par l’industrie minière pour justifier sa prise de position.
Pour cause, les mines consomment près du tiers de l’énergie distribuée dans le pays par la société nationale qui figure pourtant dans le top 7 mondial des compagnies électriques en matière de production.
Le même cas de figure s’est produit en 2017 en Zambie lorsque l’Etat a décidé d’augmenter les prix de l’électricité. Certaines compagnies minières, y compris des géants comme Glencore ou First Quantum Minerals, ont refusé de s’y conformer. Il s’en est suivi un bras de fer entre le gouvernement et l’industrie minière qui a abouti à la suspension de plusieurs opérations. Le différend a finalement été réglé au cas par cas, au bout de plusieurs jours de négociations, mais les quelques semaines de restrictions énergétiques dont ont été victimes les compagnies minières n’ont pas manqué d’affecter le volume total de cuivre produit par le pays.
Selon des prévisions de la Banque mondiale datant de 2015, les besoins énergétiques des mines en Afrique subsaharienne continueront d’augmenter pour atteindre les 23 GW, à l’horizon 2020.
Ces deux cas, loin d’être des exemples isolés, démontrent le caractère sensible de la question de l’accès à l’électricité pour les compagnies minières. D’une manière générale, le coût énergétique compte pour 10 à 35% du coût de développement d’un projet minier. Selon des prévisions de la Banque mondiale datant de 2015, les besoins énergétiques des mines en Afrique subsaharienne continueront d’augmenter pour atteindre les 23 GW, à l’horizon 2020. La demande viendra essentiellement de l’Afrique du Sud, mais également de pays comme la Zambie et le Mozambique, suivis des pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Mieux, dans certains pays, la demande d’électricité de l’industrie minière dominera celle de tous les autres secteurs.
Un contexte de déficit énergétique chronique
Pour les pays africains au sud du Sahara, l’accès à l’électricité est un problème épineux qui ne date pas d’aujourd’hui. Entre capacité de production insuffisante, faible connectivité, manque de fiabilité et coûts élevés, ces nations doivent faire face à des problèmes chroniques. Pourtant, le potentiel énergétique de la région a déjà été démontré par plusieurs études et recherches. Par exemple, seulement 8% du potentiel hydroélectrique du continent (environ 400 GW) ont été exploités. Les ressources gazières peuvent permettre à l’Afrique subsaharienne de produire chaque année 100 GW durant plus de 70 ans. Il faut ajouter à cela les vastes ressources de charbon, mais également les autres sources d’électricité, y compris les énergies renouvelables.
Malgré ce grand potentiel, quelque 600 millions d’Africains manquent encore d’une connexion électrique, selon les données d’un rapport de la BAD paru en septembre 2019.
Dans certains pays d’Afrique subsaharienne, le nombre de personnes ayant accès à l’électricité ne dépasse pas les 10% de la population.
Si l’on se base sur de plus anciennes prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, citées par l’ONG britannique Oxfam, dans une étude réalisée en 2017, 489 millions de personnes n’auront toujours pas accès à l’électricité en 2040. « Il est important de se rappeler que les moyennes régionales et nationales peuvent occulter de vastes disparités dans les niveaux d’accès à l’énergie entre les pays et en leur sein », précise l’organisation qui note que dans certains pays d’Afrique subsaharienne, le nombre de personnes ayant accès à l’électricité ne dépasse pas les 10% de la population.
La capacité de production énergétique installée actuellement en Afrique subsaharienne dépasserait à peine les 80 GW, dont plus de 40 GW en Afrique du Sud. Le Nigeria, dont la population représente plus du triple de celle de l’Afrique du Sud, dispose seulement du dixième de sa capacité de production installée. De plus, dans des pays particulièrement riches en minerais comme la Guinée, la Mauritanie, le Mozambique, la RDC, la Tanzanie et la Zambie, les taux d’électrification dépassent à peine les 20-30%.
Les modes d’approvisionnement en électricité des mines
Pour satisfaire leurs besoins énergétiques, plusieurs options s’offrent aux compagnies minières. D’une manière générale, elles optent pour le raccordement au réseau. Cependant, ce mode d’approvisionnement présente plusieurs limites, notamment la sécurité et les tarifs élevés quand le réseau est alimenté par une coûteuse production à base de carburant.
Dans un contexte où les réseaux n’arrivent même pas à satisfaire les besoins des populations, les compagnies minières commencent de plus en plus à opter pour l’auto-approvisionnement.
Dans un contexte où les réseaux n’arrivent même pas à satisfaire les besoins des populations, les compagnies minières commencent de plus en plus à opter pour l’auto-approvisionnement.
Cette option, en plus d’éliminer les risques de fiabilité, leur permet d’installer leur propre usine de production, selon les besoins de leurs projets. De 6% de projets miniers ayant recours à l’auto-approvisionnement, avant 2000 en Afrique subsaharienne, on devrait passer à 18% en 2020, malgré les coûts relativement très élevés.
« Il faut noter que les mines accordent au moins autant d’importance à la sécurité de l’approvisionnement qu’au coût. Elles investissent dans l’auto-approvisionnement, même lorsque le coût du kilowatt livré est beaucoup plus élevé, afin de conserver le contrôle de leur approvisionnement en électricité et d’en assurer la continuité », explique une recherche de la Banque mondiale sur le sujet.
Entre le raccordement aux réseaux nationaux et l’auto-approvisionnement, on retrouve plusieurs options intermédiaires, selon la typologie réalisée par l’institution. Si elles sont encore utilisées à petite échelle, certaines de ces options intermédiaires offrent l’avantage de prendre en compte les populations locales (voir Tableau). En effet, sur la base d’accords, souvent privés, les compagnies minières investissent dans les réseaux nationaux ou cèdent le reste de la capacité de leurs propres infrastructures de production aux réseaux.
Avec l’agenceecofin