Le premier semestre 2024 a été marqué par plusieurs événements significatifs qui ont influencé l’exécution du budget.
Parmi ceux-ci, on note la persistance des effets de l’incendie du dépôt central des hydrocarbures de Coronthie, l’augmentation de 20% du salaire indiciaire des fonctionnaires et pensionnés de l’État, la mise en place d’un nouveau gouvernement, et la poursuite des politiques de subvention des produits pétroliers et de première nécessité. Ces facteurs ont créé un environnement économique complexe, nécessitant une gestion budgétaire rigoureuse.
A- Contexte de l’exécution des dépenses publiques au premier semestre 2024.
L’analyse de la chaîne de dépense de l’État au premier semestre 2024 révèle une tendance baissière qui sonne l’alarme et nécessite une action rapide et concertée. En se basant sur les données fournies par la Direction Générale du Budget (DGB) et la Direction Nationale des Systèmes d’Information (DNSI), cet article explore les raisons derrière cette tendance et ses implications pour l’économie guinéenne.
La tendance baissière observée dans la chaîne de dépense de l’État au premier semestre 2024 est un signal d’alarme qui nécessite une action rapide et concertée. En améliorant la coordination, en optimisant la trésorerie, en renforçant la transparence et en investissant dans les capacités, la Guinée peut inverser cette tendance et assurer une exécution budgétaire plus efficace et efficiente. Cela est crucial pour soutenir la croissance économique et répondre aux besoins de la population.
Les statistiques montrent une diminution progressive des paiements par rapport aux engagements : en janvier, 84,21% des engagements ont été payés, contre seulement 21,63% en juin. En février, seulement 7,59% des engagements ont été payés, suivi de 78% en mars, 48,60% en avril, et 31,53% en mai. Ces chiffres soulignent l’urgence d’une intervention pour redresser la situation. En comprenant les causes sous-jacentes et en mettant en œuvre des solutions adaptées, la Guinée peut non seulement stabiliser sa chaîne de dépense, mais aussi renforcer son économie pour un avenir plus prospère.
De plus, les données révèlent des retards significatifs dans la chaîne de dépense. En juin 2024, 726 projets d’engagement ont été initiés, contre 888 en mai, soit une baisse de 162 dossiers. Seulement 495 dossiers ont été validés par les Contrôleurs Financiers, dont 378 dans les délais requis, représentant 76,4% des dossiers reçus. Cependant, 117 projets d’engagement sont restés en cours de traitement après le délai imparti.
Ces chiffres montrent une diminution progressive des engagements et des paiements, soulignant la nécessité d’une intervention urgente pour redresser la barre. En plongeant dans les détails de cette analyse, nous découvrirons les causes profondes de cette tendance et les mesures à prendre pour y remédier.
B- Qu’est ce que la Chaîne de Dépense de l’État ? La réponse dans le Règlement Général de la Gestion Budgétaire et de la Comptabilité Publique -RGGBCP-
La chaîne de dépense de l’État est composée de plusieurs phases, chacune ayant des délais spécifiques pour assurer une exécution efficace:
- Engagement:
Article 18: <<L’engagement budgétaire de la dépense publique consiste à réserver des crédits qui seront nécessaires au paiement de la dépense. L’engagement juridique de la dépense publique est l’acte par lequel l’Etat crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge…>>
- Liquidation:
Article 20: <<La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le montant exact de la dépense. Elle est effectuée à la demande descréanciers au vu des titres et pièces justifiant la preuve des droits acquis. S’agissant des fournitures, services et travaux, ces titres et pièces sont constitués par les marchés, mémoires ou factures originales détaillant les livraisons, services ou travaux effectués et les procès-verbaux de réception ou certificats de service fait signés par les ordonnateurs…>>
- Ordonnancement/Mandatement:
Article 21:<< L’ordonnancement est l’acte administratif par lequel, conformément aux résultats de la liquidation, l’ordre est donné par l’ordonnateur au comptable assignataire de payer la dette de l’Etat. Cet acte administratif prend la forme d’un mandat de paiement qui doit être signé et adressé au comptable public, immédiatement et sans délai dès la liquidation.Les mandats de paiement signés par les ordonnateurs comportent l’imputation budgétaire de la dépense et sont assignés sur la caisse d’un comptable de l’Etat. >>
- Phase Comptable:
Article 22 : << Le paiement est l’acte par lequel l’Etat se libère de sa dette. Sous réserve des avances prévues à l’article 43 du présent Règlement Général, les paiements ne peuvent intervenir qu’à l’échéance de la dette, après l’exécution du service ou la fourniture du bien. Sans préjudice de la période complémentaire définie à l’article 54 du présent Règlement Général, le paiement doit être effectué avant la fin de l’exercice budgétaire, au cours duquel la dépense a été engagée.Toutefois, s’agissant des dépenses d’investissement, le paiement peut se faire au delà de cette limite.>>
C- Tendance baissière et ses implications:
La tendance baissière observée dans la chaîne de dépense de l’État au premier semestre 2024 est préoccupante. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation :
- Retards Administratifs:
– Les retards dans la validation des projets d’engagement et de liquidation montrent des inefficacités administratives. Ces retards peuvent être dus à des problèmes de coordination entre les différentes entités impliquées dans la chaîne de dépense.
- Problèmes de Trésorerie:
– Les défis de mobilisation des ressources de financement, notamment des obligations du Trésor, peuvent avoir contribué à la baisse des engagements et des paiements. La trésorerie de l’État semble être sous pression, ce qui limite sa capacité à honorer ses engagements.
- Priorités Budgétaires:
– La politique budgétaire a ciblé prioritairement les dépenses du secteur social et la poursuite des projets d’investissement en cours. Cependant, cette priorisation pourrait avoir conduit à des retards dans d’autres secteurs, affectant ainsi la chaîne de dépense globale.
D- Quelques recommandations:
Pour inverser cette tendance baissière, plusieurs mesures peuvent être envisagées :
- Amélioration de la Coordination Administrative:
– Renforcer la coordination entre les différentes entités impliquées dans la chaîne de dépense pour réduire les retards administratifs.
– Amélioration des traitements des dossiers hors chaîne de dépenses notamment avec la banque centrale de la république de Guinée BCRG.
- Optimisation de la Trésorerie:
– Mettre en place des mécanismes de mobilisation des ressources plus efficaces pour améliorer la trésorerie de l’État.
- Transparence et Suivi:
– Améliorer la transparence et le suivi de la chaîne de dépense pour identifier rapidement les goulots d’étranglement et y remédier.
- Renforcement des Capacités:
– Investir dans le renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la chaîne de dépense pour améliorer l’efficacité et la rapidité des processus.
Mohamed Camara
Cabinet MOCAM