L’efficacité des investissements publics constitue un levier fondamental pour le développement économique et social de la République de Guinée. Pourtant, malgré un cadre légal et institutionnel relativement étoffé, la gestion de ces investissements se heurte à de nombreux défis structurels qui freinent l’absorption optimale des financements, notamment ceux provenant de sources extérieures.
Entre volonté politique affichée, potentiel important de ressources naturelles et appui des partenaires internationaux, se dressent des obstacles tels que la faiblesse des capacités techniques, la lenteur des procédures, les risques de corruption et un manque de coordination interinstitutionnelle. Cette analyse propose ainsi une évaluation approfondie des forces et faiblesses du système guinéen d’investissement public, dans l’objectif de formuler des stratégies d’optimisation indispensables à la réalisation des ambitions de développement durable du pays.
- CADRE LEGAL ET INSTITUTIONNEL : ANALYSE DES FONDATIONS ET COMPLEXITES OPERATIONNELLES
Le cadre régissant les investissements publics en Guinée est constitué d’un ensemble de textes législatifs et réglementaires dont la portée est fondamentale pour la gestion financière et la concrétisation des projets d’infrastructure et de développement. Toutefois, l’efficacité de ce cadre est souvent conditionnée par les modalités de son application et l’articulation entre les différentes entités impliquées.
- Cadre Légal Principal : Portée et Limites des Dispositifs
- Loi Organique Relative aux Lois de Finances (LORF) : Cet instrument législatif constitue la pierre angulaire de la gestion budgétaire guinéenne, introduisant des principes essentiels de transparence, de performance et de pluriannualité. Cependant, son application pleine et entière rencontre des défis significatifs en matière de programmation budgétaire réaliste et de rigueur dans l’exécution. Le Budget National de Développement (BND), qui intègre les investissements publics, est fréquemment confronté à des surévaluations des prévisions de recettes et à une sous-exécution des dépenses d’investissement, limitant ainsi la concrétisation des projets.
- Code des Investissements (Loi L/2015/013/AN) : Bien que principalement orienté vers la promotion des investissements privés, ce code contribue à l’instauration d’un climat général d’affaires qui peut influencer indirectement la structuration de projets d’infrastructure via les Partenariats Public-Privé (PPP). Son efficacité pour les projets publics est intrinsèquement liée à la capacité de l’État à créer un environnement stable, prévisible et attractif pour les capitaux.
- Code des Marchés Publics et Délégations de Service Public (Loi L/2012/015/AN, révisé) : Ce code est indispensable à la mise en œuvre des projets d’investissement. Les réformes successives ont visé à renforcer la transparence, l’équité et l’efficacité des procédures d’acquisition. Néanmoins, des goulots d’étranglement persistent, se manifestant par des délais excessivement longs, une concurrence parfois insuffisante, des lacunes dans l’analyse des offres, et une persistance des risques de corruption et de favoritisme dans l’attribution et l’exécution des contrats. La phase de recours et de règlement des litiges demeure également un point de friction.
- Loi sur les Partenariats Public-Privé (Loi L/2017/045/AN) : Relativement récente, cette loi offre un cadre juridique prometteur pour attirer les financements privés dans des secteurs clés des infrastructures et des services publics. Son succès dépendra de la capacité du gouvernement à identifier des projets bancables, à assurer la crédibilité des garanties étatiques, à attirer des investisseurs de premier plan et à mettre en place des mécanismes de suivi contractuel robustes. La Guinée dispose encore d’une expérience limitée dans la structuration et la gestion complexe de ces partenariats.
- Décrets et Arrêtés d’Application : Ces textes réglementaires sont cruciaux pour la mise en œuvre opérationnelle des lois. Leur élaboration lente, leur diffusion parfois limitée ou leur manque de clarté peuvent générer des zones d’ombre et des incertitudes dans les procédures administratives, entravant la fluidité du cycle de projet.
- Cadre Institutionnel Clé : Rôles, Responsabilités et Défis d’Interdépendance
- Présidence de la République et Primature : L’impulsion politique est forte et souvent déterminante pour le lancement des grands projets. – certains projets sont labellisés « Priorité Présidentielle » et le Bureau de Suivi des Priorités Présidentielles en assure le suivi-. Cependant, cette centralisation des décisions peut parfois conduire à des interventions directes dans le cycle des projets et à la promotion d’initiatives non suffisamment préparées techniquement ou économiquement, potentiellement dictées par des considérations socio-politiques.
- Ministère du Plan et de la Coopération Internationale (MPCI) : Ce ministère est le pilier de la planification stratégique ainsi que le point focal pour la coordination de l’aide au développement. Ses défis incluent une autorité parfois limitée sur les ministères sectoriels pour l’application des priorités nationales.
- Ministère du Budget (MB) et Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) : En tant que gardiens du budget et de la trésorerie, le MB et MEF sont responsables de la mobilisation des ressources internes et de la gestion des fonds de contrepartie. Ses défis incluent la fluidité des décaissements, la mise en place d’un Système Intégré de Gestion des Finances Publiques (SIGFIP) pleinement opérationnel et la gestion de la dette publique. Sa capacité à imposer une discipline budgétaire sur les dépenses d’investissement est critique.
- Ministères Sectoriels : Maîtres d’ouvrage des projets, ces ministères sont souvent confrontés à un déficit de capacités techniques pour l’identification, la préparation (études de faisabilité), l’exécution et le suivi des projets. Un turnover élevé du personnel, un manque d’incitations et une surcharge de travail nuisent à la capitalisation des expériences. Les Unités de Gestion de Projets (UGP) rattachées aux projets financés par les bailleurs, bien que souvent dotées de moyens, tendent à opérer en silos, limitant le transfert de compétences aux administrations permanentes.
- Agence de Contrôle et de Gestion des Projets (ACGP) : Instituée mener des études et pour améliorer la gestion et le suivi des grands projets d’investissements publics, l’efficacité de l’ACGP dépendra de son autonomie réelle, de son pouvoir d’intervention et de sanction, et de sa dotation en compétences pointues en ingénierie financière et de projet. Sa position institutionnelle et sa capacité à s’affirmer face aux ministères et aux influences politiques restent des questions centrales.
- Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) : Organe garant de la conformité des procédures de passation des marchés. Son défi est de concilier la célérité des procédures avec la rigueur du contrôle et de gérer efficacement les recours, qui sont souvent nombreux et chronophages.
- Cour des Comptes et Inspection Générale d’État (IGE) : Ces organes de contrôle a posteriori sont essentiels pour la redevabilité. Le renforcement de leurs capacités d’intervention et d’investigation, ainsi que l’application effective de leurs recommandations, sont cruciaux pour prévenir et sanctionner les abus.
- Société Civile et Médias : Ces acteurs jouent un rôle croissant dans la veille citoyenne et la dénonciation des dérives. Leur autonomie et leur accès à l’information constituent des vecteurs importants de transparence.
- Analyse des Forces et Faiblesses du Cadre des Investissements Publics : Bilan et Enjeux Structurels
- Forces (Atouts) : Le Potentiel Inexploité
- Volonté Politique Affichée et Cadre Stratégique : L’existence de documents stratégiques tels que le PRI (Programme de référence Intérimaire) et bientôt le programme SIMANDOU 2040 témoigne d’une intention de planification et d’une prise de conscience de l’importance de la gestion des investissements publics au plus haut niveau de l’État. Des comités interministériels sont fréquemment mis en place pour le suivi des projets majeurs.
- Potentiel de Financements Extérieurs et Partenariats : La Guinée bénéficie de l’attention et du soutien de nombreuses institutions multilatérales (Banque Mondiale, FMI, BIB, BAD, Union Européenne, CEDEAO…) et de partenaires bilatéraux (France, Chine, USA, etc.) pour des financements concessionnels. Le cadre PPP ouvre des perspectives pour l’attraction d’investissements privés dans des secteurs stratégiques.
- Ressources Naturelles : Les secteurs minier et agricole offrent un potentiel fiscal et économique considérable. Une gestion optimale de cette rente, potentiellement via des fonds souverains, pourrait constituer une source de financement domestique stable et prévisible pour les investissements structurants, réduisant ainsi la dépendance aux financements extérieurs.
- Dividende Démographique : La jeunesse de la population guinéenne représente un atout majeur, pourvu que les investissements soient prioritairement orientés vers le développement du capital humain (éducation, santé, formation professionnelle et emploi).
- Faiblesses et Défis Structurels Majeurs : Les Goulots d’Étranglement Persistants
- Phase de Planification et de Programmation : Déconnexion et Irrationalité
- Désalignement PRI-SIGPIP-Budget : Le SIGPIP est souvent un « catalogue » de projets, déconnecté des capacités d’exécution réelles et des enveloppes budgétaires prévisionnelles. Une sélection rigoureuse basée sur des critères de rentabilité socio-économique et une analyse coût-bénéfice approfondie fait souvent défaut.
- Influence politique vs. Rationalité technique : La sélection des projets est fréquemment soumise à des pressions politiques ou régionales, aboutissant à des projets non optimaux ou éclatés, sans cohérence stratégique et financement complet, phénomène connu sous le nom de « saupoudrage ».
- Manque de Vision Pluriannuelle Intégrée : La planification est souvent annuelle, ce qui rend difficile la prévisibilité pour les projets pluriannuels et les partenaires financiers.
- Phase de Maturation et d’Évaluation Ex-Ante des Projets : Une Cause Fondamentale des Inefficacités
- Qualité Insuffisante des Études de Faisabilité : Les études techniques, économiques, financières, sociales et environnementales sont fréquemment incomplètes, précipitées ou de qualité médiocre. Cela conduit systématiquement à des sous-estimations des coûts et des délais, à des surestimations des bénéfices, et à une mauvaise anticipation des risques (fonciers, sociaux, environnementaux, financiers), générant retards, avenants coûteux et parfois des projets non viables.
- Faible Capacité d’Ingénierie de Projet : Les administrations souffrent d’un manque de personnel qualifié pour la rédaction de Termes de Référence (TDR) pertinents, la supervision effective des études, l’analyse critique des rapports techniques et la préparation de dossiers d’appel d’offres (DAO) de qualité.
- Problématiques Foncières Non Anticipées : La non-libération des emprises avant le début des travaux est une cause majeure de retards et de surcoûts, souvent liée à des cadastres imprécis, des processus d’indemnisation inadaptés ou contestés.
- Phase de Financement (en particulier pour les fonds extérieurs) : Les Verrous aux Décaissements
- Lenteur Exacerbée des Procédures de Mobilisation : Les administrations guinéennes éprouvent des difficultés à satisfaire dans les délais les « conditions préalables » des bailleurs de fonds (mise en place de structures, audits, validation de documents, etc.). La coordination interne est souvent déficiente, et la « culture projet » des bailleurs est insuffisamment maîtrisée.
- Problème Récurrent des Contreparties Nationales : L’État rencontre fréquemment des difficultés à mobiliser et à rendre disponibles les fonds de contrepartie requis par les bailleurs, soit par contraintes budgétaires, soit par lenteurs administratives dans les décaissements internes, bloquant de facto les décaissements des fonds extérieurs.
- Diversité et Complexité des Procédures Bailleurs : L’hétérogénéité des exigences des différents partenaires financiers (passation de marchés, décaissements, reporting) représente un défi d’adaptation pour l’administration guinéenne, rendant la coordination et l’harmonisation difficiles.
- Faible Visibilité et Prévisibilité : L’absence d’un système intégré de suivi des décaissements et de prévision des besoins en trésorerie liés aux projets financés par l’extérieur limite l’optimisation des flux.
- Phase d’Exécution et de Suivi : Les Défaillances Opérationnelles
- Lourdeurs et Manque de Transparence des Marchés Publics : En dépit des réformes, les procédures demeurent souvent longues (parfois excédant un an pour des projets importants), coûteuses et sujettes à des influences externes. Le manque de concurrence effective, l’absence de bases de données fiables sur les entreprises, et le faible suivi des contrats post-attribution génèrent des dépassements de coûts et des retards.
- Faibles Capacités de Gestion de Projet : Le personnel est souvent sous-qualifié, peu formé aux outils et méthodes modernes de gestion de projet (planification, suivi, gestion des risques, communication). Un turnover élevé nuit à la capitalisation des connaissances.
- Circuits de Décaissement Internes : Les processus de validation des ordres de paiement sont longs et complexes, générant des retards de paiement aux entreprises et aux consultants, impactant négativement l’avancement des travaux.
- Contrôle et Supervision Insuffisants : Le suivi physique et financier sur le terrain est souvent laxiste, favorisant les malfaçons, les détournements et la non-conformité des rapports d’activités à la réalité. L’ACGP, lorsqu’elle est sollicitée, manque parfois de moyens ou d’autorité pour imposer ses recommandations.
- Limitations des Entreprises Locales : Le tissu économique national manque d’entreprises de construction ou de services d’ingénierie capables de prendre en charge des projets d’envergure, entraînant une dépendance coûteuse vis-à-vis des entreprises étrangères et une faible valeur ajoutée locale.
- Phase d’Évaluation Ex-Post et de Capitalisation : Un Maillon Manquant Essentiel
- Quasi-Absence d’Évaluations Ex-Post Rigoureuses : Les projets sont rarement évalués de manière indépendante après leur achèvement, empêchant l’intégration systématique des leçons apprises des succès et des échecs passés dans la conception de futurs projets.
- Manque de Durabilité : La maintenance et l’opérationnalisation des infrastructures livrées sont souvent négligées, faute de budgets dédiés et de capacités techniques, entraînant une dégradation rapide des actifs.
- Gouvernance et Aspects Transversaux : Les Enjeux Sous-jacents
- Risque de Corruption et de Détournement : Endémique à toutes les étapes du cycle de projet, de la sélection à l’exécution et au paiement, la corruption constitue un frein majeur à l’efficacité des fonds et un obstacle à la confiance des partenaires.
- Manque de Transparence et de Redevabilité : L’accès à l’information sur les projets publics (coûts, contrats, avancement) est limité pour le public et les acteurs de la société civile.
- Faiblesse du Système de Suivi-Évaluation (S&E) Intégré : Absence d’un Système d’Information de Gestion des Projets (SIGP) centralisé et interopérable, rendant difficile la vision globale et la prise de décision éclairée.
- Coordination Interinstitutionnelle Défaillante : Le fonctionnement en silos des ministères et agences, avec des échanges d’informations et une collaboration limités, génère des duplications et des inefficacités.
- Instabilité Institutionnelle et Politique : Les changements fréquents de personnel clé et de structures perturbent la continuité des actions et l’accumulation d’expérience et d’expertise.
- Culture Administrative : Une culture de la bureaucratie, une faible délégation de pouvoir et une réticence au changement peuvent freiner les initiatives de réforme.
III. Propositions d’Améliorations Structurantes pour Optimiser l’Absorption des Fonds (notamment sur Financement Extérieur)
Pour transformer le potentiel en résultats tangibles, la Guinée doit s’engager dans une série de réformes profondes et coordonnées, ciblant l’ensemble du cycle des investissements publics.
- Renforcer Drastiquement la Phase de Planification et de Sélection des Projets :
- Institutionnalisation d’un Processus de Sélection Rigoureux : Mettre en place un « entonnoir de projets » formel et obligatoire, incluant l’identification, la pré-évaluation, la priorisation et l’approbation avant toute inscription au SIGPIP et au BND. Ce processus doit être basé sur des critères clairs (alignement PRI, impact socio-économique, viabilité technique et financière, analyse des risques, capacité d’exécution) et s’appuyer sur des études préliminaires validées.
- Établissement d’un Portefeuille de Projets Matures : Constituer une « Banque de Projets Matures » – un stock de projets dotés d’études complètes, d’évaluations environnementales et sociales validées, et d’accords fonciers sécurisés. Ce portefeuille serait immédiatement mobilisable pour les bailleurs de fonds ou les investisseurs privés dès l’apparition d’opportunités de financement. Ceci nécessite un fonds dédié à la préparation de projets.
- Rendre le SIGPIP Glissant et Réaliste : Limiter le nombre de projets inscrits au SIGPIP pour assurer son réalisme, exiger une meilleure estimation des coûts et des délais, et intégrer systématiquement le SIGPIP dans la programmation budgétaire pluriannuelle (DPBEP – Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle).
- Améliorer Radicalement la Qualité de la Préparation des Projets :
- Création d’un Fonds de Préparation de Projets (FPP) Autonome : Doter ce fonds de ressources prévisibles (par exemple, un pourcentage des investissements budgétisés, complété par des contributions des bailleurs) pour financer des études de faisabilité complètes, indépendantes et de haute qualité, réalisées par des consultants externes reconnus.
- Élaboration de Standards et Guides Méthodologiques : Développer et diffuser des guides méthodologiques nationaux pour la préparation des projets, les études d’impact environnemental et social (EIES), et les plans de réinstallation (PAR), en conformité avec les meilleures pratiques internationales.
- Renforcement des Capacités d’Ingénierie au sein des Ministères : Mettre en place ou renforcer des cellules d’ingénierie de projet au sein des ministères sectoriels, dotées de personnel qualifié pour la rédaction de TDR pertinents, la supervision des études et l’analyse critique des livrables.
- Optimiser la Mobilisation et la Gestion des Financements Extérieurs :
- Renforcement Structurel de l’Unité de Coordination de l’Aide au sein du MPCI/MEF : La transformer en un centre d’expertise et de facilitation doté de personnel senior, d’outils de suivi des conditionnalités et d’une autorité suffisante pour :
- Cartographier les exigences et procédures des principaux bailleurs.
- Coordonner la levée des conditions préalables aux décaissements avec les ministères concernés.
- Mettre en place des « Task Forces » inter-institutionnelles et pluridisciplinaires dédiées aux grands projets ou aux financements complexes pour accélérer les processus.
- Organiser des ateliers réguliers de formation aux procédures des bailleurs pour les administrations.
- Garantie de la Disponibilité Proactive des Contreparties Nationales : Inscrire obligatoirement les fonds de contrepartie dans le budget de l’État avec des lignes budgétaires dédiées et sécurisées. Mettre en place un mécanisme d’alerte précoce pour anticiper les besoins de trésorerie liés aux contreparties et assurer leur décaissement en temps voulu.
- Harmonisation des Procédures avec les Bailleurs : Poursuivre le dialogue avec les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) pour aligner leurs procédures sur les systèmes nationaux (approche « using country systems ») chaque fois que la qualité des systèmes nationaux est jugée suffisante, conformément aux principes d’efficacité de l’aide.
- Renforcement Structurel de l’Unité de Coordination de l’Aide au sein du MPCI/MEF : La transformer en un centre d’expertise et de facilitation doté de personnel senior, d’outils de suivi des conditionnalités et d’une autorité suffisante pour :
- Accélérer et Fiabiliser l’Exécution et le Suivi :
- Accroître l’Efficacité et l’Autorité de l’ACGP : Conférer à l’ACGP une véritable indépendance politique et budgétaire. Lui donner un mandat clair pour intervenir, émettre des injonctions et proposer des sanctions en cas de non-respect des règles ou de défaillance majeure dans la gestion des projets. La positionner comme un organe d’audit de performance et de qualité.
- Modernisation et Digitalisation des Marchés Publics (e-procurement) : (déploiement à grande échelle de l’outil TELEMO). Mettre en place des plateformes électroniques pour la publication des avis, la soumission des offres, la gestion contractuelle et le suivi des contrats. Cela augmentera la transparence, réduira les délais et favorisera une concurrence accrue.
- Professionnalisation de la Gestion de Projet : Instituer un programme national de certification des gestionnaires de projets publics. Envisager la création d’un corps de cadres spécialisés dans la gestion de projets, avec des incitations salariales et de carrière pour attirer et retenir les talents.
- Anticipation et Résolution des Problèmes Fonciers : Créer une cellule foncière interministérielle dédiée à la sécurisation des emprises et aux indemnisations avant le démarrage des travaux, avec des cadres juridiques clairs et des fonds dédiés pour les dédommagements justes et rapides.
- Simplification et Rationalisation des Circuits de Décaissements Internes : Réviser les procédures de validation des dépenses pour réduire les délais de paiement et assurer la fluidité de la trésorerie.
- Renforcement du Suivi Physique et Financier sur le Terrain : Déployer des équipes de contrôle indépendantes, utiliser des technologies innovantes (drones, géolocalisation) pour le suivi de l’avancement physique, et exiger des rapports financiers détaillés et audités régulièrement.
- Renforcer la Gouvernance, la Transparence et la Redevabilité :
- Rendre l’Information Publique Accessible : Créer un portail web unique (par exemple, « guinee-projets.gov.gn ») où seraient publiés les détails des projets (coûts, études, contrats, avancement, rapports d’audit, décaissements). Mettre en œuvre les principes de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) pour l’investissement.
- Autonomiser et Renforcer les Organes de Contrôle : Assurer une dotation budgétaire adéquate, une formation continue et une garantie d’indépendance pour la Cour des Comptes, l’IGE et l’ARMP. Veiller à l’application systématique de leurs recommandations et des sanctions.
- Implication de la Société Civile : Faciliter la participation des organisations de la société civile (OSC) et des communautés locales au suivi des projets, notamment ceux financés par les bailleurs, et mettre en place des mécanismes de plainte et de recours accessibles et efficaces.
- Lutte Active et Systématique contre la Corruption : Appliquer une politique de tolérance zéro, mener des enquêtes approfondies, appliquer rigoureusement les sanctions prévues par la loi et œuvrer à la récupération des fonds détournés.
- Développer et Pérenniser les Capacités Nationales :
- Investissement Massif dans la Formation Continue : Élaborer et déployer des programmes de formation certifiants en gestion de projet, passation de marchés, gestion financière publique, évaluation socio-économique, destinés aux fonctionnaires à tous les niveaux du cycle de projet.
- Mise en Place d’une Politique de Gestion des Carrières : Attirer, retenir et motiver les talents par la méritocratie, des parcours de carrière clairs et des rémunérations incitatives pour les postes clés de gestion de projet. Encourager le transfert de compétences des UGP vers les administrations permanentes.
- Capitalisation des Connaissances : Mettre en place un système de gestion des connaissances pour capitaliser sur les expériences passées, les bonnes pratiques et les leçons apprises.
- Améliorer la Coordination et l’Intégration :
- Renforcer le Système d’Information de Gestion des Projets (SIGPIP) Intégré : Un SIGPIP interopérable entre le MPCI, le MEF, les ministères sectoriels et l’ACGP, permettant un suivi en temps réel de l’avancement physique et financier de tous les projets d’investissement, y compris ceux financés par les bailleurs.
- Clarification des Rôles et Responsabilités : Revoir les mandats et les prérogatives de chaque institution pour éviter les chevauchements et les zones d’ombre, et promouvoir une culture de collaboration interministérielle.
- Renforcement de l’Opérationnalité des Comités de Pilotage : S’assurer que les comités de pilotage des grands projets sont fonctionnels, se réunissent régulièrement, prennent des décisions et en assurent un suivi rigoureux.
Vers une Réforme Holistique et un Engagement Soutenu
L’optimisation de l’absorption des fonds d’investissement publics en Guinée, et particulièrement ceux issus de financements extérieurs, ne peut être réduite à des mesures isolées. Elle requiert une réforme holistique et progressive de l’ensemble du cycle des investissements publics, de la planification stratégique à l’évaluation ex-post. Cette démarche doit impérativement être ancrée dans une volonté politique forte et durable, capable de transcender les changements de gouvernement et de résister aux pressions. Elle implique un renforcement massif des capacités humaines et institutionnelles, une modernisation des outils, une transparence accrue et une gouvernance exemplaire. La Guinée dispose d’un potentiel de développement considérable. La concrétisation de ce potentiel dépendra intrinsèquement de sa capacité à transformer ces défis en opportunités, à travers une gestion rigoureuse, transparente et efficace de ses investissements publics.
Mohamed camara
Cabinet MOCAM