Bis repetita. La puissante Primature Kassory vient d’adresser aux ministres économiques le cadrage pour l’élaboration du budget de l’année 2020.
On se souvient que l’année dernière, le Premier ministre avait élaboré un cadrage pour le budget 2019, qui avait fait beaucoup de bruits, à travers en particulier la coupe de 20% opérée dans les budgets de fonctionnement de tous les départements, y compris, d’ailleurs, la Primature.
Cette année, les orientations fixées par le Premier ministre sont de plus grande ampleur et particulièrement sophistiquées. Dans les milieux économiques et financiers, il est reconnu quasi unanimement que le cadrage budgétaire 2020 est techniquement et politiquement robuste.
Dans ses grandes lignes, les orientations du Premier ministre sont articulées autour de quatre axes : la stabilité macroéconomique et le respect des engagements internationaux ; la croissance économique inclusive ou le partage de la prospérité ; la transparence budgétaire et la gestion efficiente des finances publiques ; l’amélioration du cadre de vie de la ville de Conakry ; et le renforcement de l’état de droit et la consolidation de la démocratie.
Stabilité macroéconomique et respect des engagements internationaux
Comme pour le cadrage pour le budget 2019, le PM Kassory insiste sur le respect du programme avec le FMI, dans le cadre de la facilité élargie de crédit (FEC).
Le Dr Kassory demande également d’augmenter les crédits des secteurs prioritaires de l’éducation, de la santé et de l’agriculture, pour respecter les engagements pris par la Guinée auprès de l’Union européenne de consacrer 15% de ses dépenses budgétaires à l’éducation et la santé, ainsi que l’engagement pris auprès de l’Union africaine de consacrer 10% des dépenses budgétaires à l’agriculture.
Pour tenir cet équilibre, le cadrage de la Primature exige de stabiliser les dépenses de fonctionnement, qui portent sur les masses budgétaires les plus élevées, à leur niveau de la loi de finances rectificative de 2018 (qui avait réduit le niveau de ces dépenses).
Croissance économique inclusive et partage de la prospérité
Le partage de la prospérité, la priorité des priorités du Gouvernement Kassory, reste le cœur du cadrage.
Comme il l’avait indiqué dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre constate que l’extrême pauvreté a atteint des niveaux insupportables en Guinée (60% de la population guinéenne vivent dans la pauvreté, voire 65% dans les zones rurales), alors que la croissance économique est présente depuis des années et que ses effets ne sont pas perçus par les Guinéens.
L’Agence nationale d’inclusion économique et sociale (ANIES), qui dispose de 87 milliards de francs guinéens en 2019 (9,5 millions de dollars), devrait voir son budget augmenter significativement en 2020 (130 milliards de francs guinéens). Il faut noter que, selon nos informations, l’ANIES va commencer ses activités de redistribution ce mois d’octobre 2019. Il faut noter également que l’ANIES est une innovation guinéenne, car aucun pays n’a ce modèle d’inclusion économique et sociale et aucun pays en Afrique ne consacre autant de moyens financiers (en pourcentage de PIB) à la problématique de l’inclusion économique et sociale.
Fait anodin de ce cadrage, les anciennes gloires du sport et de la culture en Guinée se voient allouer un montant mensuel de 5 millions de francs guinéens, pour améliorer leurs difficiles conditions de vie. Hafia 77, les ballets nationaux (Djoliba, ballets africains) et les orchestres nationaux (Bembeya Jazz, Keletigui, etc.) sont tous concernés.
Transparence budgétaire et gestion efficiente des finances publiques
La mobilisation des ressources internes, un autre désormais point fort de la politique du Président de la République et du Premier ministre, est placée au cœur de la politique économique nationale. On se souvient, le Président de la République a créé en janvier 2019, la Mission d’appui à la mobilisation des ressources internes (MAMRI), qui, selon les informations qui filtrent, devrait être mise en place ce mois d’octobre 2019.
L’objectif fixé est d’augmenter de 2% de PIB le niveau de la mobilisation des ressources internes qui est très faible en Guinée (13% de PIB, alors que la moyenne de la sous-région est de 18% de PIB). Le PM Kassory demande une augmentation de 20% des objectifs de la Direction nationale des impôts et des douanes. Le Président Alpha Condé, quant à lui, voudrait même que cet objectif soit de 25% de PIB.
Le cadrage 2020 met également l’accent sur la transparence, qui est un point faible du budget guinéen, en exigeant de renforcer la prévisibilité de l’exécution et en demandant de faire la lumière sur les obligations fiscales du secteur minier guinéen. Désormais, au moins 70% des crédits convenus avec les ministères dans le budget devront leur être effectivement donnés, contrairement à la pratique actuelle, qui voient certains ministères ne pas pouvoir effectivement accéder aux crédits pourtant inscrits à leur budget.
Renforcement de l’état de droit et consolidation de la démocratie
Une innovation du cadrage de la Primature concerne l’accent mis sur l’état de droit et la démocratie. Le PM exige de sécuriser les budgets des institutions républicaines (Assemblée nationale, Cour des comptes, Médiateur de la République et Conseil économique et social), de renforcer les moyens budgétaires de la Commission électorale nationale indépendante et des administrations régaliennes (armée, police et justice).
La raison invoquée est de mieux préparer les échéances politiques de l’année 2020.
Amélioration du cadre de vie de la ville de Conakry
Dernière nouveauté, il sera créé pour l’année prochaine un Fonds pour l’amélioration du cadre de vie de la ville de Conakry. Ce fonds sera financé par un pourcentage des ressources venant de la pêche, du port autonome de Conakry, de l’aéroport et de la douane. Il servira à réaliser divers travaux dans la capitale tels que le pavage des rues, l’éclairage public, l’entretien des voiries et des marchés.
Ce cadrage confirme le changement de paradigme dans la construction du budget guinéen. Le Conseiller Spécial du PM Kassory chargé de l’économie, des finances et du budget, M. Ansoumane Camara, déclarait récemment que « le budget est un acte politique. Ça n’est pas simplement des chiffres renseignés dans un tableau excel ».
Car, désormais, c’est l’échelon politique, le Président de la République et le Premier ministre, qui indiquent aux services les grands équilibres à tenir pour l’utilisation des moyens financiers de l’État. On s’en souvient, le locataire du Palais de la Colombe y déclarait que « nulle part au monde, il ne serait convenable que l’administration des choses prenne le pas sur le gouvernement des hommes. La finalité de l’action administrative, c’est de mettre en œuvre la volonté politique. »
Nous y reviendrons…