Émergence – Le ministre de l’Économie et des Finances, Mourana Soumah, a résilié le 20 août un Mémorandum d’Entente qu’il a lui-même signé au nom du gouvernement avec une société singapourienne. L’accord prévoyait un prêt mirobolant de 2 milliards de dollars en faveur de la Guinée en cinq ans.
L’invraisemblable deal n’aura tenu que quatre jours. Quatre jours durant lesquels ses signataires et négociateurs ont caressé l’espoir de voir le tout nouveau partenaire accorder à la Guinée un prêt de 2 milliards de dollars, à taux zéro.
Signé le 16 août courant par le ministre de l’Economie Mourana Soumah et le PDG de la société Chinggis Khaan PTE Ltd Hé Cong, au nom du Consortium Seesea, le MOU donnait au consortium dont les tentacules s’étendent entre le Singapour, la Banque nationale d’investissements de Mongolie et Powerchina, la possibilité d’investir le fonds dans des infrastructures ciblées. Le plan de décaissement prévoyait 100 millions de dollars en décembre 2024, 200 millions de dollars en 2025, 400 millions de dollars en 2026, 500 millions de dollars en 2027 et 800 millions de dollars en 2028.
La remboursement devait s’étaler sur 13 ans, entre 2027 et 2040. Autrement dit, il devait commencer l’année à laquelle la société s’engageait à libérer la quatrième tranche de son prêt sans intérêt, soit 500 millions de dollars.
Une lecture avec minutie des termes du mémorandum permet de comprendre que l’Île de Kassa devait passer à un statut de paradis fiscal. Et pour ce faire, chaque partie devait jouer un rôle distinct.
Le Consortium Seesea s’engageait à créer « une Banque offshore » dénommée Seesea Banque. Il lui revenait aussi de créer des infrastructures nécessaires sur l’Île.
Pour sa part, le gouvernement guinéen s’engageait à faire de Kassa « la zone économique spéciale offshore la plus compétitive en termes de politiques fiscales ». Ce statut particulier de l’Île devait lui permettre d’être régie par des lois spéciales. L’Etat s’était engagé à faire ses « meilleurs efforts pour créer un environnement juridique et sécuritaire dans la zone franche » de Kassa. « Le gouvernement s’engage à accorder au Consortium et Seesea Banque une priorité des négociations avec les autorités compétentes sur le développement des projets miniers de fer, bauxite et or. Cela concerne les projets à exploiter, partiellement exploité, suspendu et disputé », peut-on lire dans le Mémorandum d’Entente.
Justement, dans le cadre de cette coopération dans le secteur minier, il était prévu que le Consortium se concentre sur le « soutien à l’exploitation minière de la Guinée ». Spécifiquement, il devait se focaliser sur des minerais comme le fer, la bauxite, le nickel, l’uranium. Il avait le feu vert de s’intéresser à la construction d’infrastructures telles que les chemins de fer, l’énergie électrique, les routes, ainsi qu’au développement des projets agricoles modernes et à la sécurité nationale.
Le prêt supposé être sans intérêts devait durer 17 ans. Au moins 50% étaient destinés aux projets classés « priorité présidentielle. »
C’est donc cet accord qui frise l’utopie qui est résilié depuis le 20 août. Une correspondance du ministère de l’Économie et des Finances signée au nom du ministre par son Secrétaire général, Dr Mamoudou Touré, accuse Hé Cong, PDG de la société Chinggis Khaan PTE Ltd, d’avoir communiqué sur l’accord sans l’approbation écrite de la partie guinéenne. « Le Ministère de l’Économie et des Finances a été surpris de découvrir dans les lignes éditoriales de la presse guinéenne, une large communication faite par vos soins autour des termes de ce Mémorandum. Cet agissement est, manifestement, une violation de l’article 9 dudit Mémorandum », fulmine-t-il dans la missive pour justifier la résiliation du Mémorandum d’Entente. « Tirant les conséquences de droit de cette violation et en s’appuyant sur l’article 8 dudit mémorandum, le Ministère de l’Économie et des Finances vous prie de prendre acte de sa résiliation. Également, le Ministère en charge de l’Économie et des Finances de la Guinée déclare nul et de nul effet, l’ensemble des termes du mémorandum et, par la même occasion, vous invite à retirer toutes les communications faites à cet effet », ajoute-t-il.
Tout porte à croire qu’en dépit de cette résiliation, la partie est loin d’être terminée. Puisque le MOU ne peut prendre fin que dans les trente jours après la réception de l’avis de résiliation. Par ailleurs, selon ses termes, chacune des parties peut saisir la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage CCJA d’Abidjan en cas de résiliation qu’elle estime abusive.
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