Télécoms : les nouvelles mesures de la junte vont coûter très cher à l’État guinéen

Emergence – En Guinée, le gouvernement de la transition a annoncé jeudi 27 janvier, son intension de supprimer la facturation des communications des consommateurs vers les centres d’appels des opérateurs téléphoniques.

 

Officiellement, la décision entre en vigueur à partir du 1er février 2022. En plus de cette mesure, le président de la transition, Colonel Mamadi Doumbouya, a donné son quitus pour une réduction du tarif d’interconnexion et une suppression de la redevance sur le trafic ON-NET.

Le but visé, selon le Porte-parole du gouvernement, est de « permettre aux opérateurs de renouer avec les activités d’octroi de bonus aux consommateurs. Derrière la nouvelle décision, il s’agit  aussi de favoriser la relance du trafic, selon le gouvernement.

Au lendemain de l’annonce, l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) est revenue à la charge pour expliquer les enjeux de cette décision.

Dans un communiqué, l’institution a estime que la suppression des appels des consommateurs vers les opérateurs est l’une des obligations contenues dans les cahiers de charge des compagnies.

Le régulateur précise aussi que la réduction des tarifs d’interconnexion qui devra passer de 660 francs à 540 francs pour Orange et de 600 francs à 480 francs guinéens pour MTN et Cellcom relève des obligations des cahiers de charge.

Enfin, s’agissant du troisième point, l’ARPT ajoute que la redevance sur le trafic On-net ou intra-réseau instituée en mars 2021 et fixée à 20 francs guinéens la minute va aussi être annulée pour permettre aux compagnies d’accorder des bonus aux consommateurs.

L’objectif de toutes ces mesures, selon l’Autorité de régulation de postes et télécommunications, est de « soulager et satisfaire les consommateurs » sur des points qui ont déjà entrainé des remous sociaux. Il s’agit aussi, pour l’institution, de booster le trafic des appels.

Si la décision peut paraître salvatrice, il convient cependant de se poser la question sur son opportunité dans un contexte marqué principalement par l’absence d’aides extérieures et la baisse des recettes de l’Etat du fait du ralentissement de l’activité économique.

Le secteur des télécoms reste un des plus résilients de l’économie guinéenne. Les revenus du secteur sont en progression constante.

Au troisième trimestre de 2021, les opérateurs déclaraient 1 703,7 milliards de francs guinéens, soit une hausse de 18% en comparaison à la même période un an plutôt.

Aussi, si le trafic voix enregistré dans ce même trimestre totalisait 3,495 milliards de minutes, celui On-net était de 3,198 milliards de minutes, soit plus de 91% du trafic voix total. Le tout pour 15 millions d’abonnées, soit un taux de pénétration globale de 117,3%.

En un mot comme en mille, le secteur de la téléphonie mobile se porte bien. Sinon très bien. Dans ces conditions, comment décider de renoncer à des redevances qui renfloueraient les caisses de l’Etat par ces temps de crise ?

Dans le secteur des télécoms, l’incompréhension est perceptible et fondée. Les spécialistes ne comprennent toujours pas la nécessité d’une telle décision à forts relents populistes.

D’ailleurs, l’ex directeur général adjoint de l’ARPT Mamy Diaby est de ceux qui estiment inopportune la mesure des nouvelles autorités du pays et du régulateur du secteur de la poste et des télécoms. « On se priverait d’un minimum de 240millilards/an déjà acquis en cadeau fiscal à des multinationales pour leur stratégie commerciale et marketing dans un secteur porteur de croissance, et ce, à un moment où nous avons plus besoin de ressources endogènes. Quelle est l’opportunité? », commente-t-il sur Twitter.

Samuel Camara