Quelles arrière-pensées derrière la suspension de 1XBET et YellowBET ? (Tribune)

Sauf changement de dernière minute, les sociétés de jeu que sont 1XBET et YellowBET ne devraient pas continuer à exercer à partir du lundi 1er janvier 2024. Sur la foi d’un certain nombre de griefs qu’elle leur impute, l’Autorité de régulation du secteur des jeux et pratiques assimilées (ARSJPA), à travers son directeur général, Mamoudou Cissé, leur a notifié la décision de suspension avec un courrier en date du 22 décembre dernier.

Sauf que certains des manquements mis en avant sont loin d’être évidents. Au point qu’on peut se demander si derrière cette liquidation annoncée des deux sociétés, il n’y a pas d’autres objectifs moins avouables.

Mais avant d’en venir aux accusations que le régulateur formule contre les sociétés, il importe de relever de la part du Directeur général de l’ARSJPA ce qui, de toute évidence, est une usurpation de prérogatives. Dans toutes ses décisions, Mamoudou Cissé se prévaut du décret de création de l’Autorité. Or, de ce décret, il ressort que c’est le Conseil d’administration – pas encore mis en place – qui a le pouvoir de décision. « Le Conseil d’Administration est l’organe d’orientation et de décision de l’Autorité de régulation du secteur des jeux et pratiques assimilées. Il est saisi de toute question intéressant la bonne marche de l’ARSJPA et règle par ses délibérations les questions qui la concernent. Il peut procéder aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns », peut-on en effet lire à l’article 8 du décret du 28 janvier 2023. En ce qui concerne les prérogatives du Directeur général, l’alinéa 2 de l’article 35 dispose : « Le Directeur général dirige, anime, coordonne et contrôle l’ensemble des activités de l’ARSJPA ».

Pour en revenir maintenant aux griefs, il faut dire qu’un des manquements que le régulateur impute aux deux sociétés, c’est le fait de ne pas s’acquitter de leurs taxes fiscales. Or, sur cette question, les divergences entre les opérateurs dans leur ensemble et le régulateur ne datent pas d’aujourd’hui. Par le passé, quand ils dépendaient de la Loterie nationale de Guinée (LONAGUI), ces taxes, ils les versaient aux impôts. Mais à sa nomination à la tête de l’ARSJPA, Mamoudou Cissé a unilatéralement exigé qu’elles soient versées à son niveau. Ce que les opérateurs ont contesté, estimant que le régulateur ne peut percevoir que les redevances se rapportant aux licences. Face au blocage, la Direction générale des impôts a été sollicitée. Via un courrier adressé à un des opérateurs à la date du 30 octobre dernier, le Directeur général adjoint des impôts, indiquait ainsi qu’il suit : « Au regard des dispositions du CGI (Code général des impôts), il est à retenir que le législateur guinéen a conféré à l’administration fiscale le pouvoir de percevoir la taxe sur les jeux de hasard ». Conséquence, poursuivait Dan Lamah : « Je vous demande de bien vouloir procéder à la déclaration et au paiement du montant de ladite taxe par e-tax au compte du Receveur Spécial des impôts ». Donc, la perception des taxes sur les jeux ne revient nullement à l’ARSJPA.

Et dans le cas du Directeur général de l’autorité de régulation, il était d’autant plus risqué pour les opérateurs de jeu de lui verser les taxes en question que celles-ci devaient être déposées dans des comptes ouverts par lui dans des banques commerciales de la place. Dans de telles conditions, qu’est-ce qui garantissait que les fonds en question iraient à leur véritable destination ? Là est la question.

L’autre grief dont se prévaut le Directeur général de l’ARSJPA, c’est le refus des deux sociétés de mettre leurs données techniques à la disposition d’un nouvel opérateur recruté par le régulateur, en vue du monitoring des activités de jeu. Là aussi, le mot « refus » est employé à des fins de manipulation. Car, nous dit-on, les sociétés n’ont nullement refusé. « Ou plutôt, si on accepte le terme ‘’refus’’, il faut dire que celui-ci était bien motivé. Les sociétés ont fourni des arguments plutôt recevables, si on est de bonne foi. Elles disent qu’elles ne sont pas prêtes à livrer leurs données à un opérateur sur lequel elles n’ont aucune information et dont elles ne connaissent pas les conditions de recrutement », nous souffle un observateur qui suit de près le bras-de-fer. Notre source, relayant la position des deux opérateurs ciblés, fait remarquer dans la foulée que dans le milieu des jeux de hasard, les données – notamment celles personnelles des parieurs – sont d’une telle sensibilité qu’elles sont soumises à des conditions de protection strictes.

Il est ici aisé de constater que l’idée de la suspension brandie par le Directeur général de l’ARSJPA a quelconque d’excessif. A moins que ce ne soit là un prétexte pour fermer ces sociétés-là, afin de faire de la place à d’autres. Justement, le véritable mobile de la surinterprétation de ces divergences somme toute normales résiderait dans la volonté du patron de l’ARSJPA de faire advenir d’autres acteurs dans le secteur. Ce qui inclinerait à nourrir des doutes sur les relations entre ces nouveaux acteurs et le régulateur.

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