L’exécution du budget de l’État est bien plus qu’une simple formalité administrative ; elle représente un baromètre essentiel de la santé économique et sociale d’un pays. En Guinée, le titre 3 du budget, qui se concentre sur les achats de biens et services, joue un rôle crucial car il prévois et autorise les moyens qui permettent à l’administration publique de fonctionner. Entre 2021 et 2024, cette période a été marquée par les premières années de la gouvernance du Comité National de Rassemblement pour le Développement CNRD qui a initié quelques réformes budgétaires et ajustements face à des défis économiques croissants, et une volonté affirmée d’optimiser la gestion des ressources publiques.
Cette étude comparative se penche sur l’évolution des dépenses allouées à ce titre, révélant non seulement des progrès significatifs dans l’exécution des budgets, mais aussi des obstacles qui continuent de freiner une gestion efficace. En analysant les chiffres et les tendances, nous mettrons en lumière les implications de ces évolutions pour la qualité des services publics et la transparence des procédures d’achat.
Préparez-vous à plonger dans une réflexion approfondie qui pourrait non seulement redéfinir les pratiques budgétaires de demain, mais également contribuer à une meilleure gouvernance et à un développement durable pour la Guinée. En scrutant les mécanismes de financement et d’exécution, nous espérons susciter un débat constructif autour des meilleures pratiques à adopter pour un avenir économique plus solide et inclusif.
Cadre Légal et Réglementaire
- Loi Organique Relative aux Finances (LORF) :
- Règlement Général de la Gestion Budgétaire et de la Comptabilité Publique (RGGBC) :
- Le décret portant cadre de gouvernance financière de l’état et l’ensemble des textes réglementaires des finances publiques en Guinée
Méthodologie
Pour réaliser cette étude comparative, les données suivantes ont été collectées et analysées :
- Les budgets initiaux et les budgets révisés pour les années 2021, 2022, 2023 et 2024.
- Les rapports d’exécution budgétaire annuels.
- Les audits et rapports de contrôle interne et externe.
- Les rapports des institutions de contrôle financier, telles que la Cour des Comptes et l’Inspection Générale des Finances.
Analyse Comparative
- Évolution des Dépenses du Titre 3 :
- 2021:
-
-
- Loi de finance initiale : 3 926 487 248 445 GNF
- Loi de finance rectificative : 3 637 055 255 921 GNF.
- Rapport sur l’exécution annuelle du budget de l’État, exercice 2021 : Sur un objectif de la LFR de 3 637,06 Mds, il a été exécuté au titre des dépenses de biens et services, un montant de 1 976,74 Mds, soit un taux d’exécution de 54,35%.
- 2022 :
- Loi de finance initiale : 3 161 500 000 000 GNF
- Loi de finance rectificative : 3 450 095 462 203 GNF
- Rapport sur l’exécution du budget à fin septembre 2022 : Les dépenses de biens et services ont été payées à hauteur de 1 336,11 Mds de GNF contre un objectif de 2 335,87 Mds de GNF de la période, soit un taux d’exécution de 57,20%.
- Les paiements concernent les rubriques ci-après :
- Dépenses diverses : 539,26 Mds de GNF (40,36%)
- Achat de carburant et lubrifiant : 243,43 Mds de GNF (18,22%)
- Fourniture de services : 155,66 Mds de GNF (11,65%)
- Achat de fournitures et biens spécifiques : 127,76 Mds de GNF (9,56%)
- Frais de déplacement : 91,78 Mds de GNF (6,87%)
- Consommation eau, électricité et télécom : 89,06 Mds de GNF (6,67%)
- Achat de fournitures biens courant : 39,55 Mds de GNF (2,96%)
- Frais de représentation et de manifestations : 25,55 Mds de GNF (1,91%)
- Entretien et réparation : 24,06 Mds de GNF (1,80%)
- Les dépenses de biens et services prises en charge par les comptables publics se situent à 2 277,63 Mds de GNF.
- 2023 :
- Loi de finance initiale : 3 977 942 307 640 GNF
- Loi de finance rectificative : 4 116 862 937 232 GNF
- Rapport sur l’exécution du budget à fin septembre 2023 : Les dépenses de biens et services ont été payées à hauteur de 1 570,78 Mds de GNF contre un objectif du plan d’engagement de 1 987,61 Mds de GNF, soit un taux d’exécution de 79,03%. Cette exécution rapportée à la prévision en LFR de 4 231,76 Mds de GNF, représente 37,12%.
- Les paiements concernent les rubriques ci-après :
- Dépenses diverses : 553,74 Mds de GNF (35,25%)
- Achat de carburants et lubrifiants : 281,60 Mds de GNF (17,93%)
- Frais de déplacement : 154,56 Mds de GNF (9,84%)
- Consommation eau, électricité télécom : 140,60 Mds GNF (8,95%)
- Fournitures de services : 137,13 Mds GNF (8,73%)
- Entretien et réparation : 114,15 Mds GNF (7,27%)
- Achat de fournitures et biens courants : 75,54 Mds GNF (4,81%)
- Frais de représentation et de manifestations : 67,43 Mds GNF (4,29%)
- Achat de fournitures et biens spécifiques : 46,02 Mds GNF (2,93%)
- Les dépenses de biens et services prises en charge par les comptables publics se situent à 2 856,89 Mds de GNF.
- 2024 :
- Loi de finance initiale : 3 994 188 355 902 GNF
- Loi de finance rectificative : 4 306 870 248 983 GNF
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- Tendances Observées :
2021 : Ajustements budgétaires et sous-exécution
En 2021, le budget initial pour les achats de biens et services était élevé à 3 926 487 248 445 GNF. Cependant, la loi de finances rectificative l’a ramené à 3 637 055 255 921 GNF, soit une réduction de près de 300 milliards. Malgré cela, les dépenses réelles n’ont atteint que 1 976,74 milliards, soit un taux d’exécution de seulement 54,35% par rapport à la LFR. Cela s’explique probablement par des difficultés d’exécution et une surestimation initiale des besoins.
2022 : Augmentation des crédits et amélioration du taux d’exécution
En 2022, le budget initial a été réduit à 3 161 500 000 000 GNF, mais la LFR l’a porté à 3 450 095 462 203 GNF, soit une augmentation de près de 300 milliards. Les dépenses réelles se sont élevées à 1 336,11 milliards à fin septembre, représentant 57,20% des crédits ouverts sur la période. Bien que le taux d’exécution soit en progression par rapport à 2021, il reste modéré, indiquant des marges d’amélioration dans la gestion des crédits.
2023 : Forte hausse des crédits et meilleure exécution
Pour 2023, le budget initial a été relevé à 3 977 942 307 640 GNF, puis porté à 4 116 862 937 232 GNF en LFR, soit une augmentation substantielle. Les dépenses atteignaient 1 570,78 milliards à fin septembre, représentant 79,03% des crédits engagés sur la période et 37,12% de la LFR. Bien que le taux d’exécution soit en nette amélioration, il reste en deçà des objectifs, soulignant la nécessité de poursuivre les efforts pour optimiser l’utilisation des crédits.
2024 : Poursuite de l’augmentation des crédits
Pour 2024, le budget initial est fixé à 3 994 188 355 902 GNF, puis relevé à 4 306 870 248 983 GNF en LFR, confirmant la priorité accordée aux achats de biens et services. Cette tendance haussière vise à répondre aux besoins croissants de l’État et à améliorer la qualité des services publics. Cependant, l’exécution effective de ces crédits reste un défi à relever dans les années à venir.
- Défis et Problèmes Rencontrés :
- Retards dans les Procédures d’Achat : Des retards ont été constatés dans les procédures d’achat, affectant l’exécution des dépenses. Ces retards sont souvent dus à des procédures administratives de passations de marchés complexes et à des délais de validation prolongés.
- Manque de Capacité des Agents : Un manque de formation et de capacité des agents chargés des achats a été identifié comme un obstacle majeur. Les agents manquent souvent de compétences techniques et de connaissances sur les meilleures pratiques en matière d’achats publics.
- Problèmes de Transparence : Des lacunes dans la transparence des procédures d’achat ont été relevées, nécessitant des améliorations. La transparence est essentielle pour garantir l’équité et la concurrence dans les marchés publics.
- Améliorations et Réformes :
- Renforcement des Capacités : Des programmes de formation ont été mis en place pour renforcer les capacités des agents. Ces programmes incluent des formations sur les procédures d’achat, les techniques de négociation et les meilleures pratiques en matière de gestion des marchés publics.
- Digitalisation des Procédures : L’introduction de systèmes numériques pour la gestion des achats a permis une meilleure traçabilité et transparence. Les systèmes numériques permettent une gestion plus efficace des données et une réduction des erreurs humaines.
- Renforcement du Contrôle Interne : Des mécanismes de contrôle interne ont été renforcés pour assurer une meilleure gestion des dépenses. Le contrôle interne permet de détecter et de corriger les anomalies en temps réel, améliorant ainsi l’efficacité des procédures d’achat.
Recommandations
- Continuer le Renforcement des Capacités : Poursuivre les programmes de formation pour les agents chargés des achats. Les formations doivent être régulières et adaptées aux évolutions des pratiques et des technologies.
- Améliorer la Transparence : Mettre en place des mécanismes de transparence accrus pour les procédures d’achat. La transparence doit être intégrée à toutes les étapes du processus d’achat, de la sélection des fournisseurs à la livraison des biens et services.
- Renforcer le Contrôle Interne et Externe : Assurer un contrôle rigoureux pour garantir une exécution efficace et conforme aux normes. Le contrôle interne doit être complété par des audits externes réguliers pour garantir l’intégrité des procédures d’achat.
- Optimiser les Systèmes Numériques : Continuer à développer et à optimiser les systèmes numériques pour la gestion des achats. Les systèmes numériques doivent être interopérables et intégrés aux autres systèmes de gestion financière de l’État.
- Promouvoir la Collaboration Interinstitutionnelle : Encourager la collaboration entre les différentes institutions de l’État pour une meilleure coordination des achats publics. La collaboration permet de partager les meilleures pratiques et de mutualiser les ressources.
- Renforcer la Communication et la Sensibilisation : Mettre en place des campagnes de communication et de sensibilisation pour informer les agents et les fournisseurs sur les procédures d’achat et les obligations de transparence. La sensibilisation permet de créer un environnement propice à une gestion efficace des achats publics.
En conclusion, cette étude comparative souligne les avancées et les obstacles rencontrés dans la gestion des achats de biens et services pour l’État de la Guinée entre 2021 et 2024. On observe une tendance positive avec une augmentation des crédits budgétaires alloués au titre 3 et une amélioration des taux d’exécution des dépenses, ce qui témoigne d’une volonté d’investir davantage dans les infrastructures et les services publics. Cependant, des défis subsistent, notamment des retards dans les procédures d’achat, un manque de formation des agents et des lacunes en matière de transparence, qui entravent une exécution optimale des dépenses.
Pour surmonter ces défis, plusieurs réformes ont été mises en place, telles que le renforcement des capacités des agents, la digitalisation des procédures et l’amélioration du contrôle interne. Ces initiatives sont essentielles pour garantir une gestion plus efficace des finances publiques. Les recommandations formulées, qui incluent la poursuite des efforts de formation, l’amélioration de la transparence et le renforcement des mécanismes de contrôle, offrent une feuille de route pour optimiser les achats de biens et services. En mettant en œuvre ces mesures, la Guinée peut non seulement améliorer la qualité de ses services publics, mais également favoriser un développement économique durable et inclusif.
Mohamed Camara
Chroniqueur à Emergencegn