Sans clientèle et donc sans revenus consistants, les exposants du Village artisanal, à N’Zérékoré, prennent leur mal en patience en attendant les jours meilleurs. Ils disent vivre d’espoir.
La trentaine d’artisans et exposants du Centre artisanal de N’Zérékoré, dans la Forêt du 1er Mai, cherche clients pour ses œuvres d’arts. Composés de sculpteurs, de teinturiers, de confectionneurs de sacs en raphia, ces artisans passent le clair de leur temps à entretenir des œuvres d’arts dont certains attendent preneurs depuis belles lurettes. L’heure n’est pas à l’affluence aux portes des 8 salles d’expositions de ce centre.
Mamady Koma, exposant sait dépeindre la situation de leurs galléries. « Nous passons les journées à faire la sieste si nous ne sommes pas dans les ateliers de teinture et de sculpture. Généralement nos clients sont des expatriés, mais le hic est que la Guinée forestière ne reçoit plus de touristes ».
Pour ce sculpteur et formateur de jeunes basketteurs à ses heures perdues, les voyants sont au rouge. Le village artisanal de N’Zérékoré se meurt à petit feu. « Nous fabriquons de nombreuses œuvres d’art, mais il n’y a pas d’achats. Plus grave encore, l’Etat nous a oubliés », se lamente Koma.
Les tenanciers des galléries pointent l’absence de touristes étrangers et l’inexistence d’un tourisme local dynamique pour justifier leur traversée du désert.
« Nous attendons patiemment que le tourisme soit redynamisé car pour l’instant le pays est fermé », renchérit Sidiki Traoré, un autre sculpteur. « Je ne saurais estimer nos revenus dans la mesure où nous pouvons faire deux mois sans vendre un porte-clés. Les plus chanceux ne peuvent vendre qu’une statuette dans cet intervalle de temps », nuance-t-il.
La situation est beaucoup plus reluisante chez la coopérative des confectionneurs de sacs en raphia. La dizaine de membres, tous des hommes, se frotte les mains bien qu’il soit difficile pour eux d’évaluer les revenus engrangés dans leur activité. Les sacs dont les prix varient entre 35.000 et 65.000 francs guinéens pour les dames, et 50.000 à 150.000 francs guinéens pour les hommes, s’arrachent en ce moment. « Les clients étaient très rares à un moment mais depuis 2018 nous en recevons beaucoup», se réjouit le président de l’association Siba Haba.
Mais dans l’ensemble, les exploitants du Centre artisanal ont en commun, l’impression d’être abandonnés par l’Etat. Ils reçoivent les promesses des ministres qui se succèdent à la tête du département en charge de l’Hôtellerie, du Tourisme et de l’Artisanat pour autant les conditions demeurent inchangées.
Privés de subventions et de fonds revolving, ils n’ont pas également la chance de participer aux expositions nationales et internationales.
« Le gouvernement doit nous aider en nous informant de la tenue des forums internationaux aussi bien en Guinée qu’à l’étranger. Il doit faire aussi des commandes de sacs à l’occasion des conférences qu’il organise », préconise Gnankoye Billy Loua de la Coopérative de raphia.
Le sculpteur Mamady Koma souhaite recevoir des informations régulières sur les foires artisanales. « Nous apprenons souvent par les medias qu’il y a des expositions ici et là mais nous ne recevons pas même un simple courrier pour savoir si nous sommes intéressés. Alors que notre souhait est de participer à ces évènements et de représenter valablement la Guinée », ajoute-t-il. « Le gouvernement doit faire face à l’artisanat. La Guinée a de la chance d’avoir des artisans courageux et qualifiés », conclut-il.
Par Samuel Camara, Envoyé spécial (In Émergence Magazine N°04 – Juin 2019)