Mines : le diagnostic de Kémoko Touré, ancien Directeur Général de la CBG

Emergence – Ancien directeur général de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), Kémoko Touré a donné son point de vue mardi 1er novembre sur la politique minière de la Guinée et la Loi sur le contenu local récemment adoptée par le pays.

En animant à Conakry un panel institué « Comment les mines vont développer la Guinée à travers le contenu local », celui qui a désormais la casquette d’expert sur les mines a indiqué qu’un tiers des recettes de l’Etat guinéen et 78% des exportations du pays proviennent des mines.

« Ça signifie qu’on n’exporte rien d’autre. C’est un facteur de notre appauvrissement structurel », a-t-il relevé, ajoutant que les mines représentent 18 % du PIB de la Guinée en 2021.

« Voyons la Côte d’Ivoire par exemple. La production agricole se trouve autour de 60 %. Les mines représentent à peu près 5 % alors nous nous sommes à 18%. Donc si vous vous interrogez sur la pauvreté structurelle de la Guinée, voilà si vous voulez deux chiffres qui vous disent pourquoi. Mais cela ne veut pas dire que les mines ne sont pas très importantes », a-t-il nuancé.

Pour M. Touré, le paradoxe réside dans le fait que la Guinée aborde aujourd’hui les mines sur l’angle de l’argent et non le développement. « La CBG a été créée par des personnes qui avaient peut-être bac+1 ou 2 par des instituteurs à l’époque. C’est des gens de l’indépendance, ils avaient entre 32 et 37 ans. Sékou Touré au moment de l’indépendance avait 36 ans. C’était un gamin. Mais ils avaient une volonté commune, c’était celle de défendre la Guinée étant donné les conditions dans lesquelles la Guinée avait obtenu son indépendance. Et quand ils sont allés pour négocier la CBG, ils avaient en face des cabinets qu’on appelle grands cabinets internationaux et c’était en 1963. Eux ils étaient animés de la volonté de défendre la Guinée. Ils ont réussi à construire une convention qui a donné à la Guinée 49% du droit du sol, l’égalité dans le Conseil d’administration, la présidence du Conseil à la Guinée. C’est-à-dire que la Guinée est en position de surveiller la gestion de l’entreprise, de se prononcer sur la gestion et de décider avec les partenaires l’orientation de l’entreprise. C’est pour ça que la CBG a eu du succès avec des hauts et des bas comme n’importe quelle entreprise. Mais c’est une entreprise en termes de contrat qui est un modèle de référence en Guinée », a expliqué l’ancien directeur général de la compagnie minière.

Parlant du contenu local, l’expert minier a fait savoir que c’est un travail qui se fait normalement au moment de la négociation des contrats miniers. « J’ai vu tout récemment un texte législatif sur le contenu local, c’est très bien. En Guinée tous les textes sont bons. Le problème, il faut les faire fonctionner. Et, ça c’est en amont on le fait. Au moment de la négociation des contrats. C’est-à-dire il faut que le pays construise son modèle de l’investisseur. Le contenu local se construit dans la phase des lois du pays et dans la phase de négociation des contrats et conventions avant d’être dans l’application des textes réglementaires locaux. Vous pouvez écrire tout le texte qu’on veut sur le contenu local, ils peuvent être contournés s’il n’y a pas une volonté réelle de le faire ».

Daouda Yansané