Émergence – Le président de la Transition, Colonel Mamadi Doumbouya a pris un décret jeudi 29 septembre, son premier en tant que Chef de l’Etat, pour promulguer la Loi des Finances rectificative de l’exercice 2021. Une décision qui viendrait barrer le chemin à des sorties massives et suspectes de fonds. Explications.
C’est à la surprise générale que les guinéens ont appris le décret du président du Comité national du rassemblement pour le développement relatif à la promulgation à l’effet de son exécution la LFR 2021 adoptée par l’Assemblée nationale le 2 septembre, soit deux jours seulement avant le coup de force de l’armée et la chute du régime Condé.
Mais il y a détail à retenir dans la décision de l’officier supérieur des Forces spéciales. Il prend soin de préciser, en effet, que « les dépenses de personnel pour toutes les institutions républicaines et les départements ministériels tels que prévues dans cette Loi des finances rectificative sont gelés et renvoyés aux crédits correspondants figurant dans la Loi des finances initiales exercice 2021 ».
Un économiste guinéen, fin connaisseur des questions de finances publiques a confié à Émergence que la décision du Chef de la transition est fondée. « C’est tout à fait normal que l’exécutif décide de dépenser moins », commente notre interlocuteur.
Pour ce parfait connaisseur des rouages de l’administration économique et financière guinéenne, le gèle des dépenses tel que mentionné dans le décret du Colonel Mamadi Doumbouya porte particulièrement sur le Titre II qui traite des « Dépenses de personnel », autrement dit « les Salaires et Traitements ».
Sur la base des explications de notre analyste qui préfère garder l’anonymat pour l’instant, nous nous sommes amusés à comparer le volet Dépenses de certaines institutions. Le constat est surprenant et sujet à des interrogations.
Nous constatons que certaines institutions républicaines et des départements ministériels influents avaient réussi par prouesse à obtenir des rallonges au niveau du volet « Dépenses de personnel ». Rappelons avant de poursuivre que cette poche concerne les salaires du personnel engagé, des contractuels et les primes. Pour les quatre mois restants de l’année, certains avaient réussi à doubler, voire tripler ce segment dans la LFR.
Il faut aussi rappeler que le président Alpha Condé avait réussi à resserer le mécanisme de décaissement. Et que seul le volet « Salaires et traitements » était facilement décaissable. Ce qui explique cette hausse vertigineuse dans certaines institutions bien cotées ? Mystère.
Ce qui reste évident, c’est que les dépenses du personnel de la Présidence de la République sont passées de 63 milliards de francs guinéens dans la Loi des finances initiale 2021 à 201,2 milliards dans la Loi des finances rectificative du même exercice. Soit une hausse incompréhensible de 138 milliards de francs GNF.
Au même moment, la Primature a vu ses Dépenses de personnel dégringoler de 2 milliards de francs guinées à seulement 4,9 milliards GNF. Tandis que celles du ministère de l’Administration du territoire sont passées de 49,7 milliards à 54,5 milliards GNF.
L’autre hausse étonnante est constatée au ministère de la Justice où l’on est passé de 63,7 milliards à 187,7 milliards de francs guinéens, soit une augmentation de 123,9 milliards GNF.
Si nous poursuivons les recherches, on découvre aussi que les « Salaires et Traitements » du ministère de l’Economie et des Finances devaient connaître une augmentation de 82,6 milliards de francs guinéens, passant de 127,9 milliards GNF à 210,6 milliards GNF. La Fonction publique passait de 77 milliards à 111,5 milliards GNF.
Pour les institutions républicaines, l’Assemblée nationale s’était octroyée un pactole dans la LFR 2021. Le budget consacré au volet « Dépenses de personnel » des députés est passé de 105,8 milliards dans la Loi des finances initiale à 186,2 milliards dans la LFR, soit un gonflement de 80,4 milliards.
Bref, à l’exception de la Primature de Kassory, du Plan et du Développement économique de Kanny Diallo, de la CENI qui sont parmi les institutions dégraissées, de nombreux départements ont connu un accroissement exponentiel de leur allocation « Dépenses de personnel ».
Tenez ! La Cour constitutionnelle, pièce maîtresse de la réforme qui a abouti à la réélection d’Alpha Condé et qui ne disposerait pas de 200 fonctionnaires a vu son budget annuel passer de 23,2 milliards de francs dans la LFI à 222,2 milliards GNF (une hausse de 198,9 milliards). De ce budget, le volet « Dépenses de personnel » explose dans la LFR, passant de 6,6 milliards à 205,6 milliards, soit une hausse de 198,9 milliards de francs guinéens.
« Les augmentations au niveau du Titre II étaient fantaisistes », résume notre économiste.
« Nous avons assisté à des hausses rocambolesques du Titre II réservé aux salaires dans les ministères et institutions pour la simple raison que c’est ce qui était facilement mis à disposition, contrairement aux Titre III consacré au « Dépenses de biens et services », Titre IV qui traître des « Dépenses de Transfert et Titre V réservé aux « Dépenses d’investissement » que le président contrôlait rigoureusement », ajoute un autre analyste.
En décidant du gèle du Titre II de la LFR 2021 relatif aux « Dépenses de personnel » et en les renvoyant aux crédits correspondants figurant dans la LFI, le Colonel Doumbouya 2021″ veut simplement barrer la route à un système qui était savamment monter pour faire sortir d’importants fonds par voie légale, soutient notre premier interlocuteur.
En clair, la Loi des finances rectificative devra être appliquée dans tous ses volets à l’exception du Titre II qui traite des Dépenses de personnel. Pour l’exécution de ce dernier, le gouvernement devra se référer aux crédits prévus dans la Loi des finances initiale. Ce qui revient à dire que pour les traitements et salaires pour le reste de l’année, la Cour constitutionnelle devra se contenter de ses 6,6 milliards dans la LFI au lieu de 205,6 milliards dans la LFR. Le personnel parlementaire et très prochainement les membres du CNT resteront à 105,8 milliards prévus dans la Loi des finances initiale et non 186,2 milliards comme le prévoit la Loi des finances rectificative 2021.
Émergence