Le Ghana, l’élève modèle devenu un cancre de la dette

Loué pour sa stabilité et sa bonne gouvernance, le Ghana voit sa trajectoire économique dévisser depuis le double choc du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Pour sauver Accra du défaut de paiement, le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé mercredi un prêt de trois milliards de dollars en échange de mesures d’austérité.

Le Ghana s’offre un peu d’oxygène. Le Fonds monétaire international (FMI) a approuvé mercredi 17 mai un prêt de trois milliards de dollars, étalés sur trois ans, pour remettre à flot ce pays d’Afrique de l’ouest qui traverse sa pire crise économique depuis des décennies.

Il vise au « rétablissement de la stabilité macroéconomique et de la viabilité de la dette, ainsi qu’à la mise en œuvre de réformes de grande envergure pour renforcer la résilience et jeter les bases d’une croissance plus forte et plus inclusive », a commenté la directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva, citée dans un communiqué du FMI.

Le pays devrait bénéficier d’un premier décaissement immédiat d’environ 600 millions de dollars. L’accord marque l’aboutissement d’un cycle de négociations entamé en décembre 2022, lorsque le Ghana s’est déclaré en défaut de paiement, incapable de rembourser ses dettes.

L’approbation du FMI était loin d’être gagnée mais la promesse de ses créanciers, emmenés par la France et la Chine, d’une restructuration de sa dette pourrait avoir débloqué la situation.

 

La fin du « Ghana sans aides »

Selon la Banque mondiale, le Ghana est l’un des pays les plus endettés du continent, avec une dette de 58 milliards de dollars représentant 105 % de son PIB.

« On se focalise beaucoup sur la dette extérieure vis-à-vis des créanciers internationaux mais il ne faut pas oublier que l’essentiel de la dette publique du Ghana est une dette intérieure détenue par les banques commerciales du pays », précise Marc Raffinot, maître de conférences émérite à l’université Paris Dauphine et spécialiste du développement .

Avec l’aide du FMI, le Ghana espère sortir de l’enfer de la dette et reconquérir la confiance des marchés et des investisseurs. Cependant, ce soutien international représente dans le même temps un crève-cœur pour l’opinion publique et le président Nana Akufo-Addo.

Ce dernier a bâti une grande partie de sa popularité sur le slogan « le Ghana sans aides », symbole de l’indépendance économique du Ghana vis-à-vis des pays riches. En 2019, le président avait notamment mis un terme à l’accord signé avec le FMI par son prédécesseur, John Dramani Mahama, qui prévoyait un prêt d’un milliard de dollars, en échange d’un plan d’austérité. Une étape qui devait marquer une nouvelle ère d’émancipation pour le Ghana.

Mais quatre ans plus tard, le gouvernement est contraint de revenir frapper à la porte de l’institution de Washington avec à la clé de nouvelles mesures d’austérité. Après avoir relevé la TVA de 2,5 %, gelé les embauches dans la fonction publique, réduit le train de vie de l’État, le gouvernement s’est engagé à augmenter les impôts. Et d’autres réformes douloureuses devraient suivre.

Un pays modèle en Afrique de l’Ouest

Le Ghana a pourtant longtemps fait figure de bon élève en Afrique de l’Ouest : une démocratie stable, une réputation de bonne gouvernance comparée à ses voisins et un climat propice aux affaires ont fait d’Accra une destination idéale pour les investissements étrangers.

Grand exportateur d’or et doté d’importantes réserves de pétrole et de gaz, le Ghana est également une puissance agricole de premier plan : deuxième producteur mondial de cacao après la Côte d’Ivoire et acteur de premier plan dans la production d’igname, de manioc ou encore de banane plantain.

Porté par la hausse des cours des matières premières et de sa production d’hydrocarbures, le Ghana a enregistré en 2018 une croissance de plus de 6 % faisant du petit pays de 30 millions d’habitants une locomotive de la croissance du continent.

Mais c’était sans compter sur le choc du Covid-19 qui, à l’instar d’autres pays africains, va mettre l’économie du Ghana à l’arrêt. La guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de l’énergie finiront de fragiliser l’économie du pays.

« Il faut également mentionner un troisième choc : celui de la remontée des taux d’intérêts aux États Unis et en Europe qui a rendu les investisseurs plus regardants sur les risques financiers », explique Marc Raffinot.

Dans le même temps, l’inflation s’est envolée dépassant les 40 % tandis que la monnaie locale s’est effondrée rendant la vie impossible à des millions de ghanéens qui s’inquiètent de devoir se serrer encore un peu plus la ceinture depuis l’annonce d’un accord avec le FMI.

Un sommet à Paris en juin

Une inquiétude légitime alors que le Ghana doit consacrer un tiers de ses ressources au remboursement de sa dette extérieure. Et cette situation alarmante, loin d’être isolée en Afrique, illustre les difficultés des pays les plus pauvres, frappés de plein fouet depuis 2020 par une série de crises sanitaire, énergétique et climatique.

Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) datant de 2022, plus de 54 pays à revenu faible ou intermédiaire sont en situation de surendettement critique et ont besoin d’un allègement urgent de leur fardeau pour transformer leur économie et s’adapter au changement climatique. Parmi les pays dont la dette constitue une véritable bombe à retardement : le Tchad, l’Éthiopie ou encore la Zambie, actuellement en négociations avec le FMI.

Pour sortir de l’ornière, l’ONU plaide notamment pour faciliter une accélération des restructurations de la dette des pays pauvres mais également pour trouver de nouveaux financements. Des problématiques mêlant climat et endettement qui seront au cœur d’un sommet les 22 et 23 juin prochains à Paris organisé en amont de la prochaine COP qui aura lieu aux Émirats arabes unis.
À cette occasion, la France compte engager la réflexion autour de nouveaux mécanismes de solidarité destinés à soutenir la transition écologique des pays les plus vulnérables. Paris pourrait notamment soutenir la piste d’une taxation internationale sur les multinationales du secteur de l’énergie ou encore le transport maritime.

La Chine a indiqué qu’elle participerait à cette conférence, où sont également attendus le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et l’envoyé de la Maison Blanche pour le climat, John Kerry.

France24