INTERVIEW – Ousmane SAVANÉ, Directeur Commercial et Exploitation Alport Conakry : « Notre ambition, faire du Port de Conakry, le plus compétitif » (2)

Le Port de Conakry est en pleine mutation. D’importants travaux de modernisation et d’extension enclenchés par le Groupe Albayrak, adjudicataire du contrat de concession accordé par les autorités guinéennes en 2018, avancent à pas de géant.

Alport Conakry, la filiale de droit guinéen du conglomérat turc se donne les moyens et la technologie nécessaires pour faire du principal Port de la capitale guinéenne, une plaque tournante du fret dans la sous-région ouest-africaine. Interview exclusive avec son Directeur Commercial et Exploitation Ousmane Savané. (Deuxième partie).

Les travaux d’exécution du contrat sont à quel niveau depuis l’entrée en vigueur de la concession ?

Les travaux d’extension sont à 80% d’exécution. D’ailleurs le dossier qui nous bloque, c’est au niveau de la pénétrante routière. Parce qu’il y a plusieurs phases.
En cinq ans d’exercice, Albayrak doit pouvoir achever les différents investissements en cours. C’est ce qui est prévu.
Les premières phases d’investissement consistent à moderniser l’existant. C’est-à-dire réhabiliter les quais. Dans ce cadre nous avons réhabilité le Terminal clinker.
Aussi, nous avons réhabilité le Terminal conventionnel, le quai commercial. On a renforcé ces quais, il y a plus de 168 pieds de quais de diamètre 67 cm qui ont été implantés au niveau des quais. Ces quais ont été dallés à hauteur d’un mètre d’épaisseur de béton pour accroître leur portance. C’est vraiment de grands investissements qui ont été effectués au titre du renforcement et de la réhabilitation des quais.


Au niveau de la pénétrante routière, c’est la phase d’investissement de l’extension de la zone Est. Vous voyez aujourd’hui, il y a des routes 2X2 voies de 17m de largeur avec des éclairages partout, faite sur la base d’un béton de 25cm avec une garantie de deux siècles de résistance.
Il y a un parking en construction. La capacité sera de 2004 camions, mais dans la première phase on va faire 900 camions. Avant la fin de ces travaux, le parking est déjà occupé par les camions.
Cette occupation de ces parkings par les camions a permis de désengorger l’autoroute. Vous constatez qu’il y a moins de camions stationnés sur l’autoroute par ce qu’ils sont tous venus vers le parking en construction.
Au niveau des équipements, nous avons acquis 5 grues mobiles de capacité variant de 80 à 140 tonnes. Deux nouvelles grues sur RTG et d’autres grues mobiles arrivent. Il y a des remorqueurs qui ont été réhabilités. Il y a un nouveau remorqueur sorti d’usine qui arrive pour augmenter notre parc naval et pour permettre l’assistance efficace et efficiente des navires conformément au code ISPS. C’est un sentiment de fierté. Il faut comprendre que le Chef de l’Etat, au moment où tout le monde s’interrogeait sur la concession, il est resté serein avec une vision constante. Parce qu’on a compris qu’il est en avance sur la population.

A LIRE AUSSI : INTERVIEW – Ousmane SAVANÉ, Directeur Commercial et Exploitation Alport Conakry : « Notre ambition, faire du Port de Conakry, le plus compétitif » (1)

Qu’en est-il du quai en construction ?

C’est un quai de 600 mètres en construction. On va faire dans la première phase un quai de 600 mètres linéaire. Le Terminal conventionnel à une longueur de 400 mètres linéaires. On va faire un quai de 600 mètres pour doubler directement la capacité.
Dans la deuxième phase, on va faire un autre quai de 700 mètres linéaires. Et le projet prévoit la réalisation d’un Terminal pétrolier pour déplacer les tankers qui sont au niveau de SGP de la ville vers la mer pour protéger la population.

Quelle va être la capacité du Port de Conakry en termes de trafic marchandises à l’issue des travaux d’extension et de modernisation ?

Albayrak veut faire du Port de Conakry un des plus grands ports de transit et de transbordement de l’Afrique de l’Ouest.
Mais au bout des travaux de cinq ans, nous pourrons avoir la capacité minimum de 21 millions de tonnes, extensible jusqu’à 50 millions de tonnes de marchandises par an. Ça sera l’un des plus grands ports de transbordement et de transit.
Il faut savoir que la position de la Guinée est stratégique. Il est plus facile de venir au Port de Conakry par la route maritime que d’aller au port de Dakar ou d’Abidjan.
Nous profitons d’une proximité géographique naturelle du Mali pour faire du port de Conakry, le port naturel du Mali. Nous avons 7 millions de tonnes de potentialité maliennes, mais nous n’avons pas 400.000 tonnes. Albayrak prévoit d’engranger une bonne partie du transit malien vers le port de Conakry.
Mais aussi augmenter la capacité du port ce qui va booster l’économie. Comme on vous l’a toujours dit, les ports sont des poumons des économies. C’est pourquoi, le Président Alpha Condé a porté une attention particulière sur le Port de Conakry. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est que les reformes portuaires sont en train de porter leurs fruits parce que les usagers ont commencé à apprécier la valeur.

Vous parliez tant tôt de surestaries. A combien peut-on les évaluer aujourd’hui vu que les opérateurs économiques évoquent toujours ce facteur pour justifier la flambée des prix ?

Les surestaries sont des pénalités sur les temps additionnels que les navires prennent au port. Je vous donne un exemple. Quand un armateur a fait un contrat avec un importateur pour décharger une marchandise en 30 jours. Si dans les 30 jours la marchandise n’est pas déchargée, chaque jour supplémentaire peut être pénalisé. Nous avons des commerçants qui ont cumulé par le passé près de 3.000.000 de dollars US de surestaries annuellement. Ce qui n’est pas acceptable pour une économie. C’est une perte sèche pour l’économie. C’est pourquoi, le Président de la République a jugé nécessaire d’emmener Alport.
Alport a aujourd’hui réduit de façon très drastique les surestaries sur les navires. Pour ne peux pas dire qu’il n’y en a pas, rarement, un navire cumule les surestaries. Au contraire, les navires ont des dispatchs pour avoir pris moins de jours pour décharger. Par exemple : si un navire décharge en 10 jours ce qu’il devait faire en 15 jours, l’armateur doit lui retourner de l’argent que l’on appelle dispatch money. Dans ce cadre par exemple un armateur a retourné 100 000 dollars US de dispatch à son importateur.
Il devait décharger en 46 jours en temps normal, mais a réussi à le faire 13 jours.

En dépit de toutes ces réformes, les commerçants estiment que le Port de Conakry demeure très onéreux. Quel commentaire faites-vous à propos ?

Il faut comprendre le terme des commerçants guinéens. Ils disent que c’est le transport maritime, le fret qui est élevé à cause du Covid-19 qui touche le monde. Le coup de l’importation de la marchandise à travers le monde a augmenté. A un moment, les bateaux se sont arrêtés. Il y a eu des mesures de restrictions pour accéder à certains ports, forçant des navires à rester en rade pendant près de 14 jours. Le coût de fret à l’international a augmenté. Dans ces conditions, le transport maritime est cher.
Les gens confondent tout au port. Sinon les prix n’ont pas changé. Cela n’a rien à voir avec les prix du dédouanement et les prix des manutentions.
Les tarifs de manutentions au port sont devenus très avantageux et très compétitifs aujourd’hui parce qu’il n y a plus de surestaries sur les navires et ce qui est une grande économie pour les importateurs. On a fait un nouveau service, on utilise la grue. Mais on utilise trois shifts de manutention. Par exemple pour un bateau de riz au lieu de faire travailler 200 dockers, on fait travailler 320 dockers 24h/24 au lieu de 8h ou 10h, pour augmenter la cadence. Ce qui va permettre à l’économie de souffler.
On n’arrivait pas à un moment donné de faire face à la demande nationale et ce qui était très dramatique pour le Port de Conakry. Parce que même si le droit de douane était zéro franc pour certaines marchandises, celles-ci pouvaient coûter très cher sur le marché. Avec la fin du Covid-19, l’économie mondiale va souffler, le port de Conakry et les commerçants vont pouvoir faire des économies.

Qu’en est-il du Port sec de Kagbélen qui, en principe, est devenu opérationnel ?

La réalisation du port sec de Kagbélen relève du Port Autonome de Conakry. Ses dirigeants sont mieux placés pour répondre à cette question.
A la signature de la concession en 2018, beaucoup craignaient une série de licenciements. Quel est l’état des lieux ?
En plus des emplois préservés, il y a eu plus de recrutements. Albayrak est une société qui tient beaucoup au climat social. C’est ça qui est important au niveau de la politique d’Albayrak. C’est la responsabilité sociétale de l’entreprise qui prime d’abord sur toutes ces considérations. Nous venons pour créer le bien-être, mais nous ne détruisons pas le bien-être existant. En plus des acquis qui ont été préservés, Albayrak a donné l’opportunité à d’autres jeunes guinéens de bénéficier d’une carrière et de bénéficier de la technologie et du transfert de compétences.

Au regard des travaux déjà en cours de réalisation, est-il envisageable qu’Alport Conakry puisse étendre ses opérations à d’autres ports du pays ?

Il est bien envisageable qu’une société qui, en un temps record, fait de tels exploits, puisse étendre ses opérations à d’autres ports. Tout va dans l’intérêt de la Guinée. En tant que Guinéen, nous devons encourager Albayrak à s’inscrire dans ce sens.

Interview réalisée par Ougna Camara (In Emergence Mag. N°14)