INTERVIEW EXCLUSIVE: Pierre Lamah, Président du Tribunal de Commerce décortique le bail professionnel

Le bail professionnel demeure un élément incontournable dans l’exercice des activités économiques. Pour mener à bien leurs activités, les opérateurs économiques ont besoin très souvent de trouver  des endroits appropriés pour développer leurs affaires.

C’est dans ce cadre que les contrats de location sont signés avec les propriétaires d’immeubles ou de bâtiments qui répondent à leurs exigences.  Quels sont les enjeux de ce type d’accord dit « bail professionnel » ? Dans quel contexte parvenir à la résiliation d’un accord de ce genre ? Émergence a posé ces questions à  Pierre Lamah,  Président du Tribunal de Commerce de Conakry et Président de la Commission nationale de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Entretien.

Émergence : Bonjour Monsieur Lamah. Qu’est ce qu’on entend par bail professionnel ?

Pierre Lamah : Entendez par  bail professionnel, un contrat, une convention qui est conclu entre le propriétaire (bailleur) d’un local, d’un immeuble et un locataire (preneur) en vue d’y exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité
professionnelle. C’est le droit OHADA qui s’applique à ce type de bail. Le bail professionnel est différent de celui à usage d’habitation.

Quelles sont les formalités à remplir dans le cadre d’un bail professionnel ?

Il n’y a pas de formalités spécifiques à remplir. Si vous avez besoin d’un local pour exercer une activité. Vous cherchez quelqu’un qui en dispose. Vous discutez avec l’intéressé
avant de signer un contrat.

Quelle procédure suivre à ce niveau ?

Le bail à usage professionnel peut être écrit ou de manière verbale. Mais, il est précisé par le législateur OHADA, deux formes de bail : celui à durée déterminée et indéterminée.
Maintenant, pour la conclusion d’un bail à durée déterminée, il faut absolument un écrit dans lequel, on va préciser la durée du bail qu’on veut conclure. Lorsque les parties ont conclu un bail verbalement, ce bail est réputé être un bail à durée indéterminée. Aussi, les parties ne sont nullement pas obligées de passer par un notaire pour conclure leur contrat.

Elles peuvent le faire en privé tout comme par mesure de sécurité, devant un notaire pour pouvoir sécuriser leur convention en cas de contestation ou de perte.

On voit souvent des cas où les deux parties (bailleurs et preneurs) font recours à des témoins. Quelle est la teneur en termes de sécurité, pour un tel contrat dans le cadre du bail professionnel selon les normes de l’OHADA ?

La loi n’exige pas la présence d’un témoin. Si c’est par écrit, vous signez. Mais, si les deux parties tiennent à avoir des témoins, il n’y a pas de souci.

Est-ce qu’il y a des contraintes qui s’imposent aux deux parties ?

Absolument, le bailleur est tenu de livrer l’immeuble ou le bâtiment en bon état qu’il donne en bail. En termes d’obligation, il est tenu également aux grosses réparations. Il doit aussi garantir au preneur, une jouissance paisible. Le preneur ne doit signer le contrat, que lorsqu’il se rassure la qualité des installations.

A défaut, il peut signer sous réserves de la réparation des meubles ou autres éléments qui ne garantissent pas une jouissance paisible. Le bailleur est tenu à tout réparer avant de mettre à disposition le local. Il y a des cas que nous recevons souvent dans les tribunaux où le preneur a fait beaucoup d’investissements pour réparer l’immeuble ou le local sans que le bailleur ne reconnaisse cela. Pour éviter tout ça, il faut tout aplanir dès la signature du contrat.

Le preneur a aussi des obligations. L’obligation principale qui s’impose à lui, c’est de payer le loyer aux périodes convenues. Si vous ne payez pas à bonne date le loyer, cela peut être un préjudice qui peut entraîner la résiliation du contrat. Le preneur a aussi l’obligation de l’entretien des installations. Par exemple, réparation des ampoules, le climatiseur, la serrure par mauvaise utilisation. Mais les grosses réparations incombent au bailleur.

Il arrive souvent que certains preneurs changent d’activités contrairement à celles annoncées lors de la signature du contrat avec le bailleur. Dans une telle configuration, que prévoit la loi ?

La destination de l’activité est décrite dans le contrat. Je prends en location votre immeuble ou maison pour telle activité. C’est bien précisé. Si entre temps, vous changez d’activité,
dans ce cas, le preneur doit se rapprocher du bailleur pour le lui expliquer. S’il accepte, tant mieux. Ils peuvent faire un avenant. Mais, lorsque le preneur n’informe pas le bailleur, cela peut être un motif de résiliation du contrat.

Dans quelle circonstance l’une des parties peut demander la résiliation du contrat, selon la loi OHADA ?

Le législateur OHADA a bien encadré le bail professionnel pour permettre aux opérateurs économiques d’exercer leur activité. Sans que de par la mauvaise volonté d’un bailleur d’expulser un preneur. Cela peut avoir des conséquences très désastreuses.

Quelqu’un qui est installé dans un lieu, il y a développé une activité, il s’est fait une clientèle fidèle. Et tout d’un coup, par la mauvaise foi du bailleur, il se voit expulser. Vous voyez les effets que cela pour entraîner chez le preneur. C’est une situation qui ne favorise pas l’essor des activités économiques. Une telle démarche est proscrite par la loi OHADA. C’est pourquoi, il y a des dispositions qui garantissent au preneur, certaines choses pour éviter une telle injustice. Donc, l’un des avantages du bail professionnel, est que le preneur jouit le droit de renouvellement du bail. A cette occasion, le bailleur peut, par exemple, revoir à la hausse le prix du loyer pour des raisons bien précises. Au preneur de souscrire ou contesté.

En cas de désaccord, l’une des parties peut recourir au juge. Il peut bénéficier d’une indemnité d’éviction. Le payement de l’indemnité d’éviction est préalable à la libération des lieux. C’est-à-dire que le bailleur doit payer de l’argent au preneur en cas d’un refus par exemple de renouvellement du bail après échéance. Si le bailleur accepte le renouvellement du bail après que celui-ci arrive à termes, il doit signer un autre contrat dont la durée ne saurait être inférieure à trois ans.

Merci d’avoir répondu à nos questions.

Je vous en prie.