Le Fonds d’Entretien Routier (FER) est en pleine mutation sous l’égide de son nouveau Directeur Général, Hamidou Sylla. Dans un entretien qu’il a accordé votre magazine, il a présenté ses ambitions pour le FER, mais surtout le projet du Pont unique de Tanènè et ses accès. Un projet pilote pour le FER dans le domaine du financement de la construction d’infrastructures. Bonne lecture.
Emergence : Il y a quelques mois seulement que vous êtes à la tête du FER. Quelles sont vos ambitions pour cet EPA qu’est le FER ?
Hamidou Sylla: J’ai été nommé en mars 2023. Je profite de l’occasion pour remercier le Président de la Transition, Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées, le Colonel Mamadi Doumbouya, la tutelle technique, El Hadj Gando Barry, la tutelle financière, M. Moussa Cissé, ainsi que mon Conseil d’administration et tout le personnel du FER qui nous accompagne pour la réussite de notre mission. Le FER a pour mission de mobiliser et administrer les fonds publics pour financer tout ce qui est étude, les travaux d’entretien, la construction. Le FER, aujourd’hui avec son nouveau statut, a la possibilité d’aller sur le marché financier, lever des fonds pour financer tout ce qui est investissement routier. Comme le projet du pont unique de Tanènè. Pour le moment, nous n’avons que la redevance d’entretien routier comme ressources. Donc, le combat que nous sommes en train de mener, c’est d’avoir un second guichet de ressources qui va être destiné à l’investissement routier. Puisque le FER aujourd’hui est en pleine mutation, nous avons quitté le FER de la deuxième génération, nous sommes maintenant le FER de la troisième génération presque dans la pratique. Parce que nous faisons maintenant de l’investissement routier. Donc, l’objectif, c’est de mobiliser plus de ressources pour financer tout ce qui est entretien et l’investissement routier. Comme je disais plus haut, nous n’avons qu’un seul guichet de ressource pour le moment, c’est la RER (la redevance de l’entretien routier). Notre ambition, notre objectif, c’est d’avoir un second guichet qui va nous permettre d’aller mobiliser plus de ressources sur le marché financier pour financer des grands projets d’investissement routier. Nous avons commencé un premier projet pilote qui est le projet du pont unique de Tanènè et ses accès, nous sommes en train de travailler sur un autre projet que pour le moment je ne vais pas dévoiler le projet, la mobilisation des ressources que nous sommes en train de faire pour financer ce deuxième projet.
Le pont unique de Tanènè et ses accès est votre projet pilote dans le domaine de la construction. N’êtes-vous pas en train de récupérer les prérogatives de l’AGEROUTE ?
Comme je le disais tout à l’heure, la seule ressource que nous avons c’est la redevance de l’entretien routier (RER) qui est destinée à financer l’entretien routier. L’AGEROUTE est un maître d’ouvrage délégué du ministère des Infrastructures et des Travaux publics qui occupe presque la première place en termes de financements routiers par le FER. Donc, c’est le principal maître d’ouvrage délégué, financé en termes d’entretien routier par le FER. Actuellement, la seule ressource que nous avons qui est destinée à l’entretien routier, nous sommes allés sur le marché financier avec cette ressource, mais avec un endettement qui n’a aucune incidence sur l’entretien. Vous allez le constater que cette année 2023, il y a eu plus d’entretien sur les routes, plus d’activités, plus d’engouements. Le mécanisme de financement que nous avons mis en place pour aller lever les fonds pour financer ce premier projet d’investissement, qui est un projet pilote, le FER, le ministère des Infrastructures et des Travaux publics, et l’AGEROUTE d’un projet vraiment pilote qui nous permettre non seulement de diversifier nos poches de ressources. Parce que ce sera un pont à péage et à pesage qui va nous permettre aussi de maintenir ce tronçon RN3 et d’autres tronçons en Guinée. L’AGEROUTE, c’est le maître d’ouvrage délégué du ministère des Infrastructures et des Travaux publics, financé par le FER.
Le pont unique de Tanènè et ses accès, avant la fin de sa construction, est déjà un succès. Qu’est-ce que le FER projette de faire après ce premier projet pilote ?
J’ai dit tout à l’heure que le FER est en pleine mutation. Nous tendons vers le FER de la troisième génération. Quand nous avons été nommés à la tête de cette institution, c’était d’abord de crédibiliser l’institution vis-à-vis des partenaires financiers, de l’Etat et même de la population. Cette confiance est revenue à l’institution parce que nous sommes déjà sur le marché financier. Nous avons pu lever 269 milliards de francs guinéens pour financer le pont unique de Tanènè. Nous sommes en train de négocier pour avoir le guichet investissement, d’autres redevances qui pourront permettre d’aller sur le marché financier, lever plus de ressources pour financer des grands projets de route, d’autoroute et qui sera à péage. Partout dans le monde aujourd’hui, la route est commercialisée, mais il faut avoir de bonnes routes pour pouvoir les commercialiser. Si vous faites juste l’entretien des routes, vous ne pouvez pas les commercialiser. Si ce sont des autoroutes, tout le monde comprend qu’il faut mettre la main à la poche, au moins il faut les entretenir pour payer les postes de péages qui vont être installés. Nous tendons vers cela, nous tendons vers ce changement. Nous avons un premier projet pilote qui est presqu’un succès, que tout le monde en parle. Le deuxième projet, la négociation pour la mobilisation des ressources est beaucoup avancée. Le moment venu, nous allons vous informer de la suite du projet qui va être financé par ça.
Le projet du pont unique de Tanènè et ses accès a connu des travaux supplémentaires. A combien s’élève le coût de ces travaux supplémentaires par rapport au montant de départ du projet ?
Je vais revenir sur l’’historique du projet. C’est un projet qui, à la base, devrait être financé par l’Etat guinéen, notamment le BND (budget national de développement). Il y a eu un contrat de base, il y a eu un problème de financement au niveau du BND parce qu’à l’époque en 2019, il y avait le COVID-19 en 2020. Donc, il y avait des problèmes de ressources pour l’Etat de financer ce projet. C’est ainsi que le FER a fait son changement de statut, puisque c’est la zone économique, on s’est dit que cela peut être un premier projet pilote, avec un mécanisme de financement structuré, que nous avons essayé ici d’initier et cela a pris forme. Nous avons été accompagnés par la Société générale pour financer ce projet. Donc, l’avenant II, c’était 269 milliards de francs guinéens, mais dans ce contrait la route devrait passer par au marché de Tanènè. Donc, après discussion avec toutes les parties prenantes, il était question de contourner la ville. Il y a eu 4 à 5 km de plus pour la contournante. Il y aura un coût additionnel pour cette contournante qui est en cours de négociation au niveau du ministère des Infrastructures et des Travaux publics. A notre niveau, les personnes impactées du côté de Boffa ont été identifiées, l’indemnisation doit commencer très bientôt. Donc, le coût additionnel, ce sera le trajet additionnel qui sera ajouté. C’est ce qui va changer un peu le coût global du projet. Pour le moment, rien n’a été arrêté, les négociations, les discussions sont en cours avec toutes les parties prenantes.
L’entreprise SOGEA SATOM qui s’occupe des accès du pont veut travailler simultanément des deux côtés du pont, mais elle ne peut pas. Parce que les personnes impactées du côté de Boffa attendent encore pour être indemnisées. Qu’est-ce qui retarde leurs indemnisations ? Est-ce que des soucis financiers du côté du FER ?
Ce n’est pas du tout un problème financier. Vous savez notre activité est encadrée. La direction générale du FER est orientée et contrôlée le Conseil d’administration. C’est lors de la session du Conseil d’administration du FER qu’il a été recommandé de passer par la commission nationale d’indemnisation qui a été mise en place par le gouvernement au niveau du ministère de l’Economie et des Finances pour indemniser tous les impactés sur tout le territoire national. Donc, cette commission est passée sur le site, ils ont fait une première évaluation. Il y a une seconde évaluation de discussions qui a été faite et qui doit être soumise au ministre des Infrastructures et des Travaux publics, et au ministre de l’Economie et des Finances. C’est cette discussion qui est en cours de finalisation, le montant final qui va être retenu pour les impactés, l’indemnisation de ce côté va continuer. Voilà, c’est tout ce qui retarde un peu le processus.
Est-ce qu’on peut connaître le montant total de cette indemnisation ?
Je vais juste vous donnez une idée. La première évaluation qui était passée, les gens avaient estimé une parcelle à 20 millions de francs guinéens. Nous, nous avons estimé que c’est un projet d’intérêt national aussi important, que c’était de trop, il fallait discuter avec le représentant de la communauté et toutes les parties prenantes, de baisser drastiquement le montant des personnes à indemniser. Il y a eu beaucoup de discussions entre l’unité de gestion du projet du pont unique de Tanènè et toutes les parties prenantes pour un consensus sur le montant à donner à toutes les personnes impactées. Ils se sont entendus presque sur un montant, et nous, nous allons contacter la Commission nationale d’indemnisation pour leur dire voilà ce qui peut être pris comme indemnisation pour les personnes impactées. De ce point de vue, il n’y a pas de problème de financement, c’est juste une question d’organisation qui reste à finaliser.
Pour financer le projet du pont unique de Tanènè et ses accès, le FER s’est tourné vers des banques primaires. Quelles sont ces banques ?
Le FER est ouvert à toutes les institutions financières. Nous remercions d’abord les banques qui ont eu confiance en nous pour financer cet important projet. C’est un grand succès pour elles-mêmes parce que c’est une première opération. La partie du financement a été assurée par la Société Générale qui a vraiment mis la main à la poche pour financer ce projet. Vous avez Ecobank qui a donné des cautions de bonnes fins d’exécution, des cautions du travail de démarrage pour accompagner le financement du projet. Les futurs qui sont en cours de préparation, ça va être ouvert à toutes les autres banques primaires de la place. L’objectif, c’est de donner la chance aux banques primaires de la place, ça peut être ouvert aussi à des institutions financières internationales. Cela dépendra du coût du projet qui va être mis sur la place. Vous avez vu sur le marché financier, l’Etat a levé 5 000 milliards de francs guinéens. Ça fait beaucoup de débats, mais c’est un grand succès ce genre d’opérations parce que le crédit, c’est la confiance. Si une institution financière vous donne l’argent, c’est parce qu’elle vous porte confiance. Nous, nous sommes une institution qui est déjà sur le marché financier, nous avons mérité leur confiance. Elles ont eu confiance à l’Etat guinéen, au gouvernement guinéen pour accompagner le FER pour financer ce projet pilote. Nous l’appelons projet pilote parce qu’il y aura d’autres projets. C’est un crédit revolving, c’est-à-dire vous avez pris le crédit, vous remboursez une, deux années, vous avez de la marge. Parce qu’elles ont confiance, elles peuvent encore vous accompagner sur d’autres projets, si vous avez des études et tout. Nous avons reçu le Directeur Général du financement structuré de la Société Générale Afrique qui est venu en Guinée pour vraiment féliciter le FER, le ministère des Infrastructures et des Travaux publics, et le ministère de l’Economie et des Finances pour la réussite de cette opération. Parce que pour eux, c’est un succès. Aujourd’hui, le Fonds d’entretien routier de Guinée est en avance sur beaucoup de FER en Afrique parce qu’on a pu réussir cette première opération qui est un grand succès pour la banque et pour l’Etat guinéen.
Généralement les banques ne vont rien pour rien. Quel est le taux d’intérêt de ce crédit que vous avez eu avec ces banques ? Quelle est la période de remboursement ?
Je pense que c’est l’une des opérations les plus réussies. On a pu négocier cet emprunt à un taux de 10%. Alors qu’il y a des emprunts obligataires qui sont faits sur le marché autour de 12, 13, 14%. Nous, nous avons réussi à 10%. C’est un crédit remboursable qui va s’étaler sur cinq ans. C’est une très très bonne opération et une première en Guinée. Nous pensons que cela va continuer.
Les routes ce n’est pas seulement Conakry et ses environs. Qu’est-ce que le FER envisage pour l’entretien des routes de l’intérieur du pays ?
Nous sommes tous Guinéens, nous savons la situation dans laquelle nous avons pris les choses en main. La demande est très forte sur toute l’étendue du territoire national. Nous travaillons avec différents maîtres d’ouvrages, il y a l’AGEROUTE qui est le principal maître d’ouvrage qui occupe presque 70% du portefeuille du FER, il y a la Direction nationales des routes préfectorales qui fait tout ce qui est pistes rurales, il y a la Direction nationale du Génie rural pour les zones de production agricole au compte du ministère de l’Agriculture et l’AGUISER pour tout ce qui est feux de signalisation, des tracées sur les routes. La programmation pour l’entretien des routes est faite par les maîtres d’ouvrages, donc par l’AGEROUTE sur toute l’étendue du territoire national. Par exemple pour la RN1 Conakry-Coyah-Kindia jusqu’à Kankan, cette année ce n’est pas bonne, elle mette dans la programmation, il faut le maintenir. La route Mamou-Faranah-Kissidougou vers la Forêt, c’est la même chose. La route Mamou-Labé, même chose. La route de Boké également. La programmation est faite en fonction de la dégradation et des demandes relevées et remontées par les directions préfectorales des infrastructures à l’intérieur du pays. Parce que le ministère a des représentations un peu partout dans toutes les régions. Le FER en a, le ministère en a. Donc, ce sont eux qui nous remontent les informations qui sont prises en charges dans la programmation des différents maîtres d’ouvrage. C’est vrai qu’on a beaucoup de routes en pistes, quand vous maintenez la route cette année, il pleut beaucoup, ça se dégrade. Nous, notre objectif, c’est de maintenir la circulation, on fait l’entretien. Si l’Etat a des gros moyens ou si nous avons des gros moyens, nous faisons de l’investissement, nous faisons de la construction.
Votre dernier mot…
Je pense que tout ce succès, le mérite revient au Président de la Transition, Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées, le Colonel Mamadi Doumbouya, à son Premier ministre Dr Bernard Goumou, à son ministre des Infrastructures et des Travaux publics, El Hadj Gando Barry, au ministre de l’Economie et des Finances, Moussa Cissé, au Conseil d’administration du FER et au personnel du FER. Le mérite leur revient, mais principalement au Président de la Transition qui a bien fait le choix des hommes. C’est l’humain qui est la première valeur de tout. Il a mis l’accent sur les êtres humains de qualité. Donc, nous sommes une équipe, nous travaillons en équipe, au niveau du FER et au niveau du ministère des Infrastructures et des Travaux publics, au niveau du Conseil d’administration du FER, au niveau du ministère de l’Economie et des Finances. Nous travaillons en chaînes pour travailler sur les projets et mettre les projets en pratiques. Nous le remercions très sincèrement pour tout l’appui qu’il nous fait. Vous aussi pour la sensibilisation que vous faites à l’endroit de la population. Le monde évolue, la Guinée ne doit pas être à la traine. Soit on veut se développer, on va sur des projets similaires. Soit on ne veut pas aller de l’avant, on reste en retrait. Nous sommes vraiment en pleine mutation, nous comptons sur vous pour nous accompagner dans la sensibilisation. Parce qu’il y aura des moments de sensibilisation pour qu’on remette des postes de péage sur nos routes. C’est pour le bien-être des populations, c’est pour maintenir les routes en état praticables. Si on ne travaille pas sur des nouvelles méthodes de commercialisation des routes, cela va être difficile que l’Etat continue sur fonds propre le financement des grands projets d’investissement routier.
Propos recueillis par Souana Doré
(Entretien diffusé en exclusivité dans le magazine Emergence N°23 de Décembre 2023)