Guinée/Pêche : défis, opportunités et voies vers une durabilité accrue (Grand dossier)

La pêche en Guinée est un secteur vital pour l’économie nationale, soutenant des milliers d’emplois et contribuant de manière significative au Produit Intérieur Brut (PIB). Avec plus de 237 240 acteurs impliqués, la pêche est une source de subsistance pour environ 1,6 million de personnes, représentant environ 6 % du PIB national.

Ce secteur est diversifié, comprenant la pêche artisanale, industrielle et continentale, chacune jouant un rôle crucial dans la production halieutique du pays. En 2018, la production totale de la pêche en Guinée a atteint 277 163 tonnes, avec une contribution majeure de la pêche maritime et une part importante de la pêche continentale et de la production piscicole.

Cependant, malgré son importance économique et sociale, le secteur de la pêche en Guinée est confronté à de nombreux défis. Parmi ceux-ci figurent le déficit d’infrastructures modernes, les lacunes en matière de compétences, la faible structuration de la pêche artisanale, et l’insuffisance du système de surveillance et de contrôle. De plus, les conflits entre pêcheurs, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), et la pollution due à l’exploitation minière ajoutent des couches de complexité à la gestion durable des ressources halieutiques. Pour surmonter ces obstacles, des recommandations concrètes ont été formulées, visant à améliorer la gouvernance, renforcer les capacités des communautés de pêche, et promouvoir des pratiques de pêche durables.

A- État Actuel du Secteur de la Pêche

Emplois et Communautés

La pêche artisanale, en particulier, joue un rôle crucial en fournissant 62 000 emplois directs et 200 000 emplois indirects. Environ 9 000 familles dépendent directement de cette activité pour leur subsistance.

Production et Commerce

Les exportations de produits halieutiques de la Guinée sont estimées à 19 060 tonnes pour une valeur de 190 milliards de GNF, tandis que les importations s’élèvent à 9 800 tonnes pour 345 milliards de GNF. La balance commerciale du secteur de la pêche est excédentaire de 155 milliards de GNF en moyenne. En 2019, les exportations de produits halieutiques ont généré 6 124 220 euros, constituant une source importante de devises. Cependant, le secteur a connu une période d’instabilité ces dernières années, principalement en raison de l’embargo imposé par l’Union européenne, principal marché d’exportation des produits halieutiques guinéens.

B- Types de Pêche et Production

Le secteur de la pêche en Guinée est diversifié, comprenant :

Pêche Artisanale

Pratiquée en mer à bord d’embarcations de petite taille, motorisées ou non, la pêche artisanale cible une grande variété d’espèces. Elle se subdivise en trois catégories :

– Traditionnelle : Exercée jusqu’à 6 milles marins de la ligne de base, elle est réservée aux pêcheurs guinéens.

– Motorisée : Opérant de la ligne de base jusqu’à 20 milles marins, elle est accessible aux pêcheurs guinéens et aux ressortissants de la CEDEAO.

– Avancée : Pratiquée au-delà de 10 milles marins pour la pêche pélagique et 12 milles marins pour la pêche démersale, elle est également limitée aux pêcheurs guinéens.

Pêche Industrielle

Exercée au-delà de 12 milles marins par des navires équipés de systèmes de conservation des captures autres que la glace et le sel, la pêche industrielle est dominée par les thoniers (senneurs et palangriers) et les chalutiers (pélagiques, démersaux/céphalopodiers et crevettiers).

Pêche Continentale

Pratiquée dans les eaux intérieures du pays, la pêche continentale constitue une source importante de protéines pour les populations guinéennes.

En 2018, la production totale de la pêche en Guinée a atteint 277 163 tonnes. La pêche maritime a contribué à hauteur de 257 430 tonnes, tandis que la pêche continentale a produit 17 334 tonnes. En outre, la production piscicole s’est élevée à 2 400 tonnes.

C- Défis et Opportunités de la Pêche en Guinée

Malgré son importance, la pêche en Guinée fait face à de nombreux défis :

-Déficit d’Infrastructures

Le pays souffre d’un manque d’équipements de navigation modernes et d’infrastructures adéquates pour la pêche industrielle, notamment un port de pêche dédié, une chaîne du froid efficace, des infrastructures de débarquement, de traitement et de conservation du poisson.

– Lacunes en Matière de Compétences

Le secteur est confronté à un manque de compétences humaines qualifiées, une répartition géographique inégale de ces compétences et le vieillissement de l’expertise nationale.

– Faible Structuration de la Pêche Artisanale

La pêche artisanale, bien que représentant une part importante de la production, reste peu structurée, ce qui limite son développement et sa contribution à l’économie.

–  Insuffisance du Système de Surveillance et de Contrôle

Le système de surveillance, de contrôle et de police des pêches reste fragile, ce qui favorise la pêche illégale et compromet la durabilité des ressources halieutiques.

– Non-Respect des Textes et des Orientations Stratégiques

Le non-respect des textes et des documents d’orientation stratégique entrave la bonne gouvernance du secteur.

– Conflits entre Pêcheurs

Des conflits éclatent régulièrement entre pêcheurs artisanaux et industriels pour le contrôle des zones de pêche, ainsi qu’entre pêcheurs guinéens et navires pirates étrangers. La présence accrue des chalutiers dans les eaux guinéennes est pointée du doigt par les pêcheurs artisanaux comme cause de la baisse de leurs captures.

– Pêche Illicite, Non Déclarée et Non Réglementée (INN)

La pêche INN représente un problème majeur dans les eaux guinéennes, menaçant la durabilité des ressources halieutiques et l’économie du pays.

+ Pollution

L’exploitation minière, notamment l’extraction de la bauxite, est source de pollution des eaux, repoussant les poissons et endommageant les mangroves, essentielles à la reproduction de nombreuses espèces.

– Zones de Pêche et Conflits

Pour réguler l’accès aux ressources halieutiques, la Guinée a mis en place des zones de pêche spécifiques. Cependant, des conflits persistent en raison de :

Lacunes dans la Définition et la Mise en Œuvre des Conditions d’Accès

Les règles d’accès aux zones de pêche, notamment celles concernant la sécurité des pêcheurs et de leurs embarcations, souffrent de lacunes et de manquements dans leur application.

– Compétition entre Différents Types de Pêche

La concurrence accrue entre les segments de la pêche, aggravée par l’octroi excessif de licences de pêche industrielle, limite les opportunités des pêcheurs artisanaux et accroît les risques de conflits pour le contrôle des zones de pêche.

– Manque de Professionnalisation et Informalité de la Pêche Artisanale

Le manque de professionnalisation et le caractère informel de la pêche artisanale entravent son développement et sa contribution à l’économie.

– Manque d’Implication des Pêcheurs dans la Gouvernance

L’exclusion des pêcheurs artisanaux des processus de décision concernant les politiques et réglementations qui les affectent est source de frustration et de non-respect des règles.

– Délimitation Impécise des Zones de Pêche

La délimitation floue des zones de pêche, tant au niveau national qu’international, crée des tensions et des conflits entre les différents acteurs. Un litige territorial persiste avec la Sierra Leone concernant la délimitation de la frontière maritime, affectant les activités de pêche dans la zone.

D- Recommandations pour un Secteur de la Pêche Durable en Guinée

Pour améliorer la situation de la pêche en Guinée, plusieurs recommandations ont été formulées :

– Résoudre le Litige Frontalier Maritime avec la Sierra Leone

Il est urgent de parvenir à un accord avec la Sierra Leone pour la gestion de la zone maritime frontalière litigieuse, afin de garantir la sécurité juridique des pêcheurs et de prévenir les conflits.

– Réformer le Code de la Pêche Maritime

Le Code de la pêche maritime doit être révisé pour adapter les sanctions aux infractions commises par les pêcheurs artisanaux, prenant en compte la nature sociale et économique de leur activité.

– Intégrer les Pêcheurs Artisanaux dans la Gouvernance

Il est essentiel d’impliquer les pêcheurs artisanaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de pêche, afin de garantir leur participation effective et de favoriser le respect des réglementations.

– Améliorer la Communication et la Vulgarisation

La communication et la vulgarisation des réglementations et des politiques de pêche auprès des communautés de pêche, dans les langues locales, sont cruciales pour assurer leur compréhension et leur application.

– Finaliser le Recensement et l’Immatriculation des Embarcations

Il est nécessaire de finaliser le processus de recensement et d’immatriculation des embarcations de pêche artisanale, afin d’améliorer le contrôle des activités et la sécurité des pêcheurs.

– Mettre en Place un Système de Surveillance Participative

La mise en place d’un système de surveillance participative, impliquant les pêcheurs artisanaux dans le contrôle des activités de pêche, est essentielle pour lutter contre la pêche INN et renforcer la gestion durable des ressources.

– Renforcer les Capacités des Communautés de Pêche

Le renforcement des capacités organisationnelles et de gestion des communautés de pêche, notamment en matière de cogestion des ressources, est crucial pour leur permettre de jouer un rôle actif dans la gouvernance du secteur.

– Délimiter et Protéger les Aires Marines Protégées

Il est important de baliser clairement les limites des aires marines protégées et de sensibiliser les pêcheurs artisanaux à l’importance de leur respect, afin de garantir la conservation de la biodiversité marine.

– Encourager la CEDEAO à Réglementer la Pêche Artisanale

La CEDEAO devrait adopter un règlement spécifique sur la pêche artisanale, afin d’harmoniser les pratiques et de garantir des zones de pêche réservées aux professionnels du secteur.

E- Conclusion

La pêche en Guinée, bien que confrontée à de nombreux défis, reste un pilier essentiel de l’économie nationale et un moteur de développement socio-économique. Les efforts pour moderniser les infrastructures, renforcer les capacités des communautés de pêche, et améliorer la gouvernance du secteur sont cruciaux pour surmonter les obstacles actuels. La mise en œuvre de recommandations concrètes, telles que la réforme du Code de la pêche maritime, l’intégration des pêcheurs artisanaux dans la gouvernance, et la protection des aires marines, permettra de promouvoir une pêche durable et de garantir la sécurité alimentaire du pays.

En fin de compte, le secteur de la pêche en Guinée possède un potentiel immense qui peut être réalisé grâce à une approche intégrée et collaborative. En impliquant activement les communautés de pêcheurs, en renforçant les infrastructures et en adoptant des pratiques durables, la Guinée peut non seulement relever les défis actuels, mais aussi transformer son secteur de la pêche en un modèle de développement durable et inclusif.

sources: ANASA, INS , La contribution de la pêche à l’économie guinéenne : une évaluation à partir de l’élaboration d’un cadre d’indicateurs économiques clés.

Mohamed Camara 

chroniqueur à Emergencegn

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