[TRIBUNE] Guinée : les défis pour une croissance durable et inclusive (Par Lancine Doumbouya)

La Guinée a connu une croissance économique notable en 2023, principalement soutenue par la forte performance du secteur minier. Cependant, cette croissance soulève des défis importants en matière de gestion des ressources et d’inclusion économique.

Le rapport de la Banque mondiale met en lumière ces questions et propose des pistes pour rendre la croissance plus inclusive, tout en assurant une meilleure gestion des ressources naturelles et en limitant l’impact du changement climatique.

  1. Croissance Économique et Défis Macroéconomiques :

En 2023, la Guinée a enregistré un taux de croissance du PIB de 7,1 %, en hausse par rapport aux 3,7 % en 2022, grâce à une augmentation de 22 % de la production de bauxite et de 10 % de celle d’or. Cependant, cette croissance est largement concentrée dans le secteur minier, qui reste faiblement intégré à l’économie nationale. Malgré l’essor du secteur, il ne contribue que marginalement à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté.

La Guinée a fait preuve de résilience face aux crises récentes, mais des défis majeurs persistent. Le syndrome hollandais – un phénomène où la croissance des industries extractives nuit à d’autres secteurs par l’appréciation du taux de change – reste un obstacle à la diversification économique. Les secteurs non miniers, notamment l’agriculture, peinent à décoller en raison de cette situation. Par ailleurs, la gestion budgétaire du pays a permis de maintenir une certaine stabilité macroéconomique, avec un déficit budgétaire réduit à une moyenne de 1,4 % par an de 2016 à 2023, mais les recettes fiscales du secteur minier restent faibles.

  1. Le Secteur Minier : Source de Croissance, mais Faible Créateur d’Emplois :

L’exploitation minière, moteur principal de la croissance, n’a pas suffi à créer un nombre significatif d’emplois, en raison de son intensité capitalistique. La faible intégration du secteur minier avec le reste de l’économie signifie que les gains de ce secteur n’ont pas permis d’entraîner les secteurs non miniers. Ainsi, la croissance minière a eu peu d’impact sur la réduction de la pauvreté, et les exportations de bauxite et d’or, bien qu’importantes, n’ont pas stimulé les autres secteurs économiques.

Les recettes fiscales générées par les entreprises minières restent également un défi. Les exonérations fiscales, la mauvaise gestion des prix de transfert, et la faible capacité de l’administration fiscale à contrôler les opérations minières limitent l’impact des recettes sur les finances publiques.

  1. Le Rôle de l’Agriculture et de la Pêche dans la Transformation Structurelle :

Le secteur agricole guinéen, bien que sous-exploité, détient un potentiel important pour la croissance inclusive et la diversification économique. Il représente environ 27,8 % du PIB et emploie plus de la moitié de la population. Cependant, le secteur est largement dominé par une agriculture de subsistance, ce qui limite sa contribution à la transformation structurelle.

Le rapport met en évidence l’importance de l’adaptation de l’agriculture aux effets du changement climatique pour assurer la résilience de l’économie guinéenne. Le secteur agricole est particulièrement vulnérable à la hausse des températures, à la variabilité des précipitations, et à l’élévation du niveau de la mer. Des politiques et investissements dans des infrastructures résilientes, telles que l’irrigation, ainsi qu’une meilleure gestion des ressources en eau, sont nécessaires pour permettre au secteur agricole de jouer un rôle central dans la diversification économique.

En parallèle, la pêche est devenue un secteur de plus en plus important, passant d’une contribution annuelle de 5 % à 10 % du PIB entre 2016 et 2023. L’essor de la pêche industrielle a permis de doubler les exportations du secteur, offrant ainsi des perspectives de diversification économique.

  1. Recommandations pour une Croissance Durable et Inclusive

Pour rendre la croissance plus inclusive et durable, plusieurs recommandations émergent du rapport :

  • Renforcer la gestion des recettes fiscales minières : Mettre en œuvre des audits réguliers des entreprises minières, améliorer la transparence dans la collecte des taxes et renforcer les capacités fiscales de l’administration.
  • Accroître les investissements dans les infrastructures : Investir dans des infrastructures de transport et d’énergie pour améliorer la connectivité et stimuler la productivité des secteurs non miniers.
  • Développer le secteur agricole : Moderniser l’agriculture en promouvant des pratiques durables et résilientes aux effets du changement climatique. Cela inclut des investissements dans l’irrigation, la gestion des ressources en eau, et la transformation des systèmes agricoles de subsistance vers des systèmes orientés vers le marché.
  • Diversifier les sources de croissance : La diversification économique est essentielle pour réduire la dépendance au secteur minier et éviter les impacts négatifs du syndrome hollandais. Le développement de l’agro-industrie, des secteurs manufacturiers et des services est crucial pour assurer une croissance plus équilibrée et créer des emplois.
  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre : Bien que les émissions de la Guinée soient faibles au niveau mondial, elles proviennent principalement de l’agriculture et de la déforestation. Des mesures doivent être prises pour promouvoir des pratiques agricoles à faible émission de carbone et pour renforcer les efforts de reforestation.

Conclusion

La Guinée se trouve à la croisée des chemins en matière de développement économique. Si le secteur minier continue de jouer un rôle central dans la croissance, il est crucial de diversifier l’économie et de mieux gérer les ressources naturelles pour assurer une croissance plus inclusive et durable. L’agriculture, en particulier, a un rôle clé à jouer dans cette transformation, à condition que des politiques appropriées soient mises en place pour l’adapter aux risques climatiques. En somme, la gestion durable des ressources naturelles, couplée à des réformes économiques, est la clé pour un développement économique équilibré et inclusif en Guinée.

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Par Lancine Doumbouya

Ingénieur Système d’Information Audit et Contrôle de Gestion

Fondateur – cogérant de BALIMANA CONSULTING & INVESTMENT SARL