Guinée : course contre la montre pour les détenteurs de projets de raffineries d’alumine

Emergence – La junte militaire au pouvoir en Guinée a ordonné vendredi 8 avril aux compagnies minières détentrices de projets de raffineries d’alumine de lui soumettre un chronogramme clair et précis avant fin mai. Passé ce délai, les contrevenants s’opposent à des pénalités.

Le ton était ferme. En réunion vendredi avec une dizaine de compagnies minières opérant dans la bauxite, le Chef de la junte a demandé aux compagnies de transmettre au gouvernement, avant fin mai, leurs projets de raffinerie d’alumine assortis de chronogrammes précis.

Le Colonel Mamadi Doumbouya a dit prendre cette décision pour permettre au pays de tirer un maximum de revenus du boom minier.

« Des attentes ne sont pas comblées du côté de nos populations, cela ne peut pas continuer », a-t-il martelé.

« Désormais, la transformation sur place de nos matières premières que vous exploitez devient incontournable. C’est un impératif et sans délai », a insisté le Colonel Doumbouya, tout en invitant le gouvernement à évaluer les conventions par des cabinets spécialisés.

Le leader guinéen a précisé cependant que la démarche est loin de remettre en cause les engagements pris par la Guinée.

« Le gouvernement prendra toutes ses responsabilités afin de faciliter la mise en œuvre des usines de raffineries en République de Guinée », a-t-il promis. « Le gouvernement est conscient de la complexité de la construction d’une usine de raffinerie en Guinée. Cependant le respect des conventions reste non négociable pour nous », a ajouté le président par intérim.

La junte militaire qui a renversé le régime d’Alpha Condé en septembre a juré de défendre les intérêts de la Guinée dans les secteurs stratégiques, y compris celui des mines.

En mars, elle a suspendu le projet Simandou, le plus grand gisement de fer inexploité au monde, pour « s’assurer que les intérêts de la Guinée sont protégés ».

Les négociations ont abouti à une recomposition de l’actionnariat dans le chemin de fer et le port de ce projet qui va nécessiter 15 milliards USD d’investissements. La Guinée détient désormais 15% dans chacune des deux composantes, d’après un communiqué gouvernement.

La mise en garde des compagnies de bauxite intervenait presque deux semaines après la signature de l’accord entre le gouvernement, Winning Consortium Simandou et Rio Tinto.

En Guinée, une dizaine de compagnies qui exploitent la bauxite disposent aussi dans leurs conventions des projets de construction de raffinerie d’alumine. Parmi ces sociétés, figurent la Société Minière de Boké, Chalco, Guinea Alumina Corporation et la Compagnie des bauxites de Dian-Dian appartenant à Rusal.

Le pays dispose les plus importantes réserves mondiales de bauxite, minerai utilisé pour produire l’alumine, puis l’aluminium. Les réserves prouvées sont estimées à 40 milliards de tonnes.

Une seule raffinerie d’alumine existe à ce jour sur le sol guinéen. Appelée Friguia, elle est détenue par Rusal mais peine à tourner à plein régime. Elle a exporté 430 244 tonnes d’alumine en 2021, selon les chiffres du ministère des Mines.

L’Etat guinéen n’a aucune visibilité sur ces projets d’usines d’alumine en dépit du fait que la plupart des compagnies soient en production, a déploré Moussa Magassouba, le ministre des Mines lors de la rencontre du vendredi.

Le Colonel Mamadi Doumbouya a rappelé que tout manquement au respect des délais de construction des raffineries se traduira par des pénalités requises.

« En dépit de boom minier, les revenus sont en deçà des attentes. Vous et nous, ne pouvons plus continuer à ce jeu de dupe qui perpétue une grande inégalité dans nos relations », a-t-il affirmé. « Le gouvernement n’hésitera pas à prendre ses responsabilités pour rétablir l’équilibre ».

Samuel Camara