Entretien exclusif avec Namory Camara, Directeur général de la Société de Gestion de l’Aéroport de Conakry

A l’aéroport international Ahmed Sékou Touré de Conakry, l’Etat a réussi à mettre un coup d’accélérateur sur le projet d’extension et de modernisation. Les travaux avancent à grand pas. Laissant croire que les délais contracteurs seront respecté. Emergence a rencontré Namory Camara, Directeur général de la Société de Gestion de l’Aéroport de Conakry. Interview exclusive sur un des projets les plus emblématiques de la transition.

Emergence : Bonjour Monsieur le Directeur général. La Société de Gestion de l’Aéroport de Conakry que vous dirigez était au cœur d’une nouvelle restructuration il y a quelques mois. Quel est le nouveau schéma d’actionnariat à l’issue des négociations ?

Namory Camara : Bonjour et merci de nous accorder cette interview. Dès notre prise de fonction, il y a moins de 22 mois, nous avions reçue comme mission des hautes autorités d’enclencher un élan de modernisation non seulement à la SOGEAC mais aussi sur la plateforme aéroportuaire.

Pour rappel, la SOGEAC était en cogestion avec ADP (Aéroports de Paris), l’Agence Française de Développement (AFD) et la Chambre de Commerce de Bordeaux, mais les engagements qui avaient été pris, notamment le démarrage du projet d’expansion et de modernisation de l’aéroport, n’avaient pas été respectées. Il fallait trouver une solution, c’est ainsi que l’État guinéen a décidé de mettre fin à ce partenariat en reprenant ses droits et je vous informe qu’à ce jour, la SOGEAC est unique gestionnaire de notre aéroport.

Le projet phare de l’État guinéen dans le domaine du transport aérien est l’expansion et la modernisation de l’Aéroport Ahmed Sékou Touré de Conakry dont les travaux sont lancés depuis avril. Quel est l’état d’avancement de ce projet six mois après son démarrage ?

Tout d’abord, je tiens à formuler toute ma gratitude au Chef de l’État, le Colonel Mamadi Doumbouya pour la confiance placée en nous et le privilège qu’il nous offre en pilotant un projet d’une telle envergure qui sans exagérer restera dans les annales de l’histoire.

A ce jour, les travaux se déroulent de la meilleure des manières. Le groupe Albayrak a déployé de gros moyens financiers, matériels, logistiques et humains depuis ces 6 derniers mois. Vous remarquerez que les clôtures de chantiers, les terrassements et installations de la base vie ont été achevées en moins de 2 mois. Sur le chantier, vous verrez également que les travaux de la phase 1 du projet c’est-à-dire la construction de l’aviation générale qui servira de terminal pour les vols privés, nationaux et de pavillon présidentiel temporaire ont effectivement démarré. Il s’y ajoute aussi la construction des bâtiments administratifs dont le siège de la SOGEAC et le terminal fret qui sont à un stade aussi bien avancé et conforme au délais requis.

Ce qu’il faut retenir c’est que les études techniques prennent une grande partie du temps. Dans un tel projet, cela peut prendre quasiment deux ans.

Nous avons fait appel au recrutement de cabinets de conseils en ingénierie et techniques pour des raisons de normes internationales instaurées par l’OACI (organisation internationale de l’aviation civile). Ce travail a pris près de 3 mois. Il est important de souligner que chaque étapes des travaux (études, réalisations et contrôle) doit obligatoirement faire l’objet de validation par ces cabinets d’expertise internationale.

Par ailleurs, je vous informe que les études de la deuxième phase qui comprennent notamment la construction d’un terminal passager sur une superficie de 3 hectares sont très avancées et qu’à ce niveau, les études de sondage du sol ont démarré. On espère lancer les travaux dans les 9 à 10 mois à venir, une fois la réception de la première phase.

Parallèlement, le gouvernement avait procédé au lancement des travaux de rénovation des aérogares nationaux. Que peut-on dire sur ce projet ? 

C’est une excellente idée d’encourager la redynamisation de l’aviation civile guinéenne. La construction de ces aérodromes va sans doute améliorer la connectivité en Guinée et relancer le transport guinéen.

Nous apportons tout notre soutien au Ministre des Transports, car la finalisation des aérogares nationaux fera du secteur des transports un catalyseur de l’économie et permettra de nourrir l’aéroport international Ahmed Sékou Touré (AIAST).

Revenons-en à l’extension de l’Aéroport de Conakry. Quel est le coût prévisionnel des investissements et qui en est le bailleur ?

Nous estimons le coût prévisionnel du projet global entre 250 et 300 millions d’euros. Le modèle retenu pour la première phase est un EPC (Clé en main), c’est-à-dire que l’entrepreneur, Albayrak réalise les études, la conception et bien entendue la construction de l’infrastructure.

Pour information, le coût total de la première phase avoisine les 33 millions d’euros et sera à la charge de l’état guinéen.

Toutefois, après la réalisation de cette première phase, l’État à l’instar de la majorité des autres pays, fera recours à un financement privé à travers la mise en place d’un Partenariat Public Privé.

Quelles sont les différentes composantes de ce projet d’expansion et de modernisation ?

Comme je vous l’ai succinctement expliqué auparavant, le projet comporte 5 phases.

La première étant la construction de l’aviation générale, les bâtiments administratifs, le terminal fret, le poste d’accès routier inspection filtrage (PARIF)

Les phases 2 à 5 toucheront de plus gros œuvres tels que la construction d’un nouveau terminal pouvant abriter jusqu’à 3 millions de passagers, le pavillon présidentiel, l’hôtel, la nouvelle tour de contrôle, la reconstruction de la piste d’atterrissage, les voies d’accès et parkings des aéronefs à l’intérieur de l’aéroport mais aussi à l’extérieur avec les parkings autos, la caserne pompier et ses dépendances, le bâtiment pour la GTA et un hangar de maintenance des équipements GSE.

Dans une récente intervention médiatisée, vous annonciez que l’aéroport de Conakry connait un taux de fréquentation très élevé. Peut-on avoir les dernières statistiques en termes du nombre de vols et de passagers ?

Il y a un rebond de trafic à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré (AIAST). Comme vous le savez, le Covid-19 avait sérieusement impacté le trafic aérien, mais à ce jour, nous assistons à une forte croissance du nombre de passager.

Pour preuve, nous avons enregistré 617 325 passagers (pax) au mois d’octobre contre 525 869 pax sur la même période l’an passé.

Cette année, nous ambitionnons d’atteindre le plus haut niveau de trafic que notre aéroport n’ait jamais connu, soit 750 000 pax.

Les réformes introduites se traduisent entre autres par la mise en place d’un système de paiement électronique du parking. Pourquoi une telle initiative et quels sont les premiers résultats économiques engrangés ?

La modernisation du parking est l’une des avancées majeures que notre aéroport a connu cette année. Il est de notre responsabilité d’accroître les revenus extra-aéronautiques et le parking en est un élément essentiel.

L’automatisation nous a seulement permis de renforcer la sûreté mais aussi de sécuriser les fonds générés par les activités du parking. Nous estimons que nos usagers bénéficient d’une meilleure expérience et nous avons pour défi de continuer à améliorer nos services.

Quelles sont les perspectives dans le cadre des réformes qui sont en cours ?

Le projet de construction et de modernisation demeure la priorité majeure.  A cela s’ajoute, l’octroi d’équipements de pointe à l’effet d’améliorer les performances et la digitalisation de notre aéroport. Peu à peu, nous migrons vers une digitalisation à laquelle nos usagers s’adaptent et en tirent pleinement profit.

Enfin, il y a la qualification du personnel et c’est le plus important, qui se poursuit avec une grande célérité. Nous prônons l’excellence dans le travail et cela se traduit par les nombreuses formations dispensées par des experts certifiés aux normes OACI et les voyages d’immersion dans les aéroports à forte affluence.

Votre dernier mot ?

Mes remerciements vont à l’endroit des travailleurs de la SOGEAC et des partenaires de la plateforme aéroportuaire qui ont su implémenter les orientations que nous leur avions dictées et tout ceci dans un esprit de franche collaboration.

Toute ma reconnaissance à Monsieur Félix LAMAH, le Ministre des Transports qui est en première ligne de nos actions mais aussi à l’ensemble des membres du gouvernement qui portent et encouragent nos initiatives.

Je vous remercie.

 

Propos receuillis par O. Elie Camara 

(Entretien diffusé en exclusivité dans le magazine Emergence N°23 de Décembre 2023)