En Guinée, une conjoncture économique en amélioration mais sujette à des risques (Billet de la semaine ) 

L’économie guinéenne montre des signes de reprise, mais la situation reste fragile. La maitrise de l’inflation et la gestion des risques seront cruciales pour une croissance durable et inclusive.

C’est la quintessence du dernier communiqué du Comité de Politique Monétaire que nous présentons dans une première partie avant de mettre en évidence – dans la deuxième partie – d’autres indicateurs non pris en compte mais tout aussi important pour une analyse globale de la conjoncture économique du pays.

 Compte tenu des risques et des facteurs d’atténuation, le Comité a décidé de maintenir inchangés le taux directeur et le coefficient des réserves obligatoires à 11% et 13%, respectivement.

Croissance : L’économie guinéenne a connu un début d’année 2024 difficile suite à l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum en décembre 2023. Malgré ce choc, la croissance s’est établie à 4,0% au premier trimestre 2024, contre 4,9% au trimestre précédent.

Inflation : Les efforts d’approvisionnement en carburant ont permis de ramener l’inflation à son niveau d’avant l’incendie. A fin mars 2024, le taux d’inflation en glissement annuel au niveau national a ralenti de 6,5% en décembre 2023 à 5,8%. A Conakry, il est passé de 9,3% en décembre 2023 à 8,8% en mars 2024. Le Comité prévoit que l’inflation à Conakry se situerait à 7,9% en moyenne au deuxième trimestre 2024 et pourrait baisser à 7% au quatrième trimestre 2024.

Finances publiques : Les indicateurs des finances publiques se sont nettement améliorés grâce à une baisse des dépenses publiques et à une hausse des recettes fiscales. L’exercice budgétaire 2023 s’est soldé par un excédent de 3,6% du PIB, contre un déficit de 9,4% au quatrième trimestre 2023. Le solde primaire est également excédentaire de 3,9% du PIB.

Marché des changes : Le franc guinéen est resté pratiquement stable vis-à-vis du dollar américain entre fin mars 2023 et fin mars 2024, et s’est apprécié de 0,7% vis-à-vis de l’euro.

Risques : Les principaux risques pesant sur les perspectives de l’inflation sont liés à une nouvelle escalade des tensions géopolitiques et aux risques modérés de catastrophes naturelles. Au niveau national, les éventuelles tensions sociopolitiques et l’interdiction temporaire de l’exploitation artisanale de l’or et du diamant pourraient avoir un impact négatif sur l’économie.

Facteurs d’atténuation : L’amélioration de la desserte en électricité et le décaissement de 71 millions USD du FMI au titre du guichet des chocs exogènes de la Facilité de crédit rapide pourraient atténuer les risques et soutenir la croissance.

Cependant, il est important de souligner que certains indicateurs macroéconomiques importants n’ont pas été suffisamment pris en compte par le comité.

  1. Exposition du secteur financier aux titres d’État : Le niveau d’exposition des banques aux titres d’État (bons et obligations du Trésor guinéen) n’est pas clairement analysé.

Une exposition excessive à ces titres pourrait fragiliser le secteur financier en cas de difficultés de remboursement par l’État.

  1. Risque de récession du secteur non minier : Le communiqué ne mentionne pas le risque de récession du secteur non minier, pourtant important pour la diversification de l’économie.

Une telle récession pourrait avoir des conséquences négatives sur l’emploi et la croissance globale.

  1. Non paiement de la dette intérieure et impact sur les PME : Le non paiement de la dette intérieure par l’État n’est pas abordé.

Ce phénomène peut avoir un impact négatif important sur les PME, qui sont souvent les principales fournisseurs de l’État.

Le non paiement de leurs créances peut les fragiliser, voire les mener à la faillite.

  1. Impact de l’arrêt de l’exploitation artisanale de l’or : L’arrêt de l’exploitation artisanale de l’or n’est pas analysé en profondeur.

Or, ce secteur représente plus de 80% de la production et de l’exportation d’or du pays, avec plus de 70 000 emplois directs et indirects.

Son arrêt pourrait avoir un impact économique et social important.

En conclusion, si l’analyse du comité de politique monétaire de la BCRG met en avant des points positifs de l’économie guinéenne, il est important de ne pas négliger ces indicateurs macroéconomiques importants. Une prise en compte plus approfondie de ces éléments permettrait d’avoir une vision plus complète et plus nuancée de la conjoncture économique du pays.

Il est crucial que les autorités guinéennes prennent des mesures pour adresser ces risques et garantir une croissance durable et inclusive pour l’ensemble de la population.

Billet MOCAM