Un an après la prise du pouvoir par le CNRD, l’heure est au bilan. L’exercice est d’avantage prisé par les politiques qui, pour la plupart, en ont profité pour dresser un tableau sombre, notamment en ce qui concerne la gestion économique du pays.
Les appréciations de ce bilan économique faites par le Président du Mouvement National pour le Développement (MND), Dr Ousmane Doré, par ailleurs ancien ministre de l’Economie et des Finances, tranchent avec celles de certains de ces collègues qui sont très caustiques.
Intervenant chez nos confrères de Djoma Media cette semaine dans l’émission « On Refait Le Monde », l’ancien Directeur Général Régional de Développement et de Prestation de Services pour l’Afrique Centrale à la Banque Africaine de Développement rassure que l’économie Guinéenne se porte plutôt bien. Lisez son interview :
Docteur Ousmane Doré, On a écouté le Premier ministre qui disait avec une dose d’exagération que l’économie Guinéenne est la plus performante de l’Afrique. Vous qui êtes économiste dans l’âme, dites-nous comment se porte aujourd’hui notre économie ?
Je crois que le Premier ministre n’avait pas tort. L’économie guinéenne se porte bien. Vous pouvez regarder les derniers rapports du FMI, de la BAD et de la Banque Mondiale. Et quand on parle de résilience c’est par rapport à quoi ? Nos économies étant ce qu’elles sont, fragiles, reposant surtout sur l’exploitation et autres, les chocs exogènes simplement amènent la plupart de ces économies dans une situation de récession globale.
Et quand on a dit que la Guinée est une économie très résiliente ou peut être la plus résiliente – pas cette année, mais plutôt l’année de la COVID- c’est qu’on enregistre un taux de croissance de 7,2% en 2020 au moment où il y avait cette crise qui avait tous ses effets que nous connaissons. Et je vous rappelle que l’économie africaine dans sa globalité a connu une chute du PIB de près de 3%.
De 7%, on était déjà aux environs de 5%. Certaines agences parlent de 4%. Mais qu’à cela ne tienne, c’est un bon taux. C’est un taux respectable dans le contexte actuel qu’on connait, et, qui vient encore d’être chahuté par la guerre en Ukraine. Ce taux de croissance de 5%, c’est vraiment un taux que beaucoup de pays souhaiteraient avoir.
Ceci dit, moi, je ne parlerais pas de résilience au sens global parce que c’est tiré par les mines.
« La résilience c’est la capacité d’avoir une économie qui résiste à tous les chocs »
Vous vous rappeler que pendant COVID, il y a eu ces disfonctionnements sur le commerce extérieur, mais ce qui a aidé la Guinée, principalement, c’est le secteur minier, qui a contribué pour près de 80% à l’économie du PIB. Et ce secteur n’a pas été affecté. Notre bauxite et notre aluminium continuaient à partir. Alors je dis la résilience ne se définit pas par ça. Parce que si d’aventure les quelques marchés d’approvisionnement en bauxite, fer et diamant arrivaient à connaitre des chocs, c’est clair que l’économie guinéenne peut s’effondrer. Donc la résilience c’est la capacité d’avoir une économie qui résiste à tous les chocs et nous n’avons pas ça, notre économie n’étant pas diversifiée. Voilà ce qu’on peut dire.
Il y a l’inflation qui est aujourd’hui à deux chiffres, mais je vous rappelle que cette même crise est venue renchérir les coûts des produits d’importation. Quelqu’un me demandait, et notre taux de change qui s’apprécie en même temps .
Vous savez il n y a pas une équivalence. Vous pouvez avoir une situation quand vous importez l’inflation et que vous menez des politiques restrictives. Vous restreignez les conditions monétaires, il est possible de réduire l’impact de cette inflation importée. C’est ce qui se passe en Guinée. N’eût été le faite du remboursement des encours de la banque centrale au trésor. C’est les fameuses avances statutaires qui ont financé si vous voulez les dépenses de programme de COVID que le gouvernement avait mis en place. Cela avait été financé par la banque centrale. Le tout a été remboursé. Ça a contribué quelque part à donner de la valeur à la monnaie guinéenne sans compter les gels.
Mais en tout état de cause, la compression des dépenses publiques, parce que lorsque l’argent est injecté dans l’économie ce qui se passe, vous avez la plupart des entreprises et même des consommateurs qui ont besoin de devises pour certaines transactions…. Nous n’avons pas un taux de change fixe. Il est d’ailleurs régulé par le marché.
Ici , à quoi on assiste ? Quand les marchés parallèles font des transactions, vous trouverez que les taux sont relativement plus élevés par rapport au taux des banques. Alors la politique monétaire du pays vise à réduire ces écarts. Et donc on peut vite se rendre compte quand le dollar monte et descend, en allant au marché de Madina et autres, pour voir ce qui se passe. Et, c’est le reflet, justement, des politiques en place.
Donc, moi , je peux dire qu’il y a une cohérence ici.
La monnaie n’est que le reflet de l’économie. L’économie n’est pas encore en dégringolade, la politique monétaire, elle, est restée dans une position très difficile.
Comment elle est dans cette position, parce que vous devez resserrer les conditions pour juguler l’inflation et en même temps la banque centrale à un rôle à jouer pour redynamiser l’économie. Donc si vous augmenter les taux d’intérêts, les taux de réserves obligatoires qui sont les instruments à la disposition, vous pouvez peut-être avoir un impact sur les conditions monétaires, et peut-être réduire l’inflation. En même temps vous choquez les crédits qui vont au secteur privé et qui pourraient quelque part toucher à la croissance. Donc, ils sont dans ce dilemme là.
Le Premier Ministre dit que les institutions financières sont toutes là. Et qu’ils auront des financements pour leurs projets. Comment cela est-il possible pendant une période de transition ?
C’est une bonne question. Je peux vous dire que j’étais un ancien du Fonds Monétaire International et aussi ministre de l’Economie, deux mois la prise du pouvoir par l’armée en 2009.
Il est clair que ces institutions, c’est d’abord un arrêt et un examen de leurs portefeuilles en cours.
Les risques fiduciaires, elles doivent les évaluer. Quand il a parlé du FMI, vous vous rappelez de la fameuse conférence qu’il y a eu en France, pour régler la crise de COVID dans les pays. On a demandé au FMI de faire une réallocation de ses avoirs en DTS.
Les DTS ont été réalloués, c’est-à-dire des financements, parce que le Fonds travaille avec cette monnaie composite qu’on appelle le DTS qui a une certaine parité avec les grandes monnaies dont le Dollar et l’Euro. A cet effet, la Guinée a bénéficié de 205 millions de DTS. Lorsque ce gouvernement est arrivé, nous avons la Banque centrale, nous n’avons pas réellement de problème, contrairement au Mali où la BCAO qui doit recevoir leur allocation les avait sanctionnés. Ils ont alors été coupés de ses DTS.
Les deux cent et quelques millions de DTS, ont été décaissés. D’ailleurs, je crois que lorsque vous me demandez comment on peut enregistrer ce taux de 4 à 5% maintenant, c’est dû à la relance budgétaire. C’est-à-dire, on a eu des ressources qui nous ont permis de booster le niveau du BND de l’investissement sur financement interne.
Maintenant, le financement externe, il est important. Mais sachez une chose, quand on vous dis que la Banque mondiale a envoyé 500 millions ou autres, c’est pas forcement de l’argent frais.
Voilà comment ça se passe. On fait une revue de portefeuille. Si vous regardez le site de la Banque mondiale, ils vont vous dire qu’aujourd’hui leur portefeuille est 800 millions pour la Guinée.
Donc, on fait la revue de portefeuille on se rend compte que dans le pays, il n y a pas de risque politique. Alors les risques fiduciaires sont réduits . On reconduit donc certaines opérations. Ça veut dire que, quasiment, la Banque mondiale reste dans le pays et les ressources projets sont encore allouées.
J’ai vu sur le site de la banque mondiale, ils se sont réengagés sur cette base. Il n’y a presque pas eu de condamnation.
Par contre , ce qui parait difficile, c’est d’avoir des appuis budgétaires, parce que l’appui budgétaire est calé sur des principes de gouvernance.
Lorsque vous devez avoir comme le Millénium Challenge des Etats-Unis, c’est de l’argent frais, sans contrepartie. Et ils ont gelé ça, ce depuis le temps d’Alpha Condé. A l’époque, ils ont estimé qu’il y avait des crises politiques.
Ce qui veut dire ces institutions n’ont pas rompu avec le pays ?
Non ! Il y a pas eu péril en la demeure. Ce que vous n’avez pas compris, ces institutions sont là pour les pays. Le FMI, la BAD et la Banque mondiale fonctionnent avec un Conseil d’administration que renferment les pays.
Décryptée par Daouda Yansané