Diakaria Koulibaly, ministre des Hydrocarbures dit tout sur la baisse du prix du carburant à la pompe

Le gouvernement guinéen a pris la décision de faire baisser le prix du carburant de 500 FG/litre à la pompe. Pour en savoir plus, notre rédaction a rencontré le ministre des Hydrocarbures Diakaria Koulibaly. Interview.

Le gouvernement lors du dernier conseil des ministres a pris la décision de baisser le prix du carburant de 500 FG/l, quelle est la justification de cette décision ? 

Diakaria Koulibaly : La décision est motivée par le recul du prix du baril du pétrole à l’international et la volonté du gouvernement de réajuster le prix du carburant à la pompe du fil de l’évolution des cours mondiaux du pétrole. 

Qu’est ce qui explique cette chute du cours de pétrole ? 

Diakaria Koulibaly : La surabondance de la production mondiale découlant de l’assouplissement de l’embargo contre l’Iran et l’augmentation de la production américaine du pétrole de schiste. 

D’aucuns estiment que la baisse du prix du carburant à la pompe n’est pas identique à celle du prix du baril du pétrole. Que leur répondez-vous ? 

Le prix du carburant à la pompe évolue conjointement avec le cours du pétrole brut mais jamais dans une proportion identique.

La part du prix du pétrole brut dans le prix de cession du litre est faible et ne représente que moins d’un tiers (d’1/3) du prix pratiqué à la pompe.

Fondamentalement, le prix du carburant dépend pour beaucoup de variables indépendantes des fluctuations du brut sur les marchés mondiaux à savoir la marge de raffinage, le fret et la marge du négociant, les coûts locaux de stockage, de distribution ainsi que la fiscalité intérieure.

Ces éléments affectent les prix à la consommation du carburant dans une fourchette de 60% et sont quasiment rigides à la baisse.

Autre facteur expliquant le décalage des prix est l’effet monétaire ou l’effet de change.

Quel est le rapport entre le cours du dollar et le prix à la pompe ? 

Le carburant consommé en Guinée n’est pas acheté localement.

La facture d’achats étant libellée en dollar, toute dépréciation du franc guinéen face au dollar renchérit le prix du carburant à la consommation.

Pour illustration, la parité dollar/franc guinéen est passée environ de 1 USD= 9000 FG en juillet 2018, mois du dernier réajustement du prix à la pompe à 1 USD = 9 350 FG (référence banques primaires) renchérissant ainsi le prix de la cession du litre à la pompe de 350 FG.

En d’autres termes, si la parité dollar /franc guinéen était restée inchangée de juillet 2018 à date, le gouvernement aurait pu baiser le prix du carburant à la pompe de 850 FG/L.

Vous comprendrez donc pourquoi le prix pratiqué à la pompe en Guinée souffre de l’effet d’un dollar fort. 

Pourquoi prendre référence aux banques primaires au lieu de la banque centrale (BCRG) ? 

La Banque Centrale n’est pas confortable pour couvrir entièrement le besoin du secteur pétrolier en devises. Les lettres de crédit sont couvertes par les banques primaires d’où l’utilisation de leur taux de cession du dollar dans la structure des prix du carburant. 

Avec le prix de 9 500 FG, le prix du litre du carburant en Guinée n’est-il pas au-dessus des pays voisins ? 

Non, les prix de ventes du litre valorisés en FG/L de d’essence et du gasoil au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Mali sont les suivants :

 Pays            Produits              Montant (FG/L)

Sénégal      Essence                11 000

Gasoil                     9 500

Mali              Essence                 11 000

Gasoil                     10 000

Côte d’Ivoire Essence               10 000

Gasoil                   9 600 

Y a-t-il un inconvénient pour un pays d’avoir le prix de vente inférieur par rapport à ses voisins ? 

Le coulage transfrontalier est incité par les avantages comparatifs des prix et s’opère au détriment du pays pratiquant le prix bas qui subit un tarissement de ses réserves de devises pour cause du gonflement des commandes et des factures d’importations. 

Pour autant, d’aucuns estiment que le prix bas du carburant contribue à enrichir les populations et qu’à ce titre, le gouvernement doit davantage baisser le prix à la pompe. Que répondez-vous ? 

Fixer le prix du carburant en dehors de la réalité économique prive l’Etat de ses recettes donc de sa capacité à faire face au besoin du développement socio-économique du pays.

L’Etat ne peut valablement accomplir sa mission qu’à travers les moyens de la mission que constituent les prélèvements des droits et taxes autorisés dans la loi des finances.

Source : Mediaguinee