Coup de semonce fiscal en Guinée : plus de 500 entreprises dans le collimateur de la DGI

C’est une opération fiscale d’envergure qui secoue actuellement le monde des affaires en Guinée. La Direction Générale des Impôts (DGI) a lancé une vaste campagne de recouvrement ciblant plus de 500 entreprises, y compris des sociétés minières, accusées de non-paiement ou de retard de paiement d’impôts. Cette initiative musclée, qui a déjà conduit à l’arrestation de plusieurs chefs d’entreprises, suscite de vives inquiétudes au sein du secteur privé guinéen.

Face à cette situation tendue, le Premier ministre Amadou Oury Bah a dû intervenir personnellement en rencontrant les représentants de la Confédération Générale des Entreprises de Guinée (CGE-GUI). Les montants en jeu sont colossaux, avec un niveau de Restes à Recouvrer atteignant 611,63 milliards de francs guinéens en Loi de Finances Rectificative (LFR) 2024, contre 950,93 milliards en Loi de Finances Initiale. Cette situation s’explique par de multiples facteurs, notamment des déclarations sans paiement d’impôts, le non-respect des objectifs de recettes et l’impact de la hausse des importations sur les recettes douanières.

Pour remédier à ces manquements, la DGI a durci le ton en s’appuyant sur de nouvelles dispositions introduites dans le Code Général des Impôts. Celles-ci prévoient un arsenal de mesures coercitives, allant des poursuites judiciaires à la saisie conservatoire des biens en passant par la suspension du Numéro d’Immatriculation Fiscale. L’objectif affiché est de renforcer le recouvrement des créances fiscales et de lutter contre l’évasion, dans un souci de transparence et d’équité.

Cette opération fiscale d’envergure marque un tournant décisif dans la politique de mobilisation des recettes intérieures menée par les autorités guinéennes. Elle témoigne de la détermination de l’administration fiscale à assainir le climat des affaires, tout en préservant les droits des contribuables. Reste à savoir si ces mesures drastiques permettront d’atteindre les objectifs ambitieux fixés en termes de recettes, sans pour autant fragiliser davantage le tissu économique national.

Quelles sont les nouvelles dispositions introduites dans le Code Général des Impôts?

Quels sont les impacts à long terme de cette opération fiscale sur le secteur privé guinéen?

Comment la DGI prévoit-elle de renforcer la transparence dans le recouvrement des impôts?

Quels sont les principaux défis auxquels la DGI doit faire face pour améliorer la collecte des impôts?

Comment les entreprises peuvent-elles se préparer à ces nouvelles mesures fiscales?

Dans cet article nous allons répondre à ces différentes questions:

  • NOUVELLES DISPOSITIONS INTRODUITES DANS LE CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS Loi ordinaire L/2021/032/AN Promulguée par Décret D/2021/236/PRG/SGG du 21 Juillet 2021
  • Mesures de Poursuites et de Prescription en Matière Fiscale en Guinée

Le Code Général des Impôts de la République de Guinée a récemment introduit de nouvelles dispositions concernant les poursuites et la prescription des actions de mise en recouvrement des créances fiscales. Ces mesures visent à renforcer l’efficacité du recouvrement des impôts et à garantir le respect des obligations fiscales par les contribuables. Voici un aperçu détaillé des principales modifications apportées.

  • Poursuites en Cas de Non-Paiement

Selon l’article 1021, si un contribuable ne paie pas intégralement les sommes dues dans les dix jours suivant une mise en demeure et qu’aucun sursis de paiement n’a été accordé, des poursuites seront engagées. Ces poursuites peuvent être menées par le receveur des impôts, un huissier de justice ou tout agent de l’administration fiscale habilité (article 1022).

Le receveur des impôts dispose de diverses mesures pour recouvrer les créances, y compris les poursuites de droit commun et des prises de sûretés spécifiques prévues par le Code Général des Impôts (article 1022, II et III). Il peut également demander au Tribunal de Commerce l’assignation du débiteur en liquidation judiciaire ou procéder à la saisie-vente des biens du débiteur (article 1022, IV).

  • Prescription de l’Action de Mise en Recouvrement

Les receveurs des impôts disposent d’un délai de quatre ans à compter de la notification de l’Avis de Mise en Recouvrement pour obtenir le paiement des créances (article 1024, I). Ce délai peut être interrompu par une mise en demeure de payer, un acte de poursuite régulièrement notifié, une demande en justice, une déclaration de créances dans une procédure collective, ou tout acte du débiteur reconnaissant sa dette (article 1024, II). L’interruption de la prescription entraîne une nouvelle période de prescription de même durée (article 1024, III).

  • Avis à Tiers Détenteur

Les receveurs des impôts peuvent saisir entre les mains des tiers les sommes d’argent dues aux redevables par voie de saisie-attribution à tiers détenteur (article 1025, I). Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant aux redevables sont tenus de verser ces fonds au receveur des impôts sur demande (article 1025, II). Pour les établissements financiers, la saisie porte sur tous les avoirs du débiteur au jour de la réception de l’avis (article 1025, III).

L’avis à tiers détenteur doit être notifié par lettre remise contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception, avec mention des délais et voies de recours (article 1026, I). Le tiers détenteur doit communiquer le solde du compte du contribuable dans un délai de sept jours, sous peine d’amende (article 1026, II).

  • Rétention en Douane des Marchandises

Le receveur des impôts peut demander à l’Administration des Douanes de procéder à la rétention des marchandises importées par le redevable poursuivi (article 1029, I). La rétention est effective jusqu’à ce que le contribuable ait procédé à un premier paiement partiel et convenu d’un échéancier de paiement (article 1029, II).

  • Fermeture Administrative

Le receveur des impôts peut prononcer la fermeture administrative des locaux professionnels des personnes ayant une créance privilégiée supérieure à dix millions de francs guinéens, pour une durée n’excédant pas quinze jours (article 1030, I). Pendant cette période, un avis de fermeture pour non-paiement d’impôts sera apposé à la devanture du local (article 1030, II). En l’absence de régularisation à l’expiration d’une période de trente jours après la fermeture, cette procédure peut être réitérée une seule fois pour une nouvelle fermeture qui ne peut excéder quinze jours (article 1030, III).

  • Saisie-Conservatoire des Véhicules

Le receveur des impôts peut procéder à la saisie conservatoire des véhicules appartenant au débiteur, sur autorisation du Directeur National des Impôts (article 1031, I). Les véhicules saisis peuvent être confisqués et vendus aux enchères publiques si la dette n’est pas réglée dans un délai de quatre semaines (article 1031, III). Cette procédure ne s’applique pas aux véhicules d’un poids supérieur ou égal à trois virgule cinq tonnes, ni aux véhicules utilitaires de moins de quatre places, indépendamment de leur tonnage (article 1031, II). La saisie conservatoire ne peut porter que sur un véhicule par tranche de dix millions de francs guinéens (article 1031, V). Pour les sociétés, la saisie puis la confiscation peuvent également porter sur un véhicule de tourisme appartenant à un dirigeant (article 1031, VI).

  • Suspension du Numéro d’Immatriculation Fiscale

Le receveur des impôts peut prononcer la suspension du Numéro d’Immatriculation Fiscale du contribuable poursuivi (article 1032, I). Cette suspension est effective jusqu’à ce que le contribuable ait procédé à un premier paiement partiel et convenu d’un échéancier de paiement (article 1032, II). Le contribuable dont le Numéro d’Immatriculation Fiscale est suspendu se trouve dans l’impossibilité de procéder au dédouanement de ses marchandises importées ou exportées et est sujet aux interdictions prévues à l’article 1033 (article 1032, III).

  • Interdictions Temporaires

Le receveur des impôts peut prononcer des interdictions temporaires à l’égard du contribuable poursuivi, telles que l’interdiction de soumissionner à un marché public, de participer aux opérations boursières, ou d’acquérir un titre minier (article 1033, I). Ces interdictions seront publiées dans la presse et sur le site internet de l’Administration fiscale (article 1033, II).

  • Mesures Conservatoires ou d’Urgence

Pour assurer le recouvrement des impositions établies par voie de taxation d’office, les receveurs des impôts peuvent faire procéder au blocage des comptes courants des intéressés (article 1034). En cas de cessation d’activité ou de fermeture de l’entreprise, les poursuites peuvent être engagées dès l’envoi de l’avis de mise en recouvrement (article 1036).

Lorsqu’au cours d’une procédure de contrôle fiscal, il apparaît des indices sérieux tendant à prouver que le contribuable vérifié organise son insolvabilité afin d’échapper au paiement des rappels potentiels, le Directeur National des Impôts ou son représentant peut saisir par voie de référé le Président du Tribunal de Première Instance ou le Juge de Paix afin de pouvoir procéder à toute mesure conservatoire utile à la sauvegarde des intérêts du Trésor. Il s’agit notamment des saisies conservatoires, des avis à tiers détenteurs à titre conservatoire et des hypothèques judiciaires (article 1035).

  • IMPACTS À LONG TERME DE L’OPÉRATION FISCALE SUR LE SECTEUR PRIVÉ GUINÉEN

L’opération fiscale menée par la Direction Générale des Impôts (DGI) pourrait avoir des conséquences durables sur le secteur privé guinéen. À court terme, cette initiative pourrait engendrer une méfiance accrue entre les entreprises et l’administration fiscale. Cette méfiance pourrait se traduire par une réticence des entreprises à collaborer avec les autorités fiscales, ce qui pourrait nuire à la coopération future et compliquer les efforts de collecte des impôts. Les entreprises pourraient devenir plus prudentes et moins enclines à partager des informations financières, craignant des sanctions ou des audits plus rigoureux.

Cependant, à long terme, si l’opération fiscale est bien gérée, elle pourrait renforcer la culture de conformité fiscale et améliorer la perception de l’équité dans le système fiscal. Une gestion transparente et équitable de l’opération fiscale pourrait inciter les entreprises à respecter leurs obligations fiscales de manière plus rigoureuse. En augmentant les recettes fiscales, l’État pourrait également investir davantage dans les infrastructures et les services publics, favorisant ainsi un environnement économique plus propice à la croissance. Ces investissements pourraient améliorer les conditions de vie et de travail, stimuler l’innovation et attirer de nouveaux investissements étrangers, contribuant ainsi à une économie plus dynamique et résiliente.

  • RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE DANS LE RECOUVREMENT DES IMPÔTS

Pour améliorer la transparence dans le recouvrement des impôts, la DGI prévoit d’adopter des mesures telles que l’automatisation de la collecte des impôts et la mise en place d’un système électronique d’informations fiscales. Ces initiatives visent à garantir un suivi rigoureux des transactions fiscales et à réduire les opportunités de fraude. L’automatisation permettrait de minimiser les erreurs humaines et de rendre les processus de collecte plus efficaces et moins sujets à la corruption. Le système électronique d’informations fiscales faciliterait la traçabilité des transactions et permettrait une analyse plus précise des données fiscales, aidant ainsi à identifier les comportements frauduleux.

De plus, la DGI s’engage à sensibiliser les contribuables sur leurs obligations fiscales et à améliorer la communication sur les procédures de recouvrement. Des campagnes de sensibilisation et des formations pourraient être organisées pour informer les contribuables sur les nouvelles dispositions fiscales et les aider à comprendre leurs responsabilités. Une communication claire et transparente sur les procédures de recouvrement pourrait également renforcer la confiance des contribuables dans le système fiscal et encourager une meilleure conformité.

  • DÉFIS À RELEVER POUR AMÉLIORER LA COLLECTE DES IMPÔTS

La DGI fait face à plusieurs défis dans sa quête d’amélioration de la collecte des impôts. Parmi ceux-ci, on trouve la nécessité de moderniser ses systèmes de gestion et d’information, d’améliorer la fiabilité du registre des contribuables, et de lutter contre l’évasion fiscale. La modernisation des systèmes de gestion et d’information est cruciale pour améliorer l’efficacité et la précision de la collecte des impôts. Un registre des contribuables fiable et à jour est essentiel pour identifier et suivre les contribuables, tandis que la lutte contre l’évasion fiscale nécessite des mesures rigoureuses et des technologies avancées pour détecter et prévenir les comportements frauduleux.

De plus, le faible civisme fiscal et la prévalence du secteur informel compliquent la situation. Le faible civisme fiscal peut être attribué à un manque de confiance dans le système fiscal et à une perception d’injustice. La DGI devra travailler à restaurer la confiance des contribuables et à promouvoir une culture de conformité fiscale. Le secteur informel, quant à lui, échappe souvent à la fiscalité en raison de son caractère non déclaré. La DGI devra mettre en place des stratégies pour intégrer progressivement ce secteur dans le système fiscal, tout en offrant des incitations pour encourager la formalisation des activités économiques.

  • PRÉPARATION DES ENTREPRISES AUX NOUVELLES MESURES FISCALES

Pour se préparer aux nouvelles mesures fiscales, les entreprises doivent d’abord s’informer sur les modifications apportées au Code Général des Impôts et comprendre leurs obligations fiscales. Il est essentiel qu’elles mettent en place des systèmes de comptabilité rigoureux et s’assurent que leurs déclarations fiscales sont à jour. Des systèmes de comptabilité précis et bien tenus sont cruciaux pour éviter les erreurs et les omissions qui pourraient entraîner des sanctions. Les entreprises devraient également envisager de consulter des juristes ou des fiscalistes pour naviguer dans ce nouvel environnement fiscal et éviter les sanctions potentielles. La sensibilisation et la formation des employés sur les questions fiscales peuvent également jouer un rôle crucial dans la conformité. Des formations régulières et des mises à jour sur les nouvelles dispositions fiscales permettraient aux employés de mieux comprendre leurs responsabilités et de contribuer à une meilleure conformité fiscale au sein de l’entreprise.

L’opération fiscale menée par la DGI en Guinée représente un tournant décisif dans la politique de mobilisation des recettes intérieures. Bien que cette initiative ait suscité des inquiétudes et des tensions au sein du secteur privé, elle témoigne de la détermination de l’administration fiscale à assainir le climat des affaires et à renforcer la conformité fiscale. Les nouvelles dispositions introduites dans le Code Général des Impôts, telles que les poursuites judiciaires et la saisie conservatoire des biens, visent à garantir un recouvrement plus efficace des créances fiscales et à élargir l’assiette fiscale.

Cependant, la réussite de cette opération dépendra de la capacité de la DGI à moderniser ses systèmes de gestion et d’information, à améliorer la fiabilité du registre des contribuables et à lutter contre l’évasion fiscale. De plus, il sera crucial de restaurer la confiance des contribuables et de promouvoir une culture de conformité fiscale, tout en intégrant progressivement le secteur informel dans le système fiscal. Les entreprises devront également se préparer à ces nouvelles mesures en mettant en place des systèmes de comptabilité rigoureux, en se tenant informées des modifications fiscales et en formant leurs employés aux nouvelles obligations. En fin de compte, cette opération pourrait contribuer à un environnement économique plus propice à la croissance, à condition qu’elle soit menée de manière équitable et transparente.

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